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Accident du travail

«J’ai presque une vie normale»

Neuf mois après, un apprenti reprend le chemin de l’atelier

Malgré les longs mois de réadaptation et les séquelles physiques, Régis Voirol a tenu à poursuivre sa formation et à la mener à terme. Si tout se passe bien, il la terminera au mois de juin. (Bruno Payrard / BIST)

Nicole Hager

C’est le genre de nouvelles qui se résument parfois à quelques lignes dans la rubrique des faits divers. Chaque jour, en Suisse, des salariés sont victimes d’un accident du travail plus ou moins grave avec des conséquences plus ou moins lourdes pour eux et leurs proches.
Le 18 février 2013, Régis Voirol était victime d’un de ces accidents (lire encadré), quand bien même il n’y a eu aucune négligence. La faute à pas de chance, au froid polaire qui régnait cette semaine-là et qui a sans doute rendu glissante la façade de la maison sur laquelle il travaillait.
Presque un an après sa chute, on retrouve Régis Voirol planté sur ses deux jambes, ce qui tient presque du miracle. Il a perdu une quinzaine de kilos de muscles et quelques centimètres en taille suite à son tassement de vertèbres. Mais il remarche et a repris son apprentissage de polybâtisseur chez Chatelain Stores aux Reussilles. Oui, il revient de loin et en a conscience. «J’ai retrouvé une vie presque normale, même si je dois encore me concentrer pour marcher et que j’ai encore pas mal de douleurs.»
Aujourd’hui, à force de pugnacité et grâce au soutien de sa famille, de ses proches, de ses amis, mais aussi des gens rencontrés dans les centres de réadaptation, Régis Voirol peut remettre un pied devant l’autre «à peu près correctement» et espère encore récupérer une bonne partie de sa mobilité. «Je vais beaucoup courir, même si courir est un bien grand mot parce que je souffre d’un grand manque de coordination.» Il a aussi repris le chemin du travail après neuf mois d’absence. Son employeur lui a aménagé un emploi en fonction de ses capacités physiques. Dorénavant, Régis Voirol seconde son patron et cousin dans les tâches administratives et se rend de temps en temps à l’atelier pour assurer certains travaux, mais sans prendre de hauteur.
Dans son malheur, Régis Voirol a reçu quelques coups de pouce, sans doute mérités. «Comme j’avais déjà un premier CFC et au vu de mes précédents résultats scolaires, il a été décidé que je ne referais pas mon année, mais que je passerais directement en 3e année d’apprentissage.» Si du point de vue théorique, tout roule, c’est en pratique que Régis devra s’accrocher. «Après un jour de chantier, il est à plat. Sa musculature a fondu, observe Jérôme Chatelain, son maître d’apprentissage et patron. Mais il va y arriver. On va plus cibler les travaux à lui faire réaliser afin qu’il acquière les compétences nécessaires en passant un temps limité en atelier. Cela demande de l’organisation.» Si tout se déroule comme prévu, Régis mènera sa seconde formation à terme en juin 2014.

Plaisir retrouvé

Quand le fan de hockey mesure tout le chemin accompli depuis ce jour où sa vie a basculé, l’émotion pointe. «J’étais en chaise roulante pour donner le coup d’envoi du premier match de hockey sur glace de la saison actuelle, à Tramelan. C’était une montagne d’émotions pour moi et pour les gens présents ce jour-là. Ma vie future n’était alors encore qu’un gros point d’interrogation. Aujourd’hui, j’ai rechaussé les patins. Ce n’est plus la même chose qu’avant, mais cela reste un plaisir intense de pouvoir me retrouver sur la glace et d’entraîner les juniors Top du HC Tramelan.»

Demain, dans notre cahier «Rendez-vous de l’emploi» consacré à l’apprentissage, ne manquez pas le portrait d’un autre jeune apprenti victime, lui aussi, d’un grave accident du travail.

 

18 février 2013: Retour sur un jour maudit

Jusqu’à ce maudit 18 février de l’année dernière, tout se passait pour le mieux pour Régis Voirol. A 19 ans, il venait d’obtenir un CFC de peintre en carrosserie et entamait un nouvel apprentissage de polybâtisseur dans l’entreprise tenue par son cousin aux Reussilles. Côté loisirs, le hockey sur glace était toute sa vie. Sa pratique intensive lui avait façonné une stature assez massive. Mais il devait se ménager. Une luxation le maintenait au repos forcé, sans le tenir pour autant éloigné des patinoires. Il entraînait alors déjà les juniors Top du HC Tramelan. Et puis, il y a eu cette chute. «Nous étions en train d’installer un store avec un collègue. L’échelle était posée correctement contre la façade d’une maison. A un moment donné, j’ai senti qu’elle s’échappait sous mes pieds. Je me suis rattrapé au store qui venait juste d’être ajusté et vissé. C’est la dernière chose dont je me souvienne. La suite, c’est mon collègue qui me l’a racontée.»
Comme on peut bien se l’imaginer, le store a finalement cédé sous le poids de Régis Voirol qui est venu s’écraser deux mètres plus bas sur le bitume et une partie de l’échelle. Très vite, il est conduit en ambulance depuis Les Breuleux, lieu de l’accident, à Glovelier. Là, un hélicoptère prend le relais en raison de son état de santé qui s’est aggravé. Acheminé à l’hôpital de Bâle, il y subit toutes sortes d’examens qui concluent à un écrasement de la colonne vertébrale au niveau des lombaires. Les vertèbres cervicales sont aussi touchées, mais dans une moindre mesure. «Très vite, les médecins ont constaté que quelque chose clochait avec mes jambes. Elles me faisaient terriblement souffrir.» Mauvais présage: un médecin du centre pour paraplégiques de Bâle est appelé à son chevet. «Il a ausculté mes jambes, mais n’a pas posé de diagnostic. Il m’a cependant indiqué que je serais pris en charge par son unité.» Suivront cinq longs mois de réadaptation à Bâle et quatre autres mois à la clinique de réadaptation SuvaCare à Sion. «C’était dur. Un jour, je réalisais des progrès et le lendemain mon corps ne répondait plus. Je me suis beaucoup battu.»

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