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hockey sur glace

La tâche des attaquants facilitée

Les nouvelles règles vont amener dès cette saison davantage de jeu offensif et du spectacle.

Les attaquants, à l’image de Simon Bodenmann (Kloten), auront plus d’espace pour «bouger» les défenses (ici le Biennois Emanuel Peter devant son gardien Lukas Meili). (Keystone)

Sélim Biedermann

La saison 2014/15 qui s’annonce devrait être celle du spectacle. Désormais, place à l’offensive! Le championnat de Suisse s’est adapté aux règles adoptées il y a peu par la Fédération internationale de hockey sur glace. Avec deux changements d’importance. La zone neutre est raccourcie de 3m, le jeu ne devrait par conséquent pas s’y attarder et les équipes disposeront ainsi davantage d’espace devant les filets adverses. Et le dégagement interdit hybride favorisera aussi le jeu vers l’avant: si le juge de ligne estime que l’attaquant arrivera sur le puck lancé en fond de patinoire avant le défenseur, il n’y aura pas «icing». Tour d’horizon avec des spécialistes.

Les gardiens

La ligne bleue étant repoussée, le dernier rempart ne devrait plus trop essayer d’envoyer la rondelle hors de son camp. Il observera attentivement son environnement avant de prendre une décision. «L’important sera de lire le jeu plus loin, très loin, et de ne pas trop souvent s’aventurer hors de sa cage. Les sorties de zone, ça va être très difficile. Le tir devra être plus puissant», explique Marco Streit, l’entraîneur des gardiens seelandais.

Le portier misera souvent sur un relais avec un de ses coéquipiers. «Face au fore-checking, il faudra décider très rapidement où mettre le puck pour que le défenseur vienne le chercher. Ils devront avoir une bonne coordination.» Lukas Meili et Simon Rytz sont mis au parfum depuis quelques semaines. «Nous faisons des exercices spécifiques, on en discute...», glisse Streit.

Les périodes en infériorité numérique seront compliquées à gérer. «Physiquement, ce sera dur, car le puck restera plus longtemps dans la zone défensive et les tirs seront nombreux. Mais cela ne change pas grand-chose au niveau de la concentration, car un gardien est tout le temps concentré à100%!» Quant aux dégagements interdits, le portier ne pourra plus s’accouder sur la barre transversale en attendant tranquillement le coup de sifflet... «C’est une règle vraiment difficile pour les gardiens, car on ne peut pas être sûr que l’arbitre va siffler.»

Les défenseurs

En défense, on s’attend à beaucoup suer... «Ce ne sera pas facile», souffle Serge Meyer, «surtout en box-play, situation où les attaquants feront circuler le puck plus facilement». L’ancien rugueux défenseur et actuel coach assistant des novices-élites du HCB détaille: «Il y a deux possibilités, il faut soit patiner plus qu’auparavant afin de couvrir une plus grande zone, soit rester en bloc devant le but.» Mais la seconde option ne semble pas idéale, si ce n’est pour observer une danse du scalp autour du «slot»...

Les défenseurs doivent être plus mobiles. Même à cinq contre cinq, car le jeu filera a priori d’un côté à l’autre. «On ne peut pas jouer avec la même agressivité qu’avant, car il ne faut pas trop rester sur un joueur...», sourit Meyer. Et lorsqu’un adversaire se précipitera sur un dégagement semblant au premier abord interdit pour le rendre licite, l’arrière-garde devra être aux aguets. «On doit s’attendre à une plus grande pression mise par les attaquants. C’est mieux d’être rapide.» Et l’ex-défenseur, dont la force n’était pas la vitesse, de s’imaginer évoluer en 2014/15... Eclat de rires: «Ça n’aurait pas été pour moi cette règle!»

Deux avantages se dessinent tout de même. Les éléments positionnés à la ligne bleue bénéficieront de quelques secondes supplémentaires pour armer leurs frappes. Et en zone neutre, «les attaquants n’auront que peu de place pour bouger».

Les attaquants

«L’agrandissement des zones offensives va amener d’énormes changements lors des situations spéciales», pressent le Seelandais Jean-Jacques Aeschlimann. En power-play, ça va faire mal! «Les joueurs qui ont la capacité de bien lire le jeu disposent d’encore plus d’espace pour distribuer des passes décisives. Le box-play va davantage bouger. Les défenseurs devront patiner sur des plus grandes distances, il est clair que cela facilite la tâche des attaquants», relève le manager administratif du HCLugano. «Les équipes possédant des joueurs créatifs vont être avantagées. Celles composées principalement de travailleurs, avec moins de talent pur, diront que c’est dommage...»

Dans le jeu normal, l’avantage au joueur qui attaque ne semble pourtant pas aussi évident. Car avant de pouvoir jouir d’une spacieuse zone offensive pour dérouler ses actions, il s’agira d’abord d’y pénétrer. «A cinq contre cinq, ce ne sera pas si différent des saisons précédentes», estime l’ancien attaquant de l’équipe de Suisse. «Les entraîneurs vont développer des systèmes pour que le jeu n’aille pas trop vite!»

