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L’homme qui a tout révolutionné

Carlo Häfeli veut hisser le FC Bienne dans une nouvelle dimension

Sûr de lui, Carlo Häfeli, le repreneur et nouveau patron du FC Bienne avance à grandes enjambées. Il a bousculé pas mal d’habitudes du côté de la Gurzelen... Olivier Sauter

Propos recueillis par Etienne Chapuis

Hormis quelques initiés, personne, dans la région, n’avait entendu parler de l’investisseur Carlo Häfeli avant le 10 juin 2015, jour de son intronisation à la Tissot Arena. Cinq semaines plus tard, son nom est sur toutes les lèvres. Dire de l’avocat et agent de joueurs zurichois de 54 ans – dont le franc-parler, l’ouverture et l’esprit d’initiative ont de quoi décontenancer au premier abord – qu’il a bousculé la vie pépère du club biennois relève de l’euphémisme.

Le fait est qu’il roule à plein pot, ayant orchestré un changement d’orientation radical et fait table rase du passé avec une célérité proprement stupéfiante.

Non content d’avoir acquis la majorité (54,1%) des actions du FC Bienne en rachetant les parts de Jean-Pierre Senn et Hans Noll, Carlo Häfeli s’apprête également à endosser le rôle de président, en lieu et place de l’intérimaire Toni Sanktjohanser. Le passage de témoin interviendra lundi prochain, lors de l’assemblée générale.

En attendant cette échéance, ce fonceur, qui s’est engagé très activement dans une campagne de recrutement à l’ampleur jamais vue ces dernières années à la Gurzelen, répond aux questions du JdJ.

Carlo Häfeli, tout le monde se le demande: quelle mouche a bien pu vous piquer d’acheter un club de Challenge League? L’avez-vous fait par passion du foot? Pour développer votre agence de joueurs? Parce que ce n’était pas cher? Parce que le FC Bienne va entrer dans un nouveau stade?

Il s’agit, disons, d’un cumul de toutes ces raisons. Mais le motif principal de mon engagement est d’ordre personnel. Je me suis lancé un défi. Pendant plusieurs années, j’ai siégé au conseil d’administration des Grasshoppers, mais dans un rôle secondaire. Je n’avais guère d’influence. Quelques fois, j’aurais fait les choses autrement s’il m’avait appartenu d’en décider.

A Bienne, l’occasion s’est présentée tout à coup de reprendre un club comme actionnaire majoritaire et de le diriger à ma guise, selon mes propres méthodes et convictions. Et j’ai décidé de me lancer à l’eau. En tant que fan de foot, je l’ai fait dans un réflexe spontané, au point de jeter par-dessus bord toutes les règles élémentaires de prudence que j’ai apprises dans mon métier d’avocat. Pour moi, c’est quand même une prise de risques importante.

Votre implication est énorme et traduit votre amour immodéré du foot. Au fait, l’avez-vous pratiqué?

Oui, dans l’équipe de mon université, à Zurich, et aussi en juniors inters à Altorf, où je fréquentais l’internat d’un collège. Mais diverses blessures m’ont poussé à arrêter alors qu’une carrière de footballeur m’aurait bien plu. Les joueurs du FC Bienne s’imaginent-ils seulement la chance qu’ils ont de pouvoir vivre de leur passion?

Ma mère, elle, ne voyait pas le ballon rond d’un très bon œil. Elle m’a poussé à poursuivre mes études et encouragé à faire plutôt de la musique. C’est ainsi que, pendant un certain temps, j’ai joué de la trompette deux heures par jour...

Quel sera votre mode opératoire au sein du FC Bienne?

J’entends collaborer en contact étroit avec tout le monde, le conseil d’administratif, le staff technique, les joueurs, les travailleurs de l’ombre. Tout en me réservant, au final, le pouvoir de décision.

Aurez-vous aussi votre mot à dire dans la composition de l’équipe?

Non, ça, c’est l’affaire de l’entraîneur Patrick Rahmen, en qui j’ai pleine confiance.

Combien vous a coûté le rachat du club? Et est-ce que d’autres personnes, par exemple le Zougois Bruno Waller, qui va faire son apparition au conseil d’administration, vous ont appuyé financièrement?

Je ne dévoilerai pas le montant de la transaction avant l’assemblée de lundi, par respect pour les autres actionnaires. Pour le reste, je n’ai bénéficié d’aucun appui financier extérieur. Bruno Waller est juste un ami, qui possède déjà une solide expérience de dirigeant de club sportif, acquise au EV Zoug. Il sera amené à me remplacer quand je ne serai pas là. Je ne peux pas tout assumer seul...

Les multiples démarches entreprises pour professionnaliser le club ne vont pas manquer de gonfler le budget, qui était d’environ 2,2 millions de francs pour la saison2014/15. De beaucoup?

Il y aura une augmentation, c’est vrai. Mais là aussi, je ne révélerai les chiffres que lundi.

Et qui va pouvoir couvrir tous ces frais?

Nous fonctionnerons comme tous les clubs professionnels, en nous basant sur le sponsoring, le ticketing, les diverses subventions de la Ligue, les droits de télévision. Nous voulons également réaliser des bénéfices sur la revente de joueurs. Et si les comptes étaient déficitaires à la fin, je couvrirais moi-même la différence.

Votre engagement dans le Seeland sera-t-il profitable aussi à votre agence de joueurs, la HNS Football Agency?

Je l’espère, évidemment. Ce sera plus simple pour certains de mes joueurs de se profiler dans un club que je dirige. Actuellement, cinq d’entre eux sont sous contrat à Bienne.

