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Bienne

Qu’est-ce que la beauté?

Le docteur en philosophie et réalisateur Adrien Bordone propose un séminaire sur l’esthétique, à l’université populaire. Le Biennois espère démystifier la philosophie.

En abordant le concept de la beauté à l’Université populaire, Adrien Bordone souhaite rendre la philosophie accessible à tous. Peter Samuel Jaggi

Par Maeva Pleines

La beauté est-elle dans l’œil de celui qui regarde ou dans l’objet esthétique? Une vaste question à laquelle Adrien Bordone n’hésite pas à soulever. A partir du 14 octobre, le philosophe animera un séminaire de cinq cours sur la beauté, les mercredis à 19h15, à l’Université populaire de Bienne. Ces sessions sont ouvertes aux curieux de tous horizons, sans connaissances prérequises. «J’aimerais rendre la philosophie moins intimidante pour tout un chacun. Je pense qu’on peut tirer énormément de plaisir à mener sa propre réflexion, par exemple à partir d’une œuvre que l’on apprécie, pour finalement se rendre compte que l’on arrive à des conclusions similaires à celles de Kant, il y a trois siècles.»

Le Biennois guidera ainsi ses élèves pour mener leurs discussions enrichies par des textes allant de Platon au pragmatisme américain, en passant par le romantisme allemand et les théories du Moyen-Âge. «Je ferai un travail de maïeutique. C’est-à-dire, faire ‹accoucher› les esprits des connaissances qui se trouvent en eux», sourit-il en expliquant ce concept socratique.

Refusant tout élitisme, Adrien Bordone souligne par ailleurs, qu’à ses origines, la philosophie ne se cloisonnait pas dans les murs des universités: «A la base, Socrate parlait aux gens dans la rue. En effet, ces réflexions nous touchent tous intimement. Il est plus facile de se les approprier que des théories scientifiques ou économiques.»

Des réponses multiples

Est-ce à dire que l’on pourra sortir de cinq cours avec une définition de la beauté? «Pas une, mais plusieurs», corrige le trentenaire. Peu adepte du courant de pensée selon lequel les questions comptent davantage que les réponses, il cite ainsi la définition d’Aristote, selon qui «est beau ce qui est harmonieux». Pour d’autres, la beauté revêt une dimension morale. Platon, par exemple, postule que la beauté équivaut à la bonté, qui équivaut à la vérité.

Il y aurait donc une valeur intrinsèque à ce concept, qui prévaudrait à la laideur? Adrien Bordone esquive: «En tout cas, ce qui est beau attire. Nietsche et Heidegger le soulignent dans leurs écrits. Elle fait bouger les gens, leur ouvre de nouveaux horizons et les fait grandir. Je pense que sans elle, nous n’aurions pas de moteur.»

Il continue ainsi en citant Foucault et sa vision de la vie esthétique. Le philosophe français amène ainsi l’idée selon laquelle «la principale œuvre  d’art dont il faut se soucier, la zone majeure où l’on doit appliquer des valeurs esthétiques, c’est soi-même, sa propre vie, son existence.»

Proche de ce courant de pensée, le réalisateur admet d’ailleurs choisir le sujet de ses films en fonction de cet attrait «même s’il est parfois insaisissable». Il prend ainsi pour exemple son dernier documentaire sur la grève du climat: «A travers leurs gestes, les activistes expriment quelque chose de vrai pour eux, et ça, c’est beau.»

Synonyme de bonheur?

Si l’on en croit la célèbre citation de Stendhal, «la beauté est la promesse du bonheur». Pour Dostoïevski, c’est même elle qui sauvera le monde. Adrien Bordone estime, quant à lui, que se montrer attentif à l’harmonie du monde pourra en tout cas guider vers des alternatives intéressantes. «Nous nous concentrons assez sur ce qui va de travers, mais le contre-pied se révèle aussi constructif».

Le cinéaste remarque ainsi que dans le domaine de l’art, le beau n’est plus à la mode. «Aujourd’hui, on préfère une œuvre surprenante, intellectuelle ou engagée à une création ‹juste› belle. Pourtant, à mes yeux, l’art est une production de beauté», partage-t-il.

Alors, la beauté vient-elle de l’objet ou du sujet qui l’observe? «A mon sens, elle réside dans le lien entre les deux: la force qui attire le regardeur vers la chose belle, qui le fait ensuite grandir», conclut-il. Chacun sera donc libre d’apporter ses propres interprétations dès le 14 octobre à l’Université populaire de Bienne. Le cours se déroule sur inscription.

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