Mais la règle du dégagement interdit hybride fait la part belle aux «flèches» offensives. «Cela donne un net avantage aux attaquants rapides et va causer des soucis aux défenseurs un peu lourds.» Serge Meyer ne le contredira pas, et se dit qu’il a bien fait d’arrêter sa carrière de joueur en 2011...

«Tous les jugements ne seront pas optimaux»

arbitrage Si le nouveau règlement adopté cette saison sur les patinoires helvétiques ne facilite pas le travail des défenseurs et des gardiens, il en est d’autres qui voient leur tâche se corser: les arbitres. «On n’a pas souvent des changements aussi fondamentaux», note le juge de ligne biennois Marc-Henri Progin. «C’est assez particulier à gérer, car certains aspects du jeu changent radicalement. Mais il ne faudra pas que l’on délaisse les situations de routine en ne se concentrant plus que sur les nouvelles règles.» Par exemple les dégagements interdits, qui ne seront plus sifflés si l’attaquant prend l’avantage sur son défenseur. «Il faut gérer à la fois le hors-jeu et être prêt à descendre en fond de zone, on doit avoir un timing parfait. Les deux ‹spots› où on prend les décisions sont plus éloignés vu que la zone d’attaque est plus grande, cela nous complique un peu la vie... La question de la lecture du jeu est essentielle.»


Les juges de ligne (ici le Prévôtois Nicolas Fluri) devront avoir un timing parfait pour gérer à la fois les hors-jeu et les dégagements interdits. (Keystone)

Dans les prémices de cette évolution, le juge de ligne devait juste regarder qui arrivait en premier sur une ligne imaginaire «tirée» à 8m de la cage. Mais «le concept a été abandonné», explique Progin. Il a finalement été décidé de «créer» une zone située entre 8 m et 12 m de la ligne de but. «Nous avons une distance de quatre mètres pour juger. On doit regarder la dynamique et la position des deux joueurs avant de prendre une décision.» L’attaquant peut ainsi accuser du retard sur son opposant même encore à 8 m du but s’il arrive avec une plus grande vitesse, donc s’il est susceptible de toucher la rondelle en premier. «Et si pour une raison X ou Y l’attaquant freine et laisse le défenseur prendre le puck, ma foi c’est comme ça! Ce qu’il se passe après la zone de quatre mètres ne peut plus changer notre décision. Cela peut par conséquent donner des situations un peu bizarres...» Une règle compliquée. «Ce n’est pas du tout évident, même pour les joueurs! D’ailleurs, j’ai pu constater durant la préparation que peu d’équipes utilisent vraiment cette nouvelle règle actuellement», relève Progin. «On va rentrer dans la phase expérimentale, tous les jugements ne seront pas optimaux. Il faut que cela devienne un automatisme.»

Quelques autres variantes «débarquent» également. L’arbitre pourra notamment donner deux minutes de pénalité pour méconduite et non plus systématiquement 10 minutes. Et lors des engagements en zone offensive, ce n’est plus l’attaquant qui doit poser sa canne en premier sur la glace mais le défenseur, laissant l’avantage à l’autre de pouvoir se positionner en conséquence.

Pas plus de commotions

Rapidité du jeu «Ces nouvelles règles vont accélérer le jeu.» Le constat fait par Pius David Kuonen est implacable. Du coup, les charges devraient s’avérer parfois plus violentes que par le passé, alors que l’on tente année après année de diminuer les blessures. Se pose alors la question d’une éventuelle recrudescence des commotions, une thématique préoccupante. «Il est trop tôt pour juger cela», coupe le membre du Conseil d’administration de la Swiss ice hockey federation. «On a dû prendre en considération ce sujet, bien sûr, mais il nous est apparu que cela n’augmenterait pas le nombre de commotions, qui ne sont souvent pas dues à la vitesse. C’est plutôt quand un joueur cherche un adversaire. Ce sont des accidents qui arrivent suite à des mauvaises charges, pour lesquels on n’a pas encore trouvé de solution. Cela n’a rien à voir avec la rapidité du jeu. Nous n’avons en tout cas pas constaté ce problème durant la préparation. Croisons les doigts!»

Adaptation internationale Ueli Schwarz, directeur sport d’élite à la Swiss ice hockey federation, abonde dans le même sens. «On peut vraiment se poser la question, mais je ne pense pas que c’est cela qui va changer le problème, en tout cas je ne l’espère pas, même si cela reste difficile à dire.» De toute façon, il s’agissait de s’aligner sur ce modèle défini par la Fédération internationale de hockey sur glace, afin de ne pas se retrouver en total décalage lors des rencontres internationales. «Chez nous, il n’y a pas eu une grande résistance à ce sujet, car tout le monde voit les avantages que cela amène au niveau de la qualité du jeu. Et on n’a pas d’autre choix que d’adopter ces nouvelles règles. Le but n’est pas de se retrouver à jouer entre nous sur une île!»

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