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Bienne

Des écrans noirs et des nuits blanches

La directrice de Cinevital SA, Edna Epelbaum, dresse le bilan du cinéma en 2020, dans les six salles qu’elle exploite en centre-ville.

Sorti au début de l’année 2020, le film «Les enfants du Platzspitz» a particulièrement ému le public biennois. LDD / Alpenrepublik GmbH

Julie Gaudio

Difficile. Tel est le premier mot qui effleure les lèvres d’Edna Epelbaum pour résumer 2020. «Tout a été difficile l’an dernier», poursuit la directrice de Cinevital SA, qui exploite six salles de cinéma à Bienne. «Nous étions très optimistes pour 2020, avec notamment le retour de James Bond sur les écrans, et après une très bonne année 2019», se souvient Edna Epelbaum.

Mais en mars, les espoirs ont été rapidement douchés, avec la fermeture des salles jusqu’au début du mois de juin, pour stopper la propagation du coronavirus. A l’été, qui n’est pourtant pas une très bonne saison pour le cinéma – le beau temps n’encourageant pas les spectateurs à se réfugier dans les salles – l’optimisme est revenu. «Psychologiquement, il était important pour nous de rouvrir les salles», assure la directrice de Cinevital. «Et le public est revenu.»

Le Covid absent du FFFH

La sortie du film «Tenet», de Christopher Nolan cet été, a aussi passablement aidé les exploitants de salles. «Le réalisateur nous a apporté un soutien bienvenu, en insistant pour sortir son film, sans attendre des jours meilleurs pour le cinéma», confie Edna Epelbaum. A Bienne, le pari a été réussi puisque le long-métrage se place en 3e position du classement des films les plus vus l’an dernier (voir encadré).

Ensuite, la tenue du Festival du film français d’Helvétie (FFFH) en septembre a laissé croire à un regain merveilleux pour les salles de cinéma. Les spectateurs sont revenus en nombre, malgré des mesures sanitaires strictes, dépassant les espérances des organisateurs. «Nous avons très bien géré ce festival et aucun cas de Covid-19 n’a été déclaré. Nous n’avons pas dû fournir une liste des contacts au canton de Berne», promet Edna Epelbaum.

En outre, assurer une programmation variée malgré l’annulation de grands festivals de films, et faire venir des grands noms du cinéma francophone à Bienne relevaient de l’exploit. «Nous avons ardemment travaillé pour que ce festival ait lieu, et nous pouvons en être plus que contents», se félicite la directrice de Cinevital, également directrice de la programmation du FFFH.

«Contre la culture»

En revanche, la nouvelle fermeture des cinémas en octobre a été beaucoup plus difficile à digérer pour Edna Epelbaum et son entreprise familiale, propriétaire également des salles à Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Delémont et Berne. «Le canton de Berne a été le premier canton alémanique à fermer ses cinémas, alors que les restaurants et les bars restaient ouverts, malgré des clusters dans ces lieux. C’était clairement un coup porté contre la culture», s’agace-t-elle. «Dans ces conditions, il était fatigant et démotivant de travailler, alors que nous nous battons pour offrir une riche vie culturelle aux habitants, et des centres-villes animés», poursuit Edna Epelbaum.

Si l’exploitante biennoise, aussi présidente de l’Association cinématographique suisse, s’agace contre son pays et ses citoyens qui «s’intéressent plus à l’argent qu’à la culture», elle se dit toutefois satisfaite du message envoyé aux politiciens suisses. «Nous avons pu obtenir des aides financières de la part de la Confédération et des cantons, qui ont pris conscience qu’on ne pouvait pas laisser mourir la culture», se réjouit Edna Epelbaum, tout en espérant que ces soutiens, en mots et en actes, se poursuivent encore.

En outre, la réduction de l’horaire de travail (RHT) a «beaucoup aidé» les exploitants. «Nous n’avons pas mis le personnel en RHT à 100%, mais cela nous a permis d’éviter des licenciements. Et il est important de pouvoir garder notre structure, pour le jour où nous pourrons rouvrir», détaille Edna Epelbaum.

Sans date de réouverture précise – au mieux, début mars –, il est difficile dans ces conditions de voir l’avenir dans les salles de cinéma. «Nous espérons en tout cas une réouverture des cinémas rapide et à l’échelle nationale. Il est important que la vie culturelle reprenne rapidement», défend Edna Epelbaum.

Retour dans le futur

Du côté de la programmation, la directrice de Cinevital ne peut rien dire, «car les dates de sortie n’arrêtent pas de changer». Une chose est sûre:«Nous aurons un programme diversifié», promet Edna Epelbaum. Et les bons de solidarité, offrant une place à 8 francs, «et deux heures de repos aux personnes qui ont financièrement souffert ces derniers mois», seront toujours valables lors de la réouverture, voire au-delà de la crise du Covid, espère Edna Epelbaum.

Enfin, le streaming, amplement consommé ces derniers mois, n’inquiète pas l’exploitante. «Je suis persuadée que les Biennois reviendront au cinéma, car les salles offrent une ambiance sociale qu’on ne retrouve pas sur son smartphone.» Consciente toutefois des nouveaux modes de consommation, Cinevital réfléchit à proposer d’autres types d’événements, comme des séances privées, d’autres avec des jeux, etc. «Si ces projets nous permettent de survivre financièrement, le cœur de notre entreprise demeure la projection d’un film dans une salle de cinéma», conclut-elle.

Le cinéma suisse à l’honneur

Malgré la fermeture des cinémas Lido, Rex, Apollo et Beluga, exploités par Cinevital, durant la majeure partie de l’année 2020, certains films ont pu s’offrir de belles places au classement biennois. Sorti en Suisse alémanique au début de l’année, «Les enfants du Platzspitz», du réalisateur suisse Pierre Monnard, arrive en première place des films les plus vus. Projeté à la même période, «1917», de Sam Mendes, s’offre la deuxième position, devant «Tenet» de Christopher Nolan. «Le succès de ‹Tenet› est assez surprenant, car ce n’est pas un film facile ou pour les familles», commente Edna Epelbaum, la directrice de Cinevital. «Il est en plus sorti en plein été, mais il est resté à l’affiche 10 semaines.» Du côté du cinéma français, «Le meilleur reste à venir», réalisé par Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, avec Fabrice Luchini et Patrick Bruel, a été le plus plébiscité par le public biennois. Le très controversé «J’accuse», de Roman Polanski, avec notamment Jean Dujardin, a également «très bien marché» à Bienne, d’après Edna Epelbaum.

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