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Cyclisme

Drôle de surprise russe au TdR

Ilnur Zakarin détrône Froome et devance son coéquipier Spilak

Ilnur Zakarin a très bien maîtrisé son sujet dimanche dans les rues de Lausanne. Keystone

Lausanne, Julián Cerviño

Christopher Froome n’a pas signé un triplé historique sur le Tour de Romandie. Le Britannique semblait pouvoir remporter trois fois de suite la Boucle romande, mais il a été battu par le Russe Ilnur Zakarin et par le Slovène Simon Spilak. Un verdict final aussi surprenant que déroutant pour cette 69e édition marquée par des conditions climatiques très humides.

On l’avoue, ce triomphe d’Ilnur Zakarin (25 ans) n’inspire pas une confiance totale. Ce cycliste presque squelettique (187 cm, 65 kg) a été suspendu pendant deux ans (de 2009 à 2011) suite à un contrôle positif à un stéroïde anabolisant. On a vu mieux comme édulcorant. «J’ai commis une erreur stupide», avoue-t-il en revenant sur cette suspension. «Aujourd’hui, tout a changé.» Le tout dit avant de préciser qu’il est entraîné par un ancien entraîneur russe (Morosov) et qu’il est établi à Chypre. Pas très rassurant...

De plus, ce Russe pur sucre a subi une transformation physique spectaculaire. «Il a perdu 10 kg en deux ans», livre le directeur sportif de Katusha, Dimitri Konyshev. «L’objectif était d’améliorer son rendement dans la montagne tout en essayant de ne pas lui faire perdre trop de force dans le chrono.» Un pari réussi au-delà de toutes les espérances.

Tony Martin surpris

Hier, Ilnur Zakarin a démontré de belles qualités de rouleur après sa belle prestation derrière Thibaut Pinot samedi dans la montée vers Champex-Lac (2e). Le natif de Naberejnye Tchelny (en Tatarstan) a fait honneur à son titre national sur le chrono en 2013 et à celui au niveau européen chez les juniors en 2007. Cette performance lui a permis de résister à Chris Froome et de limiter les écarts face à Simon Spilak. Surprenant!

Ilnur Zakarin admet d’ailleurs avoir été surpris d’avoir battu Chris Froome hier et de terminer si près de Tony Martin (à 13’’). «Nous espérions terminer dans les cinq premiers au maximum», lâchait son directeur sportif. Tony Martin se montrait aussi surpris par le résultat du Russe. «Je ne connais pas ce coureur, je ne pensais pas qu’il était aussi fort», soufflait l’Allemand. «Il m’aurait sûrement battu sans son problème mécanique.»

Au sommet de la montée du Petit-Chêne, le Russe a en effet été freiné par un saut de chaîne. «J’ai commis une erreur en voulant changer de plateau tout en continuant à pédaler vite», explique-t-il. «Heureusement, tout s’est bien passé, et j’ai pu repartir rapidement.» Après avoir un peu craqué lors du chrono du Tour du Pays Basque (9e au final), il a bien géré la pression cette fois.

Le TdR comme objectif

On devrait entendre encore parler de lui à l’avenir. Espérons que ça soit en bien. «Pour l’instant, il va prendre le départ du Giro pour voir comment il se comporte sur une épreuve de trois semaines», indique Dimitri Konyshev. «Ensuite, il participera aux Jeux européens à Bakou et aux championnats de Russie. Le Tour de France, c’est pour deux ou trois ans.»

Cette victoire au Tour de Romandie est une consécration pour ce coureur pratiquement inconnu, dont l’idole de jeunesse était Fabian Cancellara. «Notre objectif depuis le début de l’année était de remporter le Tour de Romandie et c’est fait», jubile Dimitri Konyshev. Il rejoint Pavel Tonkov (vainqueur en 1997) au palmarès russe du Tour de Romandie. Pas forcément la meilleure référence…

Froome, Nibali et Quintana en retrait avant le Tour de France

Avec trois des grands favoris du prochain Tour de France au départ, ce Tour de Romandie devait en être une répétition générale. Si une grosse explication a eu lieu entre Froome, Quintana et Nibali samedi dans la montée vers Champex-Lac, le verdict final sème le doute sur leur état de forme à deux mois du départ de la Grande Boucle.

