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Bienne: Photoforum

Une nouvelle image de l’Afrique

Deux photographes font dialoguer le passé et le présent du continent africain.

Les clichés de Flurina Rothenberger (à gauche: «Roxanne») traitent notamment de l’influence de la mobilité sur les jeunes. Andrea Stultiens (à droite: «Presentation of duc in altum») mêle travail journalistique et recherche d'archives. FR/AS DR

Julien Baumann

Le Photoforum met le cap sur l’Afrique dans le cadre de ses deux nouvelles expositions. La première propose une sélection de clichés de la Zurichoise Flurina Rothenberger. Cette dernière a passé une partie de son enfance et de son adolescence dans une petite ville du centre de la Côte d’Ivoire. Après avoir étudié la photographie en Suisse, elle est revenue sur les traces de sa jeunesse pour concentrer, dès le début des années 2000, son travail sur le continent africain.

S’appuyant sur son expérience de vie, Flurina Rothenberger propose une vaste galerie de portraits, de scènes du quotidien et de paysages. Ses recherches thématiques la portent vers l’urbanisme, l’exode rural, le développement économique et l’avenir de la jeunesse. «Je m’intéresse actuellement à la question de savoir comment les stratégies de la mobilité façonnent l’identité des jeunes gens», explique-t-elle dans la brochure de présentation de l’exposition.

La Pyramide d’Abidjan
Le contraste entre ses expériences africaines et sa formation en Suisse ont forgé la réflexion de la photographe:«Les attentes envers la photographie étaient différentes en Côte d’Ivoire et en Suisse. Une culture a façonné de manière 100% naturelle ma compréhension, l’autre l’a fait dans le cadre de ma formation:mon apprentissage a soulevé de nouvelles questions critiques.»

La Zurichoise cherche notamment à dépasser les idées reçues, non pas en les ignorant, mais en les intégrant à son travail. «De nombreuses idées prédominantes sur l’Afrique sont injustifiées car historiquement construites par une puissance hégémonique. Les conditions préalables pour créer de nouvelles images sont de traiter les idées passées et biaisées comme des faits et d’en accepter les conséquences dans le présent.»

Les clichés pris par la photographe en rapport avec la Pyramide d’Abidjan résument bien cette démarche mêlant passé, présent, expérience personnelle et discours critique. Cet édifice inauguré en 1973 dans la capitale ivoirienne tombe aujourd’hui en ruine. Flurina Rothenberger estime que cette construction en béton «reflète la situation économique et géopolitique de la Côte d’Ivoire».

Elle raconte que la Pyramide symbolise le règne de 23 ans du président Felix Houphouët-Boigny. Une période qu’a connue la photographe et décrite comme un âge d’or, prospère et stable, par les Ivoiriens. «La Pyramide a perdu de son éclat depuis la crise dans laquelle le pays se trouve depuis dix ans. Par son état négligé, le bâtiment rend compte du fossé entre l’époque de sa construction et l’actuelle.»

Anciens trombinoscopes
Parallèlement au travail de Flurina Rothenberger, le Photoforum accueille une partie des recherches réalisées en Ouganda durant plusieurs années par la photographe néerlandaise Andrea Stultiens. La démarche est historique et journalistique: les clichés font dialoguer le passé mouvementé du pays à la réalité d’aujourd’hui en mêlant images d’archives et photos documentaires.

Le spectateur pourra par exemple contempler des photos reproduisant le contenu de vitrines dans lesquelles une multitude de papillons agrafés étaient exposés dans le cadre de recherches entomologiques (étude des insectes).

Cette collection est issue du St.Mary’s College à Wakiso, la plus ancienne école catholique pour garçons d’Ouganda. Grâce au travail d’Andrea Stultiens, une série de trombinoscopes (photo à droite ci-dessus), répertoriant les bobines d’élèves et d’enseignants d’autrefois, ont pu être redécouverts et mis en valeur pour «transmettre un récit dans lequel l’individuel est évincé», notent les responsables du Photoforum.

Le travail d’Andrea Stultiens vise aussi à engager une réflexion plus globale sur ce que représentent les images. Certaines d’entre elles ont été publiées sur Facebook. La participation des internautes permet, selon la photographe, d’attribuer divers niveaux de significations à ces images.

Flurina Rothenberger/Andrea Stultiens, jusqu’au 20 novembre au Photoforum. Infos:www.photoforumpasquart.ch

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