Vous êtes ici

Abo

Eglise de Courtelary

Son heure a sonné

L’église de Courtelary pourra être démolie. Construite il y a 46 ans, à une époque où le nombre de catholiques augmentait constamment dans le vallon de Saint-Imier, avec l’arrivée massive d’immigrés italiens venus y trouver du travail, la sainte bâtisse était vue dès le départ comme une construction provisoire, censée servir pendant 25 ans, avant qu’une église plus durable puisse être construite. Ce dernier projet n’a finalement jamais vu le jour.

L'église va bientôt disparaître Nicole Hager

Nicole Hager
L’événement est qualifié d’«extrêmement rare» par l’abbé Jean Jacques Theurillat, vicaire épiscopal pour le Jura pastoral (Jura, Jura bernois et Bienne francophone). «Sans avoir eu le temps de réaliser des recherches approfondies, il me semble que la dernière église catholique à avoir été démolie dans le Jura pastoral est l’ancienne église de Vicques, suite à la construction d’une nouvelle.» Les faits remontent aux années soixante.

Dans le cas de Courtelary, aucun nouvel édifice religieux ne sera construit  en remplacement de l’église de la Sainte Trinité. L’an prochain, le village ne comptera dès lors plus qu’un seul clocher, protestant.
L’état de dégradation de l’édifice actuel et sa sous-occupation justifient sa démolition plutôt qu’une réfection et un entretien, qui s’avéreraient onéreux. «Le système de chauffage devenu vétuste et hors norme a conduit, depuis 2013, à une fermeture temporaire de l’église durant la saison hivernale. Nous ne pouvions plus atteindre une température intérieure correcte pour accueillir les fidèles et célébrer dans des conditions décentes», explique Patrick Rakoto, curé de la Paroisse du vallon de Saint-Imier.

Aux défectuosités du bâtiment, extrêmement mal isolé, s’ajoute la nécessité d’une réorganisation de la vie au sein de la paroisse. Le contexte général a changé, la ferveur religieuse a baissé, le nombre d’agents pastoraux et de bénévoles diminue. L’Eglise doit s’adapter. «Ces constatations nous poussent à imaginer une pastorale plus cohérente et appropriée en concentrant les célébrations, les activités et les animations sur les pôles de Saint-Imier et de Corgémont, là où la population catholique connaît une croissance progressive, contrairement à Courtelary et Cormoret», poursuit le curé.
Une disparition de raison

Si elle est convaincue du bien-fondé de la désaffectation de l’église de Courtelary, Françoise Imhoff, présidente du Conseil de paroisse, n’est pas pour autant insensible à la disparition de ce lieu de culte. «C’est toujours un crève-cœur de voir disparaître un bâtiment qu’on a fréquenté. Baptêmes, communions, mariages... L’église de Courtelary a marqué la vie de beaucoup de familles. Mais ces événements se font rares. On se dit à quoi bon maintenir un édifice désuet. Pour qui? Alors qu’une nouvelle construction, selon les études réalisées, rendra davantage service que le bâtiment actuel.»

Sur le terrain libéré, la Paroisse de Saint-Imier entend construire un édifice à vocation paroissiale et sociale. Evalué à 4,4 millions de francs, le projet comprend deux bâtiments de trois étages abritant un total de onze logements adaptés, ainsi qu’une salle polyvalente modulable pouvant servir de lieu de célébration et de rencontres dans le cadre des activités pastorales. Pour le curé Patrick Rakoto, ce projet «est une forme actuelle de présence d’église au cœur du monde, une façon pour l’Eglise d’être proche des gens en leur offrant une possibilité de vivre leur vie, avec une tonalité chrétienne. Pas dans le sens d’une présence imposée, mais au travers d’une proximité.» £

Sa dernière heure va bientôt sonner
Le dimanche 10 septembre à 10h, l’église de Courtelary accueillera sa dernière célébration. En vue de sa démolition dans les mois à venir, il faudra procéder préalablement à sa désacralisation. Une procédure particulière. «Au sein de l’Eglise catholique romaine, un lieu destiné aux cultes doit être consacré ou dédicacé parce que c’est vraiment un lieu exclusivement destiné à vivre les célébrations chrétiennes. A l’inverse, et c’est logique, pour désaffecter ce lieu en vue d’un autre usage ou d’une démolition, il y a ce qu’on appelle la désacralisation», explique Patrick Rakoto, curé de la Paroisse du vallon de Saint-Imier.

Comme c’est la première et certainement l’unique désacralisation qu’il vivra, l’homme d’église a dû s’informer auprès de l’Evêché pour connaître le rituel à respecter. «Après la lecture du Décret épiscopal autorisant la désacralisation, on fait les gestes symboliques d’enlever tout ce qui était lié à la liturgie. Les reliques ou les signes qui étaient encastrés dans l’autel sont ôtés, la nappe de l’autel est enlevée de même que le missel de la messe et le lectionnaire, le tabernacle est vidé et le cierge pascal éteint. Et à la fin de la célébration, quand les gens partent, c’est le prêtre qui sort en dernier et ferme à clé l’église comme pour signifier que tout s’arrête là.»
Pour l’église catholique de Courtelary, la dernière heure sonnera dans une semaine.

Hauts et bas des catholiques du Haut et Bas-Vallon
En 1920, on ne dénombrait que huit familles catholiques dans les villages de Cormoret et Courtelary. Cinquante ans plus tard, on y recensait 650 fidèles de Rome qui se réunissaient au cinéma du chef-lieu pour célébrer la messe. Afin de répondre aux besoins spirituels de cette communauté catholique alors en constante augmentation, un comité de construction est constitué en 1967. L’œuvre d’entraide catholique Action de Carême donne un précieux coup de pouce au projet en s’engageant à prêter la somme nécessaire (445 000 francs) à l’édification du bâtiment religieux. La construction démarre en 1970, et l’église de la Sainte Trinité est consacrée le 17 octobre 1971.

En Suisse, à la même époque, plusieurs églises ont été construites sur le même modèle. En éléments préfabriqués, démontables, ces lieux de culte devaient garder, selon les archives d’Action de Carême, le caractère de construction provisoire. Ce fut le cas pour la plupart de ces édifices, qui ont déjà  été démolis. A Courtelary, le provisoire est devenu durable, mais pas éternel. Aujourd’hui, maintenir une église pour une petite communauté qui n’a pas connu d’augmentation notoire (414 personnes, au dernier recensement d’août), contrairement aux autres villages du vallon de Saint-Imier, ne se justifie plus.

Articles correspondant: Région »