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Bienne: gymnase français

«Je me suis senti comme un pion»

Des étudiants se sont mis dans la peau de réfugiés le temps d’un atelier organisé par Amnesty International. Reportage

Chaque étape du parcours correspond à un pays. Elle est représentée par un panneau sur lequel figurent les options qui s’offrent aux migrants ainsi que des informations sur la politique pratiquée à l’encontre des réfugiés par les gouvernements locaux. DN
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Didier Nieto

Vous êtes une jeune Iranienne de 21 ans, opposée à la politique liberticide envers les femmes du gouvernement en place. Les autorités découvrent que vous avez diffusé votre opinion sur les réseaux sociaux. Vous savez que vous êtes en danger. Alors vous décidez de quitter votre pays et de rejoindre l’Espagne, où la famille de votre petit ami pourra vous héberger. Vous avez 1000dollars en poche. Et deux options s’offrent à vous: marcher en direction du nord pour entrer en Turquie ou payer un passeur pour qu’il vous conduise en Irak à bord d’une camionnette.

«Allons à pied jusqu’en Turquie et économisons nos sous pour la suite», tranchent Stéphanie et Salim. Les deux élèves du Gymnase français ont participé hier au «Parcours des migrants», un atelier proposé dans leur classe par Amnesty International. Objectif: éprouver des situations auxquelles des réfugiés en exil doivent faire face. «La crise migratoire est omniprésente dans les médias. La société doit en débattre. Cet atelier permet aux futurs citoyens que sont les étudiants d’être informés de la problématique», explique Christine Gagnebin, rectrice du Gymnase français.

Issue fatale

La classe 18A était la première de la volée à se lancer sur le Parcours des migrants. Les élèves se sont glissés par groupes de deux dans la peau d’un réfugié, qu’il s’agisse d’une mère de trois enfants qui cherche à quitter la Syrie après l’arrestation de son mari ou d’un adolescent irakien qui fuit son pays après le décès de ses parents dans un attentat...

Ces situations ont confronté les étudiants à des choix: dans quelle direction partir? avec quel moyen de locomotion? Chaque décision les a menés à la prochaine étape du périple, point de départ d’un nouveau dilemme au dénouement toujours incertain.
Pour Salim et Stéphanie, le choix de rallier la Turquie a été malheureux: arrivée à la frontière, «leur» jeune Iranienne a été accueillie à jets de pierres par la police...

Retour donc à la case départ. Pour certains de leurs camarades, l’issue s’est avérée bien plus dramatique. «Nous avons choisi de traverser la mer dans une barque. Elle a chaviré. Nous sommes morts», a raconté Jeanne. «Le parcours montre que parmi tous les réfugiés qui fuient leur pays, seule une infime partie parvient à atteindre sa destination», a relevé Estelle Gagnebin, membre d’Amnesty International qui anime l’atelier durant toute la semaine.

Au fil des étapes, les élèves ont aussi dû conjuguer avec les contraintes économiques d’un exil. Ils ont dû gérer le budget limité des réfugiés. Le besoin d’argent les a parfois obligés à faire une pause de plusieurs mois – voire de plusieurs années – pour trouver un travail. Souvent en toute illégalité. «Quand nous avons choisi une option qui semblait être juste, nous avons terminé en prison», a regretté Maïa, qui s’est étonné que le parcours n’intègre à aucun moment les coups de main des populations locales. «On ne nous met que des bâtons dans les roues.»

«C’est juste», a rétorqué Nyan Storey, le second animateur. «L’exploitation des migrants est la règle. Mais l’aide qu’apportent certaines personnes aux réfugiés est aussi une réalité. Nous pourrions à l’avenir l’intégrer à l’atelier.» Le Parcours des migrants a été réalisé par des jeunes membres du groupe Amnesty International de l’Université de Genève. Il est proposé dans des écoles pour sensibiliser les élèves à la question des droits de l’homme.

Impliquer tout le monde

Les étudiants de la classe 18A y ont participé avec beaucoup d’intérêt. Et l’exercice leur a ouvert les yeux sur la réalité d’un exil. «On se rend compte qu’anticiper ne sert à rien. Rien ne se passe comme on l’attend», a remarqué Stéphanie. «Moi je me suis senti comme un pion qu’on bouge contre sa volonté, comme si on jouait avec ma vie», a renchéri Salim.

«Que peut-on faire pour améliorer la situation?» a alors questionné Nyan Storey. «Il faut que tout le monde se sente concerné. Si chaque commune accueille deux ou trois migrants, la situation est gérable. C’est en ne faisant rien que ça devient difficile», a répondu Marine. Aleksander a lui dénoncé la «diabolisation» des réfugiés. «On ne voit pas le côté positif. Les migrants peuvent nous apporter leurs compétences. Certains d’entre eux sont des médecins diplômés par exemple.» 

Journée du réfugié

La semaine thématique du Gymnase français consacrée à la migration coïncide avec la Journée nationale du réfugié samedi. A cette occasion, Multimondo organise un tournoi de football multiculturel à la place de Sport de Longchamp à Boujean. Une compétition accompagnée de nombreuses activités ludiques pour les enfants.

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