Avec votre femme, Gabriela Wyss, vous possédez une étude d’avocat et plaidez au barreau de Zurich, vous êtes responsable par ailleurs d’une agence de joueurs, présidez la section handball des Grasshoppers et, depuis peu, le FC Bienne.

Comment diable est-il possible de gérer tout cela à la fois?

En bossant énormément, et avec un plaisir à 100%. Je travaille près de 15 heures quotidiennement, sept jours sur sept. Le FCBienne figure actuellement au centre de mes priorités, mais n’allez pas le répéter à ma clientèle zurichoise... Je suis totalement motivé!

Etes-vous parti pour durer?

Oui. Je me suis fixé pour but de m’occuper du club biennois pendant 10 ans.

Carlo Häfeli, auriez-vous débarqué au FC Bienne si le club n’avait pas été sauvé sur le tapis vert, en raison de la relégation administrative de Servette?

Non, je ne serais pas venu dans ce cas de figure. Ma condition était de pouvoir faire du professionnalisme.

Le mode de fonctionnement de Carlo Häfeli

Coup de balai Carlo Häfeli tient Patrick Rahmen, qu’il a lui-même choisi, en haute estime. «Il n’y a pas de meilleur tacticien en Challenge League, et ses entraînements sont d’une qualité sensationnelle!», s’exclame le nouvel homme fort du FCBienne, admiratif. «Sous ses ordres, les joueurs, particulièrement les nombreux jeunes que nous avons enrôlés cet été, ne pourront que progresser.»

Déjà proposé par le futur repreneur, Rahmen œuvre à Bienne depuis le 11 mai dernier, date de la mise à pied de Jean-Michel Aeby, à quatre journées de la fin de la saison passée. «Les dirigeants de l’époque ont trop attendu avant de se séparer d’Aeby, qui n’était pas à la hauteur. Son successeur n’avait plus assez de temps pour redresser la barre», dit Häfeli.

«Mais même s’il a échoué dans sa tentative de sauvetage, Rahmen méritait qu’on prolonge son contrat, d’autant plus qu’il était très motivé et qu’il n’y avait aucune animosité entre les joueurs et lui.»

Conjointement avec Rahmen, avec qui il partage le rôle de directeur sportif, Häfeli a donné un énorme coup de balai dans l’effectif de la première équipe. Exit une bonne quinzaine d’acteurs de la saison passée – et ce n’est sans doute pas fini – et place à des forces nouvelles. Les Biennois ont attiré quelques gros calibres, comme le portier servettien Jérémy Frick. «Notre transfert roi», lâche Häfeli. «Dans une année, nous allons probablement le transférer dans un autre club.

Une situation que nous avons anticipée en embauchant dès maintenant Predrag Pribanovic, le gardien de Baden. Celui-ci ne serait pas venu si nous ne lui avions pas offert de riantes perspectives...» Acheter, puis tenter de revendre des joueurs avec une marge bénéficiaire, est devenu le lot d’un club de Challenge League pour survivre à ce niveau, selon Häfeli. «Oui, et nous allons procéder ainsi de manière durable», précise-t-il.

Carlo Häfeli ne fait aucun mystère de ses ambitions, à court et à moyen terme. «Bon, cette saison, le but sera de stabiliser l’équipe et de viser une place parmi les cinq premiers», souligne-t-il.

«Nous voulons y arriver en pratiquant un football basé sur l’offensive. Nous devons devenir plus sexy aussi pour attirer davantage de monde au stade. Pour ce faire, il faut que des joueurs s’affirment et deviennent des figures auxquelles le public peut facilement s’identifier. D’où l’importance que nous accorderons au contact direct avec les fans et les sponsors...» Premier exemple de ce rapprochement: la présentation publique de l’équipe hier soir à la place Guisan.

A plus long terme, dans trois ou quatre ans selon lui, Häfeli évoque le scénario d’une promotion en Super League. «Pourquoi une ville de la taille de Bienne, avec les infrastructures flambant neuves de la Tissot Arena, ne pourrait-elle pas accéder à l’élite et s’y maintenir? Il faut des perspectives dans la vie, non?»

Quid des oubliés?

Pas le temps Au FC Bienne, il a exclusivement été question, depuis la prise de pouvoir de Carlo Häfeli, de la première équipe. Pas un traître mot n’a été prononcé sur l’avenir du mouvement juniors ni sur celui de la seconde garniture. Heureusement, ces deux sections subviennent à leurs besoins, du moins en matière d’organisation pratique, de manière largement autonome, avec des gens en place depuis de longues années. A l’image d’Umberto Core, par exemple.

«Je mesure bien sûr pleinement la grande importance du travail de la relève dans un club tel que le nôtre. Mais je n’aurai pas le temps de manager tout cela en plus du reste», déclare Häfeli. «Il faudra que je cherche quelqu’un au sein du conseil d’administration (réd: qui sera sensiblement remanié lors de l’assemblée générale de lundi, tout en conservant une couleur locale) pour gérer ce dossier-là.» Voilà qui a le mérite de la clarté.

Après sa triste relégation en 3e ligue, dernier stigmate de la gestion calamiteuse de l’ancien directeur sportif Stefan Freiburghaus, la deuxième équipe biennoise entamera le prochain championnat en août, toujours sous la direction de l’entraîneur Mario Maniaci. Avec une formation totalement remaniée, composée en majorité d’anciens juniors A, puisque les joueurs de 2014/15, pour la plupart, sont partis sous d’autres cieux.

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