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Bienne

Scène de vaudeville au Conseil municipal

Silvia Steidle et Beat Feurer se rejettent la responsabilité des problèmes engendrés par les gens du voyage. Erich Fehr a dû faire acte d’autorité.

Erich Fehr, maire de Bienne, a ordonné que des mesures soient prise immédiatement afin de dégager le site proche de la Tissot Arena. Peter Samuel Jaggi

Par Lino Schaeren, traduction Marcel Gasser

A l’heure actuelle, Bienne a fort à faire avec les gens du voyage étrangers: plus de cent véhicules avec leur caravane se sont en effet installés sur le territoire communal.


Rien qu’aux Champs-de-Boujean, au sud de la Tissot Arena, il y en a 80 parqués là en toute illégalité depuis un bon moment. Cette situation suscite non seulement l’exaspération croissante de la population et des entreprises du coin, mais de toute évidence elle rend également nerveux le Conseil municipal. La semaine passée, dans le journal «Biel-Bienne», Silvia Steidle, directrice des Finances, et Beat Feurer, directeur de la Sécurité, se sont en effet rejeté mutuellement la responsabilité des problèmes. Beat Feurer explique en substance que ni sa direction, ni la police cantonale n’ont les moyens d’intervenir contre cette occupation illégale, parce que sa collègue Silvia Steidle, en tant que responsable de l’administration des immeubles de la ville, n’a délivré aucun ordre d’évacuation.


La direction des Fnances n’ayant pas entrepris les démarches légales requises, elle contrevient à la procédure pourtant définie dans un concept élaboré par le Conseil municipal en cas d’appropriation illégale de terres par les gens du voyage. Silvia Steidle renvoie la balle à son collègue du gouvernement: si les gens du voyage étrangers ont été attirés en nombre à Bienne, c’est uniquement parce que Beat Feurer est toujours à la recherche d’un site officiel sur le territoire communal pour les accueillir. Aux Champs-de-Boujean, ces gens «ne font qu’attendre une solution», c’est-à-dire l’octroi d’une place officielle. «Les chasser de la Tissot Arena ne ferait donc que déplacer le problème dans un autre secteur de la ville», résume-t-elle.


Le maire intervient
En l’absence des deux principaux intéressés, alors en vacances, le maire de Bienne Erich Fehr a enjoint les deux départements concernés de procéder immédiatement à l’évacuation des campements. (réd: l’ordre de renvoi a finalement été transmis vendredi à la police cantonale). Erich Fehr reconnaît que sur le territoire biennois, une situation s’est développée «face à laquelle nous ne pouvons plus rester les bras croisés». Durant cette dernière semaine de vacances de printemps, c’est le maire qui est «de piquet»: c’est donc lui qui endosse l’entière responsabilité du Conseil municipal et qui dispose des compétences décisionnelles nécessaires.


Dans cette affaire des gens du voyage, le maire soutient pour l’essentiel l’argumentation de Beat Feurer: en 2015, le Conseil municipal a approuvé une procédure en cas d’occupation illégale de terrains, et ce concept doit être appliqué. Concrètement: la Ville prononce le renvoi des gens du voyage et porte plainte s’ils n’ont pas quitté les lieux dans le délai imparti. Au besoin, c’est la police qui procède à l’évacuation. Dans cette affaire-ci, la direction des Finances aurait dû prononcer la décision de renvoi, car le terrain concerné relève du patrimoine financier de la Ville. Si le maire intervient aujourd’hui, c’est aussi parce que des incidents se sont déroulés aux abords des stades: déprédations, souillures et déclenchements d’alarmes incendie. Sans compter de gros problèmes avec les commerces de la Tissot Arena. «Il est devenu urgent d’intervenir. Si nous sommes trop laxistes, cela va se savoir très vite et l’augmentation deviendra exponentielle, ce que la population ne pourra pas tolérer».


La région joue-t-elle le jeu?
Pour Erich Fehr, Bienne ne peut pas résoudre seul le problème des gens du voyage. En décembre 2020, sur l’initiative de la Ville, une rencontre a eu lieu avec la préfète Romi Stebler et les représentants des communes de l’agglomération biennoise, avec pour objectif de trouver une solution régionale, à savoir un site provisoire pour accueillir les gens du voyage étrangers. Tous les deux ans, une autre commune mettrait alternativement un site à disposition. Brügg a déjà largement fait sa part en 2018 et en 2019, ce qui a soulagé l’espace biennois.

Mais depuis lors, l’agglomération ne met plus de terrain à disposition: du coup, les occupations illégales augmentent. La Ville de Bienne a même proposé de gérer désormais elle-même ces places provisoires: les communes n’auraient rien d’autre à faire que de mettre le terrain à disposition. En mars, Romi Stebler a réuni à nouveau les communes, mais elles n’ont pu s’entendre sur un concept commun.


Pour Beat Feurer, le nœud du problème est là: il faut une solution à long terme impliquant toute la région. Or, tant que Bienne tolérera les occupations illégales sur son sol, le reste du Seeland ne se sentira pas obligé d’agir. En intervenant de manière plus résolue, Bienne contraindra les gens du voyage à se répartir dans toute la région. Alors, et alors seulement, les municipalités sentiront l’urgence d’une solution commune. La décision d’Erich Fehr est justement de nature à mettre la pression sur les communes environnantes. A la rentrée, le maire de Bienne entend mettre à l’ordre du jour le traitement actuel et futur de ce dossier hautement émotionnel. La solution globale devrait d’ailleurs impliquer aussi le canton. «J’ai de la peine à comprendre pourquoi il faudra encore plusieurs années avant que le site de transit définitif de Wileroltigen puisse être utilisé», commente-t-il, critique.

 

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