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Compétition

Technologie et sport se mêlent

Le Cybathlon réunira des équipes du monde entier aujourd’hui et demain, dont la BFH... Que la meilleure prothèse gagne!

Beat Grossen doit relever six épreuves.

Par Maeva Pleines

Etre quasiment entièrement paralysé suite à un accident de vélo n’empêche pas Julien Jouffroy de garder la forme. Ce Lyonnais participe aujourd’hui à la course cycliste du Cybathlon, dans l’équipe biennoise de la Haute école spécialisée bernoise (BFH). Le pilote a huit minutes pour parcourir 1,2 km sur son tricycle couché à stimulation musculaire réalisé par les chercheurs de la BFH.

Entre aujourd’hui et demain, différentes épreuves mettront en avant des exploits relevés par des personnes en situation de handicap grâce aux avancées technologiques. C’est le principe du Cybathlon, une compétition internationale organisée par l’ETH de Zurich et le Centre suisse de compétence et de recherche en robotique. La première édition s’est tenue en 2016, en présentiel. Cette année, la manifestation s’est adaptée à la situation sanitaire et propose six épreuves réalisées depuis les quatre coins du monde par des athlètes chaperonnés par des scientifiques à la pointe de la technologie.

Bienne vise le podium
L’évènement a failli être annulé cette année, mais certaines équipes dépendantes de financements ponctuels ou de cursus universitaires n’auraient pas pu concourir à la prochaine rencontre, prévue en 2024. Ayant participé à la première édition, Kenneth Hunt vise, une fois de plus, le podium. Avec son équipe, regroupant le pilote Julien Jouffroy et trois assistants, le chef de projet de la BFH avait remporté la médaille de bronze il y a quatre ans. «Depuis, nous nous sommes entraînés sans relâche. Nous avons notamment fait de nombreux allers-retours avec Lyon pour rencontrer Julien, qui faisait déjà partie de notre team à la première compétition. Une chose est sûre:il est vraiment très motivé et compétitif. Cela représente un élément clé, car les résultats dépendent encore plus du pilote que de la technologie utilisée.»

Julien Jouffroy fera face à huit autres équipes internationales, de Corée du Sud, Brésil, des Etat-Unis ou encore de Thaïlande. «Cette fois, les différents compétiteurs se sont encore beaucoup améliorés. Et puis, ne sera pas exactement la même chose que la première édition car, lors des courses en présentiel, les pilotes devaient parcourir une plus petite distance, en comptant avec la résistance du terrain et celle du vent. Cette fois, les résultats s’annoncent imprévisibles.»

Selon Kenneth Hunt la principale force de son équipe réside dans sa longue expérience dans le domaine. «Je travaille sur ces techniques depuis une vingtaine d’années. En termes d’expertise, l’équipe qui pourrait nous inquiéter est celle de Cleavland. C’est d’ailleurs eux qui avaient remporté l’or la dernière fois.»

Emulation et synergies
Toutes épreuves confondues, des gens viennent d’un peu partout, de la Pologne à l’Afrique du Sud, en passant par l’Inde. Kenneth Hunt remarque que cette rencontre unique en son genre permet de créer des synergies entre les différentes entreprises et institutions actives dans la recherche. «Dans notre domaine, tout le monde est très ouvert à partager des idées pour se pousser en avant. C’est peut-être un peu moins le cas dans d’autres spécialités qui doivent compter avec plus de compétitivité commerciale, comme c’est le cas pour les exosquelettes. Nos vélos représentent davantage un marché de niche.»

Ce constat est partagé par Gerhard Frédéric Kuert, le chef de projet de l’autre équipe de la BFH participant au Cybathlon. Avec quatre experts, en orthopédie et en prothèses, ainsi que leur champion Beat Grossen, ils s’essayeront aux épreuves de dextérité avec prothèse de bras. L’objectif: réaliser une série de missions telles que préparer un petit-déjeuner, visser une ampoule ou couper du papier. «Cette dernière activité est la plus compliquée, car avec une main rigide, il n’est pas aisé d’attraper les ciseaux et mettre ses doigts dans les anneaux de manière stable. En plus, le but est de couper une ligne bien droite», détaille Gerhard Frédéric Kuert. Et de préciser qu’une autorisation spéciale a été délivrée à l’occasion du Cybathlon pour permettre aux participants d’utiliser un marteau afin de planter un clou en utilisant leur prothèse. «Les régulations sont extrêmement strictes, c’est d’ailleurs pour cela que notre prototype n’est pas encore sur le marché. Il doit encore passer des tests pour s’assurer d’une sécurité optimale.»

Prothèse sensible
Parmi les défis à relever, Beat Grossen devra également distinguer avec sa prothèse des objets de différentes formes, sans aucune référence visuelle. Cela est possible grâce à des capteurs placés au bout des doigts qui génèrent un retour au membre résiduel lorsqu’ils sont activés. «Cette technologie n’est pas invasive, ce qui signifie qu’elle ne requiert pas de chirurgie et que la prothèse peut être retirée facilement», explique Gerhard Frédéric Kuert.

Tout comme les autres représentants de la BFH, cette équipe basée à Burgdorf vise la médaille. Pour l’atteindre, les compétiteurs ont analysé les vidéos des participants de 2016. Le meneur de l’équipe explique avoir visé les solutions les plus efficaces, qui étaient parfois les plus simples et pas les plus sophistiquées technologiquement parlant. «Nous avons tous investi beaucoup de temps pour le Cybathlon. Etonnamment, le plus compliqué n’a pas été la technologie mais l’organisation pour pouvoir se voir malgré nos différentes activités. Beat s’est montré particulièrement impliqué: c’est une personne très compétitive, il est également coach sportif auprès de l’équipe suisse des Jeux olympiques et entraîneur national des tireurs sourds, sans compter son poste d’associé dans une entreprise informatique.»

Pour le sportif bernois, il est important de continuer à développer la technologie des prothèses, «surtout pour les personnes qui sont plus gravement handicapées que moi, par exemple celles qui ont perdu leurs deux bras». Ainsi, le Cybathlon représente une manifestation ludique, humaine et utile pour attirer l’attention sur ces développements technologiques.

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