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Lignes de mire

Un mariage princier

Dans Le JdJ du... 21 novembre 1947, on apprenait que la princesse Elizabeth, future reine d’Angleterre, s’était mariée au jeune officier de la marine Philip Mountbatten. Un conte de fées dans le Londres d’après-guerre.

La princesse Elizabeth, future reine Elizabeth II d'Angleterre, et Philip Mountbatten, duc d'Edimbourg. Archives Keystone

 

Julie Gaudio

«Le seul homme que je puisse jamais aimer.» La princesse Elizabeth, future reine Elizabeth II d’Angleterre, qualifie en ces termes Philip Mountbatten le jour de leur mariage à Londres, le 20_novembre 1947. Ces propos sont rapportés dans Le Journal du Jura du lendemain, relatant la cérémonie qui constitua «l’événement le plus important de la vie d’après-guerre» du Royaume-Uni. «Jusqu’à ce que la mort nous sépare» ne fut pas de vaines paroles en l’air pour les deux époux, qui sont restés ensemble jusqu’au décès du prince Philip, duc d’Edimbourg, le 9_avril dernier.

Premier mariage princier diffusé à la télévision dans le monde entier, il fut suivi par des millions de téléspectateurs, rêvant devant l’éclat de ce jeune couple appelé à régner. Les préparations furent grandioses et moult détails alimentèrent la presse durant plusieurs jours. Le JdJ ne fait pas exception et relate, dès le 19 novembre 1947, les festivités qui ont précédé le mariage: «Plus de 1200_invités, parmi lesquels quatre rois et quatre reines, assistaient mardi soir à la grande réception donnée à Buckingham Palace à l’occasion du mariage de la princesse Elizabeth.» Dans la salle de bal, où la réception se tient, «pour la première fois depuis la guerre, brillaient les décorations et chatoyaient des robes du soir», poursuit l’article, tiré d’une dépêche de l’Agence France_Presse (AFP).

Agée de 21 ans, la princesse Elizabeth semble consciente que la guerre n’est pas loin et que le peuple anglais souffre encore des privations. Elle annonce alors «qu’elle fera remettre à 20 fiancées, dont le mariage sera célébré le 19 ou le 21 novembre, 20_des 25 robes, manteaux et négligés qui lui ont été offerts par l’Institut de dessins de mode de New York». La robe de la mariée se compose également de tissus offerts par d’autres contrées. Dans Le JdJ du 20_novembre, on apprend ainsi qu’elle a été conçue en «satin ivoire, cadeau de la république italienne», dans «le style florentin selon Botticelli», avec un décolleté en forme de cœur, «selon les vœux de la princesse».

Elle brilla du plus bel éclat

Le jeudi 20 novembre, la jeune Elizabeth entre dans l’abbaye de Westminster vers 11h15 au bras de son père, le roi George_VI. Sa traîne en tulle ivoire mesure cinq mètres et pèse 1 kg 750. «Quand la princesse entra dans la cathédrale, ses perles et les ornements en cristal de sa robe couleur d’ivoire brillaient sous les lampes des photographes et des exclamations des spectateurs éblouis se faisaient entendre», rapporte Le JdJ du lendemain, d’après l’AFP. «La jeune princesse fut beaucoup plus belle que ne le révèlent les photographies.»

Anobli pour l’occasion, Philip Mountbatten, 26 ans, glisse au doigt de sa fiancée un anneau en or lisse de Galles, devant les 2250_invités présents physiquement. «En Angleterre, seule l’épouse porte une alliance», rappelle Le JdJ. Uni, le couple sort de l’abbaye vers 11h45 pour se diriger vers Buckingham Palace, devant des milliers d’Anglais qui ont parfois payé cher – jusqu’à 1700 fr. «le coin de fenêtre»_– pour avoir une chance d’apercevoir le cortège. La foule a stationné toute la nuit, bravant le froid et la pluie. «Le gouvernement et le palais de Buckingham ont eu beau répéter, depuis un mois, que la cérémonie était une simple affaire de famille, l’enthousiasme du peuple d’Angleterre en a fait, dès cette nuit, l’événement le plus important de sa vie d’après-guerre», relate Le JdJ du 21 novembre.

