Dany Termignone veut titiller les pros

Joël Regli

Alors qu’il travaille pourtant à plein temps «à côté», Dany Termignone a réalisé l’exploit de se qualifier pour les championnats du monde, qui se déroulent la semaine prochaine à Houston (Texas). Engagé en compétition mardi prochain dans la catégorie jusqu’à 85 kg, il se heurtera à une très forte concurrence.

«C’est du gigantesque, du jamais vu!» Dany Termignone (28 ans) peine encore à réaliser où il mettra les pieds. Qualifié de justesse pour ces joutes mondiales (total de 302 kg), il se rendra au George R. Brown Convention Center pour y défendre les couleurs suisses. «J’ai vu quelques photos, mais je n’arrive pas encore totalement à me mettre dedans», reconnaît-il.

Pas étonnant. Avec 748 athlètes présents, ces championnats seront les plus grands jamais organisés jusqu’ici. «Pour le hall d’entraînement, 70 plateaux de 3x3 mètres sont prévus.

Je vous laisse imaginer l’espace que cela représente. Quand il y a beaucoup d’espace, on a aussi plus tendance à partir sur l’avant», lance le résident de Corcelles, habitué aux petites salles suisses.

«Il y aura de la pression, c’est clair, c’est un facteur supplémentaire à gérer. Le mouvement est rapide, il dure 7 secondes, mais il se passe pour beaucoup dans la tête, c’est très psychologique.»

Le groupe qui pourraittout changer

Alors que le champion national se préparait à partir (nous l’avons contacté avant son départ, hier), il ne savait toujours pas à quel moment il devra concourir. «Je commence à m’impatienter.

Mais de sûr, je saurai sur place.» Sa catégorie comportant 62 inscrits, elle est divisée en quatre groupes. Chacun performe à des heures différentes, et ceci n’est pas sans conséquences. «Le groupe qui commence à 9h le matin ne m’enchante pas. Si je devais en faire partie, je devrais me lever 6 heures plus tôt afin que le muscle soit réveillé. Il faudrait aussi que je le fasse les trois jours d’avant pour que mon corps s’accoutume.»

Ayant l’habitude de travailler quotidiennement jusqu’à environ 17h et de s’entraîner ensuite jusqu’à 20h30, le monteur en cheminée a ses horaires dans la peau. «Je remarque que quand je bosse, vers 16h environ, j’ai une baisse de régime. Mon corps se prépare déjà pour l’entraînement. L’idéal serait donc de pouvoir être dans un groupe de l’après-midi, pour vivre à régime normal.»

Objectif: dans les 300 kg

Le record du monde dans la catégorie jusqu’à 85 kg est de 394 kg au total (arraché et épaulé-jeté). Ceci place Dany Termignone dans un autre monde, lui qui affiche un record personnel de 302 kg.

«Je commence à concourir contre des athlètes qui lèvent beaucoup plus que moi. Mais ma plus grande joie, c’est de pouvoir toucher à ces professionnels en tant que pur amateur. Mon objectif, c’est de m’approcher des 300 kg.

Si j’y arrive, ce ne sera que du bonheur. Je ne devrai pas prendre trop de risques sur la première barre, car si je la loupe, ça remet en question toute la technique pour la suite.»

Voyage en famille

Ne disposant que de trois essais, il lui faudra donc se montrer patient. Mais les signes sont plutôt bons jusqu’ici. Ayant monté son poids corporel à 85 kg grâce à des compléments en protéine, il a soulevé 300 kg à l’entraînement le week-end passé et 304 juste avant le championnat de Suisse élites.

Le voyage dans le pays de l’oncle Sam s’est fait avec ses parents, ainsi qu’avec le coach national Gabriel Prongué, mais sans son acupuncteur Yvan Binggeli. «Ça me fait très plaisir que mes parents soient du voyage. Ils ne m’ont jamais traité différemment que le reste de la famille, même si je suis sportif d’élite. Mais là, ma qualification les a vraiment touchés.»

Quant à son acupuncteur, «il m’a traité à l’avance. Il m’a aussi donné des conseils sur la gestion de l’énergie et pour l’alimentation», souligne-t-il. Des facteurs qui devraient ainsi l’aider à éviter les derniers pièges. «Le plus dur, ce sera quand même le décalage horaire et peut-être la température.» Vingt degrés sont annoncés. Non, effectivement, l’hiver ne sera pas texan.

Pas simple de récolter des fonds en Suisse

Sacrifices 

En Suisse, la fonte ne se transforme pas en or. «L’idée de partir à l’étranger m’a effleuré, mais est-ce que j’arriverais à vivre de l’haltérophilie? Ici, j’ai une bonne place de travail. C’est une décision difficile de tout lâcher. J’avais eu une proposition en Allemagne, mais finalement il n’y a pas eu de suivi», raconte Dany Termignone.

Resté au pays, le Prévôtois mène une vie pleine de sacrifices. «Je m’entraîne souvent seul», rappelle-t-il. «Je me filme et, ensuite, j’analyse moi-même mes vidéos. Le mercredi soir, j’ai du temps pour moi, alors j’en profite pour faire les tâches ménagères. Le week-end, de temps en temps, je m’accorde un petit plaisir et vais boire un café avec des amis.»

À l’entendre, on imaginerait facilement Dany Termignone dans la toge d’un moine des temps modernes.

Il a lancé une campagne de récolte de fonds pour financer son aventure à Houston. Grâce à elle, l’athlète de la Société haltérophile prévôtoise parviendra à couvrir ses frais et même à payer certains soins qu’il a reçus pendant la saison. «Je suis très content, parce que c’est difficile de trouver des sources de financement.

Certains privés m’ont dit de leur envoyer un bulletin de versement parce qu’ils tenaient à me soutenir, ils voulaient participer à mon projet. Les entreprises qui me sponsorisent sont celles avec qui j’ai des contacts dans mon travail.»

Le budget de Dany Termignone sera couvert à hauteur d’environ 70% par la Fédération suisse. Le président de celle-ci, Daniel Tschan, évoque un montant de 2500 francs environ. «Nous payons les billets d’avions, l’accréditation, l’inscription, l’hôtel et la pension. Après, il y a encore une taxe de 150 dollars par athlète pour les frais de contrôles antidopage.»

Une dépense importante pour la fédération, quand on sait qu’elle tourne avec un budget annuel de 35000 francs. jre