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La dernière révérence d’Hitzfeld

La carrière de l’Allemand s’est arrêtée en même temps que le rêve helvétique.

Ottmar Hitzfeld a fait le plein d’émotions contre l’Argentine avant de se retirer. (Keystone)

Stéphane Fournier

Station terminale Maracanã 13 juillet 2014. L’inscription s’écrit en majuscules en anglais et en portugais sur le bus qui promène les Suisses au Brésil. La route s’arrête à Sao Paulo dix jours plus tôt que le rendez-vous motorisé de Rio de Janeiro.

Terminus de ligne également pour Ottmar Hitzfeld. Le technicien allemand se retire après six ans de bons et loyaux services qui se terminent par les remerciements mutuels au lendemain de l’élimination concédée face aux Argentins. «Les résultats ne sont pas les seuls critères qui jugent une relation», commente Peter Stadelmann dans une entrée en matière propre à désamorcer toute critique. «La collaboration entre les deux parties influence aussi les sentiments ressentis. Ottmar a apporté beaucoup de professionnalisme. L’opération France 2016 commence.»

«J’ai besoin de recul»

Si le délégué aux équipes nationales donne déjà le coup d’envoi de la campagne suivante, le jeune retraité s’abstient de fouler la pelouse de son successeur. «Je n’ai plus besoin de me livrer à l’analyse vidéo du match d’hier, Petkovic en parlera peut-être avec les joueurs. Je lui souhaite tous mes vœux de réussite», commente Hitzfeld. «Ils pourront puiser des forces et des ressources nouvelles d’une telle défaite. Il y a quelque chose à gagner pour le futur dans ce revers. Quelle expérience formidable pour les jeunes.»

Les messages de félicitations saturent la mémoire de son téléphone portable. «Ils sont tellement nombreux. Je ne les ai pas tous lus. M. Burkhalter m’a écrit. Les émotions demeurent trop fortes aujourd’hui. J’ai besoin de recul.» Dans l’ambiance feutrée de la salle de réunion d’un hôtel très cossu de Sao Paulo, les adieux se font presque aux larmes. «Je remercie les joueurs de m’avoir permis de vivre un tel événement pour mon dernier match. Mes remerciements s’adressent aussi à la fédération dont j’ai toujours senti la confiance malgré les critiques qui ont réclamé mon départ à certaines périodes.» Le souvenir rappelle que le succès n’a pas été l’unique compagnon de route du technicien allemand avec la sélection.

Le final émouvant vécu contre les Argentins ne dissimule pas non plus que la participation aux huitièmes de finale s’inscrivait comme un objectif minimal pour l’expédition brésilienne. La performance face aux Gauchos prouve que l’ambition n’était pas irréaliste. Le constat avive la frustration. A l’heure des adieux, le sujet n’est pas d’actualité. «Ottmar a su former une équipe, le match face aux Argentins l’a prouvé. Nous avons évolué à leur niveau. Merci pour ce que tu as donné», lâche Peter Gilliéron.

Le dirigeant de l’ASF reste scotché aux huitièmes de finale qui l’ont éjecté à trois reprises d’un Mondial dont deux avec le costume de secrétaire général. Des regrets accompagneront-ils son voyage de retour? Hier, à Sao Paulo, ni le lieu, ni l’heure n’étaient propices à ces confidences. Dire que la Suisse aurait pu faire mieux sous-entendrait que le sélectionneur n’a pas fait tout juste. Les reproches ne surgissent que dans les divorces. Pas lors d’une séparation avec consentement mutuel, mais «à contrecœur» pour l’ASF.

Une performance saluée de partout

Presse Au lendemain de l’élimination de l’équipe de Suisse par l’Argentine (1-0 ap), la presse insiste sur le caractère «héroïque» des joueurs suisses. «Admirablement solidaire, la Suisse échoue au poteau», titre «24 Heures» dans son édition d’hier. Il faut dire que la tête de Blerim Dzemaili heurtant le montant des buts restera longtemps dans les mémoires des supporters helvètes. Hélas pour le milieu napolitain ses coéquipiers, la Suisse a fini par «tomber les armes à la main», selon la «Tribune de Genève».