Une pluie de pétales

De retour au palais, le couple princier ne manque pas de saluer la foule depuis le balcon. Ils se soumettent ensuite à une séance de photos et de films. «On verra bientôt, dans les cinémas du monde entier, le sourire gracieux et frais de la princesse», se félicite l’auteur de la dépêche. Après le dîner du mariage avec ses 150 invités, les mariés se rendent, en train, au sud de l’Angleterre, près de Southampton, pour y passer les 15 premiers jours de leur lune de miel.

Pour le voyage, Elizabeth a enfilé un costume d’un bleu baptisé_«Amour dans la brume». Au moment du départ pour la gare, «la famille sortit dans la cour du palais pour faire ses adieux», raconte Le JdJ. Selon l’usage anglais, «le roi, la reine et les hôtes laissèrent tomber une pluie de pétales de roses sur la princesse. Puis on s’aperçut qu’on avait oublié le marié, et il n’y avait plus de roses. Les hôtes se baissèrent alors précipitamment pour ramasser les pétales qui jonchaient le pavé, et le duc eut sa part de fleurs. Il reçut la pluie avec le sourire.»

 

Dans le reste de l’actu...cantonale

Le JdJ du 21 novembre relate la séance du Grand Conseil bernois qui s’est déroulée la veille. Répondant à une interpellation et à une question de deux députés jurassiens, «M. Feldmann, président du Gouvernement, a exposé longuement l’état de la Question jurassienne», commence le long article signé «R.F.». On peut notamment y lire que le Gouvernement bernois a ordonné, en septembre 1947, de «tirer au clair, par la voie d’enquêtes approfondies, l’évolution historique des relations politiques, culturelles, économiques et financières entre l’Etat de Berne et le Jura depuis 1815». Les résultats, pas encore connus en novembre, doivent servir à rectifier des erreurs, et «fournir une base aussi sûre que possible pour la discussion objective d’éventuels éléments de différend».

A la suite du compte-rendu de cette séance, le journaliste ajoute son commentaire, qui va clairement dans le sens des Jurassiens. «C’est une erreur de vouloir faire des Jurassiens des Bernois. La solution n’est pas de ce côté», écrit-il. «Au contraire, il faut donner au Jura toutes les chances d’être lui-même, de former un tout.»

Dans le reste de l’actu...suisse

Outre la photo des personnalités royales d’Europe venues assister au mariage de la princesse Elizabeth d’Angleterre, la Une du JdJ consacre son «article du jour» au budget 1948 de la Confédération. Le journaliste, dont les initiales sont «E.D.», n’hésite pas à exprimer sa «grave déception» en introduction de son texte. Le Conseil fédéral allait «enfin procéder à l’assainissement de ses finances», espère le rédacteur. «Hélas! Il fallut déchanter. La seule progression enregistrée est celle des dépenses. Autant dire que l’amélioration promise n’est pas pour demain.»

A lire l’article, le Gouvernement fédéral semble conscient que la dette de la Suisse s’accroît, mais continue d’augmenter ses dépenses. Cette situation irrite le journaliste, d’autant que «l’économie nationale ne requiert actuellement aucun soutien», à part l’agriculture. «Les experts avaient déclaré que les dépenses ne devaient pas excéder 1300 millions en 1950», rappelle-t-il. Or, voilà que «le Gouvernement inscrit 1800 millions dans la colonne des dépenses de son projet de budget pour 1948».

Dans le reste de l’actu...mondiale

La France de l’après-guerre connaît une crise politique importante. Fondée le 26 octobre 1946, la 4e République s’enlise déjà en 1947. En mai de cette année, Paul Ramadier, le président du Conseil, exclut du Gouvernement les ministres communistes, qui ont désapprouvé ouvertement sa politique. Le rejet du Parti communiste français (PCF) dans l’opposition entraîne de grandes grèves dès le mois de juin 1947. Le JdJ du 21 novembre rapporte qu’«environ 750_000_ouvriers prennent part à la plus grande grève depuis la libération». Dans ce contexte, Léon Blum accepte de prendre la tête du Conseil et de former un nouveau gouvernement. Le programme immédiat du nouveau dirigeant prévoit «une adaptation générale des salaires de base, une stabilisation des salaires et des prix pour une période de six mois et un nouveau plan financier».

Après son entretien avec Vincent Auriol, le président de la République, «Léon Blum semblait être très fatigué», relate l’article. «Aux journalistes qui voulaient l’interroger, il a répondu que son seul désir était de rentrer chez lui et de se mettre au lit.»

Mots clés: Histoire, Mariage, archives

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