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Baselworld 2016

«Notre fonction est d’habiller le temps»

Le rendez-vous mondial de l’horlogerie et de la bijouterie s’ouvre aujourd’hui dans un contexte économique morose. Cela n’empêche toutefois pas les organisateurs de rester optimistes pour l’événement incontournable de la branche.

Hier, les exposants mettaient la dernière main à leurs vitrines avant l’ouverture officielle, aujourd’hui. Keystone

De Bâle

Philippe Oudot

Dès aujourd’hui et jusqu’à jeudi prochain, la cité rhénane se transforme à nouveau en capitale mondiale de l’horlogerie et de la bijouterie. Huit jours durant, quelque 150000 visiteurs, principalement professionnels, vont venir y découvrir les nouveautés que présentent cette année les 1500 exposants, dont 304 suisses.

Hier, à l’occasion de la conférence de presse précédant l’ouverture, la directrice de Baselworld Sylvie Ritter a admis que l’événement attendu par toute la branche ne s’ouvrait pas sous les meilleurs auspices: franc fort, ralentissement de l’économie chinoise, tensions au Moyen-Orient, faiblesse du rouble et terrorisme ont jeté la confusion et affectent toute l’économie.

Elle n’a pas caché que Baselworld avait ressenti cette incertitude chez nombre d’exposants, surtout des PME qui sont moins armées que les plus grands pour faire face à la baisse des ventes. «Le contexte est certes incertain, il ne faut pas nier la réalité. Mais il faut rester optimiste et construire l’avenir en allant résolument de l’avant!»

Centre névralgique

Pour la patronne du salon, «Baselworld reste en effet un moment crucial dans le calendrier de la branche, et chaque édition est attendue avec impatience». Et si ce rendez-vous est incontournable, c’est parce que Baselworld devient «le centre névralgique pour l’industrie mondiale de l’horlogerie et de la bijouterie» et que c’est là que sont dévoilées les dernières nouveautés et les tendances qui s’imposeront ces 12prochains mois.

Malgré les incertitudes actuelles, Sylvie Ritter a assuré que Baselworld allait continuer à investir, accroître encore la qualité et l’attractivité de ce salon pour renforcer son rôle de leader et offrir à ses exposants les meilleures conditions pour y faire leurs affaires.

100e anniversaire

CEO de MCH Group qui accueille la manifestation, René Kamm a quant à lui souligné que cette année 2016 était particulière, car c’est le 100e anniversaire du tout premier salon, «la Muba, conçue à l’époque pour stimuler l’économie suisse». Que de chemin parcouru depuis la petite exposition de montres et bijoux qui avait accueilli à l’époque 28 marques suisses au sein de la Muba et qui, aujourd’hui, est devenue la plus importante plateforme de l’horlogerie et de la bijouterie au niveau mondial!

Nouveau président du comité des exposants de Baselworld, Eric Bertrand a d’abord rendu hommage à son prédécesseur Jacques Duchêne décédé l’an dernier et «qui, durant 20 ans, a personnifié Baselworld». Fin connaisseur du secteur – il a travaillé dans le commerce de diamants, a dirigé une grande enseigne de la place Vendôme, à Paris et a occupé diverses fonctions chez Rolex –, Eric Bertrand siège au comité des exposants depuis 15 ans.

Hier, il a rappelé que si l’horlogerie traversait une phase plus difficile, «elle a toujours su rebondir plus loin et plus haut». Et pour pouvoir offrir des conditions optimales à ses exposants, Baselworld a fait le choix d’en réduire le nombre, qui a passé de 2000 en 2010 à 1500 aujourd’hui. Eric Bertrand a assuré que ce salon continuerait d’accueillir grandes et petites marques, «pour peu qu’elles soient représentatives et innovantes».

Pas de panique

De son côté, François Thiébaud, patron de Tissot et président du comité des exposants suisses, a tout d’abord rappelé que «notre fonction à nous, horlogers, c’est d’habiller le temps». Et si l’heure n’est pas à l’euphorie, il s’est refusé à parler de crise. Tout au plus pourrait-on parler de «crise de confiance, car à force d’entendre parler de mauvaises nouvelles, les détaillants veulent d’abord écouler leurs stocks et n’achètent plus. Mais pas le consommateur final!»

François Thiébaud a surtout commenté les résultats des exportations horlogères, qui ont reculé de 3,3% l’an dernier en valeur, et de 1,6% en volume. Un recul dû notamment à l’effet du franc fort et qu’il faut relativiser, a-t-il insisté. D’abord, parce que cette baisse est plus modeste que dans d’autres branches: l’hôtellerie (-6,8%), la machine-outils (-6,9%) ou les arts graphiques (10,8%).

Ensuite, parce que ce repli reste mesuré lorsqu’on le compare à la très forte croissance des exportations horlogères qui ont bondi de 62,9% depuis 2009, passant de 13,2 à 21,5 milliards de francs l’an dernier.

Et de rappeler que ce sont surtout les montres mécaniques qui ont assuré cette progression: leur valeur a quasiment doublé depuis 2009, passant de 8,7 à 16 milliards en 2015, alors que dans le même temps, les exportations de montres à quartz sont restées assez stables, passant de 3,5 à un peu moins de 4 milliards.

François Thiébaud a aussi rappelé l’importance des montres de luxe en termes de valeur: elles représentent 66% des exportations, alors qu’en nombre de pièces, elles ne pèsent que 6%.

Plongée boursière

Par ailleurs, le président des exposants suisses a souligné que le climat de consommation avait été marqué par plusieurs événements l’an dernier. En Chine, beaucoup de petits épargnants, qui avaient investi leurs économies en bourse, ont perdu des plumes en raison de la plongée de la Bourse chinoise, ce qui a freiné leur envie d’achat. Et en Europe, les attentats de Paris ont anesthésié le tourisme d’achat, les tours opérateurs annulant jusqu’à 80% de leurs voyages, sur Paris notamment.

Pas étonnant que les ventes aient marqué le pas à la fin de l’an dernier et en début de cette année, les exportations reculant de 7,9% en janvier. François Thiébaud s’est néanmoins voulu optimiste et a estimé qu’après un premier trimestre qui sera sans doute difficile, la situation devrait s’améliorer. Il a même dit s’attendre à voir les exportations augmenter cette année, entre 2 et 5%.

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