Le quotidien genevois regrette surtout «une erreur bête et aux terribles conséquences» survenue quelques minutes plus tôt. «Un lob stupide de Lichtsteiner sur Palacio, à deux minutes des tirs au but», qui permettait à Lionel Messi et Angel Di Maria de mettre un terme aux espoirs suisses. La déception passée, la presse se montre surtout fière d’une équipe parvenue à inquiéter l’une des grandes nations du football mondial. Ces joueurs, qui «nous ont fait pleurer», peuvent quitter le Brésil «la tête haute», pour «Le Matin». Alors que son élimination en 2006 par l’Ukraine avait laissé un goût amer, la Suisse a cette fois «dessiné de très belles perspectives d’avenir». «Nous sommes fiers de vous», titre le «Blick» avec en une la photo d’un Xherdan Shaqiri dévasté. «Vous avez combattu, vous avez souffert, vous nous avez fait rêver», lance le quotidien suisse alémanique.

Un constat également fait par les médias argentins, aucunement victimes de triomphalisme. «L’Argentine passe en quart avec son âme et dans la souffrance», titre le journal «Clarin». D’après «La Nacion», l’Albiceleste peut y voir un signe, après avoir bénéficié d’un énorme coup de chance dans le temps additionnel. «C’est la chance du champion», écrit le journal, qui soulève l’intensité de ces deux dernières minutes «d’adrénaline pure, d’extase et de panique». Un match d’ailleurs désigné par le sélectionneur agentin Alejandro Sabella comme «le plus stressant de toute (sa) vie».

Respect Dans le camp des pays «neutres», on a aussi vibré devant ce match indécis. En Italie, la «Gazzetta dello Sport» salue la «remarquable intensité dramatique» de la fin de match, avec un Dzemaili passé tout près d’envoyer les Suisses aux tirs au but. «De quoi rappeler la transversale du Chilien Pinilla face au Brésil», qui avait lui aussi touché du bois dans les derniers instants de la prolongation contre le pays hôte.

Le journal français «L’Equipe» a apprécié la volonté d’Angel Di Maria. Le seul buteur du jour, qui a tenté 12 tirs (total le plus élevé depuis l’Italien Luigi Riva (13) contre Israël en 1970!), mérite plus que jamais son prénom. «Sauvée par un Ange, l’Argentine continue d’avance sur un fil.» Au sujet du match en lui-même, le quotidien sportif parle d’une fin de rencontre disputée «dans une tension et une atmosphère irrespirables». SI

«Nous ne sommes plus la petite suisse»

Sera-t-il toujours le capitaine de la Suisse lors de la prochaine Coupe du monde? Même s’il n’a pas répondu à cette question, Gökhan Inler, qui aura 34 ans en 2018, croit en l’avenir de son équipe. «Cette défaite doit nous servir pour 2016 et 2018», lâche le Soleurois. «Mardi à Sao Paulo, nous étions prêts. Nous étions forts aussi. J’ai le sentiment que l’équipe a énormément progressé en 2014. Nous ne sommes plus la «petite» Suisse!»

Le capitaine n’oubliera jamais ce huitième de finale du 1er juillet. «D’entrée de jeu sur le terrain, j’ai senti que l’équipe était là. Que chacun allait vraiment tout donner. Nous avons tous dépassé nos limites. Je dois tirer mon chapeau à l’entraîneur. Ce n’était pas simple pour lui de se projeter dans le match après le deuil qui l’a frappé. Mais il l’a préparé d’une manière extraordinaire.»

Gökhan Inler a évoqué l’«immense tristesse de perdre ce match à l’ultime seconde». «Oui, mais il reste au final le sentiment d’avoir livré mardi une performance que la Suisse n’avait pas réussie depuis longtemps», glisse-t-il. Le problème, c’est qu’il n’y a pas eu de happy end. SI

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