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Hockey sur glace

En quête discrète de «suissitude»

Attaquant québécois du HC Bienne, Marc-Antoine Pouliot deviendra-t-il citoyen helvétique en 2019?

En janvier 2019, le Québécois Marc-Antoine Pouliot pourra légalement postuler au passeport suisse. (Keystone)

Laurent Kleisl

Noël en famille, dans le décor majestueux de Saas-Fee. Et un message de perturber la quiétude du téléphone portable de Marc-Antoine Pouliot. «Il était 18h, le 25 décembre. Hockey Canada m’informait que j’étais de piquet pour la Coupe Spengler», relate l’attaquant québécois du HC Bienne. «C’était au cas où, pour pallier une situation d’urgence. Je n’ai rien changé à mon planning. Je n’avais même pas mes affaires de hockey avec moi!»

Le lendemain soir, Jacob Micflikier s’enfonce dans son canapé moelleux afin de suivre à la télévision l’entrée du Team Canada dans le tournoi davosien. «C’est en regardant le match que j’ai appris que j’étais de piquet, même les dirigeants du HC Bienne n’étaient pas au courant!», se marre l’attaquant manitobain. «Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner, c’était des coéquipiers qui me demandaient si j’étais à Davos.»

Habitués à la Coupe Spengler – trois participations chacun –, les deux Canadiens n’ont finalement pas conclu l’année sous le maillot à feuille d’érable, manquant à l’évidence leur dernière opportunité de revendiquer une place dans leur sélection olympique. «Hockey Canada a ses joueurs», souffle un Pouliot réaliste. Et fataliste. «C’est toujours une fierté de représenter son pays...», soupire-t-il.

Sur la bonne voie
Son pays, mais lequel? Dans le meilleur des mondes, «Pouly» se muera en rude Helvète au cours de l’année 2019. Marié à la Biennoise Joëlle depuis janvier 2016, père de Darryl (10 mois), il songe à son processus de naturalisation. «Je suis en Suisse depuis six ans», reprend-il. «Joëlle est bilingue mais sa famille est alémanique. L’allemand, je m’y mets gentiment. C’est un peu plus compliqué avec le dialecte.» On se comprend.

Selon la législation fédérale en vigueur sur les conditions de naturalisation facilitée, Pouliot suit le bon chemin. En simplifié, un étranger prenant une Suissesse pour épouse – ou l’inverse bien sûr – peut demander un passeport à croix blanche après trois années d’union s’il a vécu au moins cinq ans en Helvétie, dont les 12 mois précédents la requête sans interruption. Ensuite, tout est question d’interprétation, d’évaluation. «Les formalités sont compliquées. C’est mon agent Derek McCann qui gère ce dossier», glisse Pouliot. «Un passeport suisse faciliterait beaucoup de choses dans ma vie, mais dans le hockey également. Ça serait évidemment un avantage pour moi.»

Attente et spéculations
A 32 ans, le natif de la ville de Québec s’assurerait quelques lucratives saisons en qualité de Canado-Suisse, statut qui lui éviterait de peser sur le contingent des quatre joueurs étrangers autorisés en National League. Cet augure rend d’autant plus intéressant l’engagement de Pouliot, qui écoule sa dernière année de contrat au HC Bienne. «Josh Holden, Eric Himelfarb, les exemples de dossiers qui traînent en longueur ne manquent pas», rappelle le directeur sportif Martin Steinegger. «Avec les administrations, ce processus peut s’éterniser. Un club comme le HC Bienne ne peut pas se permettre d’attendre et de spéculer là-dessus.»

Dans le Seeland, deux des quatre places réservées aux «importés» sont déjà occupées, la saison prochaine, par l’Américain Robbie Earl et le Finlandais Toni Rajala. Du contingent actuel, Pouliot, Micflikier et le défenseur états-unien Sam Lofquist suent pour un emploi. «Comme il reste peu de places disponibles dans notre effectif 2018/19, le choix des deux derniers étrangers dépendra des souhaits d’Antti Törmänen», précise Steinegger.

Avec Pouliot, qui gratte, passe, marque, livre la marchandise même dans un mauvais soir, le HC Bienne navigue en terrain connu. Même constat pour Micflikier, l’homme du dernier mètre devant le filet adverse. «Aujourd’hui, nous savons ce qui nous avons avec nos étrangers», souffle Steinegger. «En changeant, le danger est de payer plus cher pour, au bout du compte, avoir moins bien. Et quand je regarde jouer Lofquist, je me dis qu’il a encore un énorme potentiel à exploiter. La situation n’a rien d’évident.»

La volonté de rester
Des discussions informelles entre Steinegger et les agents des mercenaires sans contrat existent. Pour l’heure, elles demeurent sans suite. «J’aimerais rester en Suisse et j’adore jouer au HC Bienne», rappelle Pouliot, dans un acte non dissimulé de communication positive. «Mon agent me donnera des nouvelles en janvier. Mais je sais que pour les étrangers, les clubs font leur marché après avoir magasiné les Suisses.» Un effort financier pour rester dans le Seeland, près des siens et d’un passeport suisse, est-il envisageable? «Peut-être, mais cela dépendra des offres.» Canadien un jour, Canadien toujours.

 

Le chiffre

200

Matches  Entre 2005 et 2012, Marc-Antoine Pouliot a disputé 200 matches en NHL (22 buts et 37 assists) avec les Edmonton Oilers, le Tampa Bay Lightning et les Arizona Coyotes. Depuis son arrivée en Suisse en 2012, l’attaquant québécois a joué 121 matches avec le HC Bienne (106 Points) et 144 autres avec Fribourg-Gottéron (118 points).

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