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Cap sur le monde (2)

Sur les planches et derrière les platines

Enfants de Saint-Imier et Moutier, Fiona Vuilleumier et Javier Lema explorent la vie parisienne. Entre théâtre et deejaying, les deux amoureux profitent pleinement des innombrables atouts de la capitale française.

Au moins aussi déjanté qu’artiste, le couple Fiona Vuilleumier-Javier Lema savoure pleinement sa vie parisienne comme l’attestent ces photos qui nous apprennent que les rues de la capitale française sont propres et confortables. LDD
  • Dossier

Matthieu Hofmann

Vivre une histoire d’amour à Paris, être artistes dans la Ville Lumière. Fiona Vuilleumier, Imérienne, et Javier Lema, Prévôtois, arpentent chaque jour les rues de la capitale française. Si la première, comédienne et animatrice socio-culturelle, y réside depuis maintenant quelques années, son conjoint, DJ, l’y a rejoint l’automne passé.

Si elle ne peut pas, pour l’instant, se targuer d’avoir la même carrière que Guillaume Canet, Sophie Marceau ou Diane Kruger, la jeune femme de 23 ans a suivi un pan de la même formation, le Cours Florent à Paris, école de formation professionnelle d’acteurs. C’est à LaChaux-de-Fonds, alors qu’elle était tout juste âgée de 7 ans, que Fiona a rencontré la scène, au sein de la compagnie Cirque Alors. Une première expérience qui fait naître en elle une immortelle passion.

Du football aux platines
Agé de presque deux ans de plus, Javier vit lui au même moment un amour plus traditionnel pour un garçon de son âge, celui du football, sport qu’il pratique au FC Moutier puis au Team-Jura, à Delémont, où il suit pendant une année la formation sport-études. Une blessure et la découverte de la musique électronique et du deejaying, dans lequel il se lance pleinement, l’éloigneront définitivement des rectangles verts.

A l’adolescence, il travaille dans la vente d’appareils électroniques avant de se tourner vers un apprentissage de mécanicien de production.

Pas de place, coup de bol
Après sa scolarité, la jeune femme envisageait, elle, déjà de se former dans une école de théâtre avant de finalement se diriger vers un cursus plus traditionnel, soit des études d’animatrice socio-culturelle. Elle obtient son CFCet sa maturité et s’inscrit à la HES santé-social. Par ce qui apparaît aujourd’hui comme une chance, la haute école n’a pas assez de places.

Elle intègre alors la troupe Utopik Family, alors appelée la Compagnie Krayon. «J’ai consacré beaucoup de temps au théâtre durant cette année et me suis inscrite à un stage de trois semaines au Cours Florent.»

Trois semaines, trois ans
Quelques semaines qui se transformeront en trois ans puisqu’à la fin dudit stage, on lui propose de continuer l’aventure. A 20 ans, l’Imérienne se retrouve seule à Paris. «J’ai rapidement sympathisé avec une autre élève, nous avons pris une colocation ensemble.» Trois ans de formation qu’elle décrit comme «des montagnes russes émotionnelles». La disparition de son cousin dont elle était plus que proche a été très difficile à vivre pour l’artiste. «J’ai été à deux doigts de tout plaquer», glisse-t-elle.

Dès sa seconde année de formation, elle anime des ateliers pour des enfants, histoire, aussi, de mettre du beurre dans les épinards. «Des ateliers d’art et de motricité notamment», détaille la jeune femme. Des cours qu’elle donne d’ailleurs toujours et pour lesquels elle est en train de faire le nécessaire pour devenir animatrice indépendante. Elle revient aussi régulièrement en Suisse, où elle peut, grâce à son CFC, travailler dans une crèche aux Geneveys-sur-Coffrane.

Ah, l’amour!
Ensemble depuis la fin d’année 2014 et une soirée au SAS à Delémont, les tourtereaux, malgré la distance, ne se quittent plus. C’est la perte de l’emploi de Javier qui pousse ce dernier à rejoindre Paris. «Les choses se sont faites naturellement, décrit-il. J’y allais de plus en plus régulièrement et l’envie d’être encore davantage ensemble se faisait ressentir.» En octobre 2015, le Prévôtois s’installe.

