Vous êtes ici

Abo

Intégration

Sortir les migrantes de leur isolement

Le projet «Vivre ensemble - Découverte et loisirs» aide les migrants à trouver leurs repères à Bienne. Il a été initié par la Libanaise Layal Ismail.

Les six femmes à l'origine du projet (photo Bruno Payrard)

Carmen Stalder (traduction Marcel Gasser)

Imaginez que vous viviez à l’étranger, dans une ville dont vous ne maîtrisez pas la langue et où vous ne connaissez personne. Vous n’avez rien à faire et vous restez toute la journée dans votre appartement. La perspective est assez angoissante, n’est-ce pas? Pour beaucoup de migrants, l’isolement social est la réalité quotidienne, même si beaucoup d’entre eux vivent à Bienne et dans la région depuis longtemps. Souvent, ils ne sont pas en mesure de trouver leurs repères dans leur nouvel environnement.

La Libanaise Layal Ismail a vécu cela lorsqu’elle est arrivée en Suisse avec son mari, en 2011. Pendant que son mari travaillait, elle restait seule à la maison et n’avait aucun contact avec d’autres femmes. «A la naissance de mon premier enfant, j’ai compris qu’il fallait que ça change, sinon le petit aussi grandirait dans l’isolement», déclare-t-elle. A 32 ans, elle a donc décidé de s’aider elle-même et d’aider les femmes qui se trouvent dans la même situation.

Avec le soutien de l’InfoQuartier de Boujean, elle a fondé le projet «Vivre ensemble - Découverte et Loisirs», dont le but est de favoriser l’accession à l’autonomie des migrantes dans leur vie quotidienne. Le groupe se réunit deux fois par mois à l’InfoQuartier.

Un projet peu coûteux
Ismail et cinq femmes qui se sont connues par le biais du projet racontent comment celui-ci les a aidées à apprivoiser leur nouvelle patrie. Aicha Bedoui et Walaa Sweif ont découvert les vertus des places de jeu pour leurs enfants, «au lieu de rester toute la journée devant la TV». Récemment, femmes et enfants ont effectué une excursion aux Prés-d’Orvin: 50 personnes en tout, qui se sont amusées dans la neige. «J’habite à Brügg depuis cinq ans et je n’étais jamais montée là-haut», déclare Walaa Sweif.

Layal Ismail montre également à ces femmes comment utiliser les transports publics. Elle les emmène dans les centres sociaux et sur les places de jeu, pour rencontrer d’autres femmes et leurs enfants. Bibliothèques, crèches, parcs publics, piscines, poste et gare sont également au programme, autant d’endroits où l’on peut faire connaissance avec autrui. Ismail les encourage à apprendre le français ou l’allemand, les met en contact avec des Suissesses, qui sont d’ailleurs les bienvenues dans le projet. «Pour moi, ‹Vivre ensemble - Découverte et loisirs› est l’exemple même de projet peu coûteux aux effets concrets et immédiats», estime Tamara Iskra, déléguée à l’intégration de la Ville de Bienne.

Depuis 2015, des dizaines de femmes et d’enfants en ont bénéficié. Et le mois passé, la Ville a annoncé qu’elle le soutiendrait à hauteur de 5000 fr. par année. Le projet est aussi soutenu par le programme Contakt-Citoyenneté, financé par le pourcent culturel de la Migros et la Commission fédérale des migrations.

Barrières à franchir de taille
Si le projet «Vivre ensemble - Découverte et loisirs», unique en Suisse, s’adresse de manière ciblée aux femmes, c’est que «beaucoup de femmes issues de la migration ne connaissent que la structure familiale classique, où l’homme travaille et la femme s’occupe du ménage et des enfants», explique Tamara Iskra.

Dans un tel contexte, il est difficile pour elles d’apprendre la langue. Et plus longue est l’exclusion de la vie sociale, plus l’intégration est difficile. «Lorsque les mères sont intégrées, cela a une incidence positive sur leurs enfants et l’avenir de ceux-ci», poursuit-elle. Les mères apprécient que leurs enfants se fassent ainsi des copains. «Même s’ils ne se comprennent pas toujours, les enfants parlent très vite entre eux», confie Abir Hassine, qui reconnaît que les femmes adultes ont beaucoup plus de mal à s’intégrer.

C’est que les barrières à franchir sont de taille. «La langue, l’ignorance, les inhibitions et l’insécurité représentent pour beaucoup de migrantes des obstacles infranchissables», explique Tamara Iskra. Ce que confirme Layal Ismail: «On ne peut pas dire que les étrangers ne veulent pas s’intégrer; souvent, ils n’en ont tout simplement pas les moyens».

En s’engageant ainsi en faveur de l’intégration des migrantes à Bienne et dans la région, elle espère changer les choses. Elle a même une idée qu’elle aimerait présenter ce printemps, un projet qui réunit trois générations.

Articles correspondant: Région »