Troisième, Christopher Froome est apparu moins performant qu’en 2014 lors du chrono final qu’il a terminé 13e à 33 secondes de Tony Martin. Pourtant, après l’étape de montagne de samedi, le Britannique semblait en position idéale après avoir limité les dégâts suite aux attaques de Quintana et Nibali. «Je ne suis pas déçu de ma prestation et je suis content de ma condition actuelle», assurait-il. «Il reste deux mois avant le Tour de France, c’est encore long.» Mouais…

Pour sa part, Nairo Quintana n’a pas semblé aussi saignant que d’habitude lors de ses attaques samedi. Le vainqueur du Giro 2014 n’est pas totalement remis de quelques ennuis de santé qui l’ont handicapé ce printemps. «Son état de forme n’est pas encore idéal», avouait son manager Eusebio Unzue. Le grimpeur de Movistar (8e à 1’42’’) va tenter de se soigner chez lui afin de préparer au mieux le Tour.

Tenant du titre sur la Grande Boucle, Vincenzo Nibali est loin de son niveau de l’année passée. Samedi, il a cédé dans la montagne. «J’ai commis l’erreur d’essayer de suivre Quintana quand il a démarré et j’ai explosé par la suite», regrettait l’Italien (10e à 1’54’’). Lui aussi va tenter de retrouver ses jambes pour être fin prêt lors du prochain départ du Tour de France, le 4 juillet à Utrecht.

Pignons sur roue

Incident Un des mécaniciens de la formation Astana a vécu une mésaventure hier alors qu’il préparait les vélos de son équipe pour le chrono final. Selon le site internet de «La Gazzetta dello Sport», il a été agressé par un jeune homme qui tentait de voler un sac à dos aux couleurs de ce team. En voulant éloigner ce malandrin, ledit mécano a été frappé au visage par cette personne qui lui a assené un coup-de-poing sur le nez. Pas joli, joli.

Référence La montée vers Champex-Lac avait été effectuée en 32’23’’ par Johann Tschopp en reconnaissance. Samedi, Thibaut Pinot a grimpé en près de 30 minutes vers cette station depuis les Valettes. Une référence qui sera difficile à améliorer.

Technologie L’équipe IAM a testé un nouveau système de géolocalisation en direct durant ce Tour de Romandie. Cette expérience a été conduite avec la bénédiction de l’UCI, dont le président Brian Cookson a suivi une partie de l’étape de samedi avec le patron de IAM Michel Thétaz. Ce système permet aux fans de suivre en direct les coureurs de cette équipe et de connaître leur vitesse. Les directeurs sportifs eux ont accès aux données de puissance et aux pulsations cardiaques. Le tout «simplement» grâce à un module fixé sur le tube de selle des vélos. Le site http://live.gpst.ch/live/map permet d’en savoir plus.

Maillots Maxim Belkov a fait coup double samedi lors de son échappée vers Champex-Lac. Le Russe a assuré son maillot rose de la montagne et le vert des sprints. Le maillot blanc des jeunes est resté sur les épaules de Thibaut Pinot après le chrono final. Le supercombatif de ce TdR est Stefan Küng.

Steve Morabito a battu Christopher Froome hier lors du chrono à Lausanne. Keystone

Mathias Frank déçoit et manque le top-10

Quatrième en 2014, Mathias Frank visait une place dans les cinq premiers cette année sur le TdR. Le Lucernois termine douzième à 2’13’’ du vainqueur. Une contre-performance pour le leader de IAM, qui n’a pas tenu le choc samedi dans l’étape de montagne et encore moins hier à Lausanne.

«Je suis forcément déçu, mais je sais que je peux et que je dois progresser d’ici le Tour de France. Il me manquait juste un petit quelque chose. Le niveau était très élevé sur cette course, et si tu n’es pas à 100% cela se paie cash. Je ne suis pas inquiet, nous allons travailler pour combler ce petit écart d’ici le Tour de France», livrait-il. Y a du boulot...

