Vous êtes ici

Abo

Athlétisme

Partagée entre le doute et l’espoir

Nicole Büchler toujours handicapée au moment d’aborder les JO.

Toujours en proie aux séquelles de sa blessure à la cuisse gauche, Nicole Büchler ne sait pas encore si elle pourra vraiment participer aux Jeux olympiques. Peter Samuel Jaggi

Etienne Chapuis

Le temps est radieux en ce mercredi matin. Tout respire le bonheur de vivre à la Hohmatt, ce havre de verdure et de sérénité situé sur les hauteurs de Macolin, le village de son enfance. Et rien dans la voix (toujours aussi douce) et l’attitude (avenante) de Nicole Büchler ne laisse présager la triste nouvelle dont la perchiste biennoise de 32 ans est porteuse: elle n’a pas la certitude de pouvoir concourir à Rio, les 16 et 19 août.

Tenace, la lésion aux ischio-jambiers de la cuisse gauche – qui la fait souffrir et la condamne à l’oisiveté depuis la fin juin – n’est pas encore tout à fait guérie.

Elle a repris trop vite
«Bon, la situation n’est pas irrémédiable, l’espoir reste permis», sourit-elle, philosophe. Par mesure de précaution, elle a enveloppé sa jambe endolorie d’une large bande protectrice. «Je vis dans l’incertitude. D’un côté, je vois les choses du bon côté, car mon médecin se veut rassurant. Il estime que je serai rétablie à temps.

Mais un léger doute s’insinue tout de même dans mon esprit, parce que la douleur est réapparue à chaque fois après deux tentatives de saut à l’entraînement. C’est pour cela que j’ai renoncé à m’aligner à Londres lors du récent meeting de Ligue de diamant.» Nicole Büchler avait déjà dû faire l’impasse au préalable sur les championnats d’Europe à Amsterdam, sur le meeting de Monaco et sur les championnats de Suisse à Genève.

La détentrice des deux records de Suisse (4m80 en salle, 4m78 à l’air libre), établis tous deux cette année, fait son mea culpa. «J’ai sans doute voulu reprendre trop vite», avoue-t-elle. «La nature de la blessure avait été mal évaluée au départ. Et maintenant, j’en suis réduite à ronger mon frein et à faire de la course à pied. Je ne pourrai éventuellement sauter à nouveau qu’au dernier moment, c’est-à-dire trois jours avant les qualifications, prévues le 16 août. Alors seulement, je saurai si ma cuisse tiendra le choc.»

«Je peux être bonne!»
Nicole Büchler a prévu de s’envoler pour le Brésil, un pays où elle n’a jamais mis les pieds, mercredi prochain, six jours avant le jour J. Sur place, elle n’aura pas trop de toute son expérience des grands rendez-vous internationaux pour maîtriser cette scabreuse situation. Rappelons qu’elle est appelée à prendre part à ses troisièmes Jeux olympiques après ceux de Pékin en 2008 et de Londres en 2012.

«Ne pas pouvoir sauter pendant plusieurs semaines ne constitue pas un handicap rédhibitoire», affirme-t-elle. «Je pratique une discipline très technique qu’on ne perd pas si vite. En revanche, je risque de manquer d’un petit zeste d’assurance pour ce qui concerne l’approche tactique de l’événement. Souvent décisif, le choix de la dureté de la perche se fait toujours au dernier moment, au feeling, et ce sentiment s’entretient à force de constance et de multiplication des concours.»

De même, Nicole Büchler nourrira quelque appréhension sur le déroulé de l’épreuve. «En raison de cette blessure, je vais être tentée de limiter le nombre de sauts», dit-elle.

«Pas question de commencer trop bas. La variante la plus vraisemblable que j’envisage à l’heure actuelle serait de viser une hauteur appréciable qui pourrait me permettre de franchir très vite l’obstacle des qualifications, une barre qui pourrait se situer à 4m55, voire 4m60. Le risque serait alors de me planter et de ne pas décrocher mon billet pour la finale, trois jours plus tard...»

Forte de la confiance façonnée depuis le début de l’année par une succession de performances de classe mondiale, Nicole Büchler fait mine de ne rien dramatiser. «C’est peut-être bête à dire, mais toutes ces incertitudes constituent un défi passionnant», rigole-t-elle. «Quoi qu’il en soit, je ferai de mon mieux. L’envie est là, j’ai faim de compétition. En définitive, je n’aurai rien à perdre, et cela pourrait libérer en moi des énergies insoupçonnées. Je peux être bonne, je le sais!»

A supposer que Nicole Büchler parvienne à recouvrer la pleine possession de ses moyens d’ici une dizaine de jours, et compte tenu de sa longue période d’indisponibilité, une qualification de sa part pour la finale pourrait déjà être considérée comme un réel succès. Quant à ramener une médaille, cela relèverait sinon de l’utopie, du moins de l’acte héroïque.

Un couple uni pour le meilleur et pour le pire
Malgré l’absence forcée des stars russes, la recordwoman du monde Yelena Isinbayeva en tête, la concurrence s’annonce redoutable à Rio. De nombreuses prétendantes vont vouloir monter sur le podium. «La grande favorite sera l’Américaine Sandi Morris, qui vient d’établir une nouvelle meilleure performance mondiale de l’année en franchissant 4m93. Mais sa compatriote Jenn Suhr possédera elle aussi ses chances dans une épreuve qui s’annonce extrêmement serrée et indécise», fait remarquer Nicole Büchler.

Qui cite par ailleurs, parmi ses rivales les plus directes, la Grecque Katerina Stefanidi, championne d’Europe en titre, l’Australienne Alana Boyd, la Cubaine Yarisley Silva, la Brésilienne Fabiana Murer et la Néo-Zélandaise Eliza McCartney.

Au Brésil, Nicole Büchler sera flanquée bien sûr de son entraîneur de mari Mitch Greeley. Le perchiste américain, qui vient d’obtenir sa naturalisation, espérait être retenu avec l’équipe de Suisse pour ces Jeux. «Mais il est blessé à une épaule et à un genou et sa saison est d’ores et déjà terminée», précise-t-elle. Ce couple semble vraiment uni pour le meilleur et pour le pire...

Articles correspondant: Actualités »