Quoi qu’on en pense, la scène musicale électronique de l’Arc jurassien est plutôt proactive. «Effectivement, chez nous, ça bouge beaucoup, confirme-t-il. Mais être à Paris me permet de découvrir une autre culture musicale.»A Paris depuis maintenant presque une année, Javier a trouvé rapidement un emploi comme vendeur dans un magasin d’électronique haut de gamme et s’est surtout créé un réseau dans les nuits underground parisiennes.

«Avec deux amis, nous avons créé un collectif, Latribu», raconte le DJ, qui ajoute qu’un label pourrait prochainement voir le jour. Je ne tourne pas autant qu’en Suisse mais je suis DJ résident dans un bar et j’ai quelques dates. Mais la concurrence est rude.» Des artistes qui veulent se faire une place derrière les platines, à Paris, il y en a plein. «Il y a davantage de chaleur dans les soirées en Suisse, glisse Javier. Mais les opportunités ne sont pas les mêmes.»

Le manque d’air pur
Fiona, elle, outre les ateliers pour enfants qu’elle anime, fait toujours partie de la compagnie régionale Utopik Family, dont elle est cette année assistante de mise en scène. En parallèle, cette fois à Paris, elle suit une nouvelle formation. «Nous ne sommes que 15, c’est comme si nous étions une petite troupe.»

Si, parfois, la région, la famille, le calme ou l’air pur leur manquent, Fiona Vuilleumier et Javier Lema se sentent bien à Paris. «La Suisse nous permet de décompresser, elle se complète parfaitement avec Paris», conclut Javier avant que Fiona n’ajoute que les deux endroits sont différents mais tout aussi importants.

 

ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE, UNE SOIRÉE AUSSI TRISTE QU'INOUBLIABLE

«A peine deux heures plus tôt, nous sommes passés devant un des bars qui a été attaqué.» La triste soirée du vendredi 13 novembre 2015 est gravée dans la mémoire de Fiona Vuilleumier et Javier Lema, domiciliés non loin du Bataclan. «Nous hésitions à aller au théâtre ce soir-là, se rappelle la jeune femme de 23 ans. Puis, nous avons finalement décidé de rester à la maison.»

Et de poursuivre:«Mon téléphone sonne et je vois le nom de mon père qui s’affiche. J’ai pensé qu’il se déroulait quelque chose de grave en Suisse.» Le paternel veut évidemment savoir si tout se passe bien pour sa fille et son ami qui ne sont pas du tout au courant de l’horreur qui a lieu si près de chez eux.

«Il y a toujours une sirène qui hurle à Paris, détaille Javier.Mais en y prêtant davantage attention, on s’est rendu compte que là, c’était continu, ça ne s’arrêtait pas.» Le lendemain matin, le commerce dans lequel le Prévôtois travaille depuis deux petits jours décide de tout même ouvrir ses portes. «C’était très glauque, l’ambiance était lourde», relate-t-il. Fiona, elle, a vu les cours qu’elle donne à des enfants être annulés.

 Plus tard dans la journée, n’ayant aucune envie de rester cloîtrés chez eux, ils vont prendre un café. «L’atmosphère était vraiment particulière, se souvient Fiona. Les gens chuchotaient.» Vient le dimanche, où la population descend dans la rue et défile en un incommensurable cortège. «D’habitude, à Paris, c’est plutôt chacun pour soi, relève Javier. Mais il y avait là un tel élan de solidarité, tellement d’amour. C’était beau. Et très triste.»

Lors de ce rassemblement, une fausse alerte crée un mouvement de foule parmi lequel sont pris les deux jeunes gens. «C’était quelque chose d’effrayant, nous courrions en étant persuadés d’être en danger alors qu’il n’y avait simplement rien, détaille Fiona. Nous nous sommes réfugiés chez une journaliste de France Télévisions qui nous assurait que nous vivions une nouvelle attaque.»

A Paris aussi, on trouve donc des médias mal informés. Pendant les trois semaines qui ont suivi, la Ville Lumière vivote encore dans cette atmosphère particulière. «Les fleurs partout, les impacts de balle, c’est marquant», conclut Javier, qui avoue que retourner en Suisse lui a brièvement traversé l’esprit.
 

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