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Votations fédérales

Une différence de sensibilité

Sans surprise, le canton de Berne refuse les deux initiatives. Mais le Jura bernois se distingue en acceptant celle sur la caisse publique.

Les Suisses n’ont pas voulu de la caisse-maladie publique que les partis de gauche proposaient d’introduire. (Keystone)

Philippe Oudot

Comme tous les cantons alémaniques, ainsi que le Valais et Fribourg, les Bernois ont rejeté hier l’initiative populaire «Pour une caisse publique d’assurance maladie». Plus de trois citoyens sur cinq (61,4%) ont en effet refusé le texte. Le taux de participation s’est élevé à 43,4%.
Ce rejet est loin d’être une surprise. En fait, sur les dix arrondissements administratifs que compte le canton, le Jura bernois est le seul à avoir approuvé l’institution d’une caisse-maladie publique, avec une majorité de 62,5%. Un résultat très proche de celui obtenu par l’initiative dans le canton du Jura (63%), et supérieur à celui à Neuchâtel (60,3%), à Genève (57,4%)et dans le canton de Vaud (56,2).

Sur les 46 communes du Jura bernois, seules sept petites ont voté non. Il s’agit deChampoz, Châtelat, Mont-Tramelan, Rebévelier, Romont, ainsi que les deux communes germanophones de La Scheulte et de Elay. Dans ce petit village, le rejet est même massif, avec 85% de non (17 voix contre 3). Al’inverse, c’est à Sorvilier que l’initiative fait son meilleur score, soit 82,9% des voix.

Les quatre plus grandes communes du Jura bernois ont toutes soutenu le texte:très nettement à Moutier (71,9% des votants); nettement aussi à Tramelan (66%), et de façon plus mesurée à La Neuveville (60,5%) et à Saint-Imier (59,4%).

Participation plutôt élevée

Arelever qu’une fois n’est pas coutume, le Jura bernois a un taux de participation supérieur à la moyenne cantonale: avec un taux de 46,2%, le Jura bernois fait même à peine moins bien que l’arrondissement administratif de Berne-Mittelland (48,6%), où la participation a été la plus élevée de tout le canton.

Dans l’arrondissement administratif de Bienne, la cité seelandaise est la seule des 19 communes à avoir soutenu la caisse publique – mais sans enthousiasme, soit à une majorité de 53,9%. Anoter que le taux de participation a été plutôt faible, soit 36,5%.

Dans l’ensemble du canton, mis à part les 39 communes du Jura bernois et Bienne qui ont accepté l’initiative, seules Berne et la petite commune de Farnern ont glissé un oui dans l’urne, avec un taux respectif de 50,5% et 54,3%. Anoter que la palme du non revient à la commune oberlandaise de Gsteig (85,1%), juste devant Elay (85%).

Gastrosuisse dans les cordes

L’initiative de Gastrosuisse «Stop à la TVAdiscriminatoire pour la restauration!» n’a elle non plus pas eu l’ombre d’une chance. Comme tous les autres cantons, celui de Berne a balayé le texte, avec un taux de refus de 73,2%. C’est l’arrondissement de Berne-Mittelland qui s’y est opposé avec le plus de force (76,5%). Al’inverse, l’initiative a fait son moins mauvais score dans celui du Haut-Simmental-Saanen (63%), ainsi que dans le Jura bernois (65,7%). Une région qui offre un constraste  saisissant, puisque c’est dans le Jura bernois que l’initiative de Gastrosuisse fait son meilleur score à Sorvilier (65,4%de oui), mais également son plus mauvais, à La Scheulte, où le texte est balayé par 14 non contre 2 oui (87,5% de refus). On notera qu’à part Sorvilier, seules deux autres communes du canton ont accepté l’initiative, à savoir Oberlangenegg (57,4%) et Horrenbach-Buchen (54,7%).

L’initiative n’aura pas été inutile

Commentaire de Philippe Oudot

«Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.» Al’évidence, c’est ce que se sont dit une nette majorité de citoyens suisses à l’heure de remplir leur bulletin de vote sur la caisse publique. Ils ont donc préféré garder le système actuel, malgré toutes ses imperfections, sa formule de pseudo-concurrence entre les caisses, son régime qui favorise la chasse aux bons risques et met à mal le principe de solidarité, plutôt que de tenter l’aventure d’un changement radical.

Une aventure à hauts risques que le lobby des assureurs ne s’est pas privé de dépeindre en long et en large tout au long de la campagne: étatisation de la médecine, fin du libre choix du médecin, fin des rabais de primes, coût démesuré du passage du système actuel à celui proposé par les initiants… Et pour faire passer le message, les pourfendeurs de l’initiative ont engagé des moyens dix fois supérieurs à ceux des partisans du oui. Des moyens qui, soit dit en passant, ont été financés par les assurés eux-mêmes via leurs primes. Finalement, seuls quatre cantons (JU, NE, GE, VD) – ainsi que le Jura bernois – ont estimé que le jeu en valait la chandelle.

Si l’initiative a été balayée, elle aura au moins eu un effet positif: sans ce moyen de pression, les Chambres n’auraient sans doute jamais accepté la compensation des risques, et encore moins la loi sur la surveillance des caisses-maladie. Reste à voir si ces instruments permettront effectivement de mieux encadrer la concurrence entre les caisses, et d’empêcher des hausses de primes injustifiées. Sinon, sûr qu’on reparlera à nouveau d’une caisse publique dans quelques années.

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