Bonne surprise Elle est venue de Steve Morabito. Le Valaisan a bien accompagné son leader Pinot samedi et a terminé en force hier lors du chrono (10e à 31’’). Le coureur de la FDJ a même battu Christopher Froome lors de cette étape finale. Cet exploit lui permet de se classer 16e du général.

«C’est un des meilleurs chronos de ma carrière», relevait Steve Morabito. «J’ai beaucoup travaillé cet exercice depuis le début de la saison avec ma nouvelle équipe et j’ai très bien géré mon effort.» Après quelques jours de vacances, il va préparer son prochain Tour de France avec une bonne dose de confiance.

Humain Stefan Küng a détenu pendant quelques minutes le meilleur temps du contre-la-montre individuel hier. Le jeune prodige suisse a finalement terminé 15e à 43’’ du vainqueur Tony Martin. «J’ai ressenti la fatigue des derniers jours», reconnaissait-il. «Je remarque encore que je suis un néo-pro et qu’il me manque des forces après une étape de montagne. Cela dit, je suis très content de ma course dans l’ensemble.»

Avec une magnifique victoire à Fribourg, il a de quoi être satisfait. Hier, le Thurgovien a prouvé qu’il était humain.

Pinot «le Suisse» Il n’est pas Suisse, Thibaut Pinot (24 ans), mais le Franc-Comtois pourrait l’être. Après sa magnifique victoire lors du Tour de France 2012 à Porrentruy, le grimpeur de la FDJ a renoué avec le succès samedi à Champex-Lac, après avoir superbement maîtrisé cette montée.

«Cela faisait deux ans et demi que je n’avais pas gagné, et cette victoire me fait du bien», avouait le troisième du Tour 2014. «J’avais reconnu cette montée et je savais où je devais attaquer. J’ai aussi profité du marquage entre les favoris pour démarrer à cinq kilomètres de la fin.» Après un stage de reconnaissance avant la Grande Boucle, le jeune Français choisira entre le Dauphiné libéré ou le Tour de Suisse pour préparer son grand rendez-vous estival. On parie sur l’option helvétique après son nouveau succès suisse.

2016: du Pod à Genève

Richard Chassot a dessiné les grands contours de la 70e édition du Tour de Romandie. En voici les principaux moments forts. Le 26 avril 2016, le TdR débutera comme prévu à La Chaux-de-Fonds, sur le Pod, par un prologue. «Le parcours qui dépassera les cinq kilomètres ne sera pas tracé que sur cette avenue», précise le directeur de l’épreuve. «Nous planchons sur un gros projet. Et ce sera assez technique. La ville sera bloquée.»

Ensuite, la première étape partira de La Chaux-de-Fonds en direction de Moudon. Jeudi, une première arrivée en montagne est programmée en Valais, le nom de la ville où culminera cette étape est encore inconnu. Une deuxième arrivée au sommet est programmée à Villars-sur-Ollon le samedi. Vendredi, un contre-la-montre individuel aura lieu à Sion. Dimanche 1er mai 2016, la Boucle romande s’achèvera à Genève par un sprint royal.

Entre les inondations

Concernant le bilan de cette 69e édition, Richard Chassot se réjouissait de ne pas avoir dû modifier son parcours malgré les intempéries. «Nous sommes passés à travers les inondations», souffle-t-il. «C’est la première fois en neuf éditions que nous ne devons pas modifier le tracé.» Pourtant, la pluie n’a pas épargné les coureurs les trois derniers jours.

Au niveau sportif, la victoire de Stefan Küng vendredi à Fribourg restera «le moment fort» de ce TdR pour Richard Chassot. «J’ai senti les gens vibrer sur la ligne à Fribourg, c’était magnifique», relève le Fribourgeois. Avec trois succès d’étape (deux pour Michael Albasini, un pour Stefan Küng), le bilan helvétique est positif et réjouissant, même si aucun d’entre eux n’a terminé sur le podium final à Lausanne.

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