Vous êtes ici

Abo

Swatch Group

Toujours à la pointe de l’innovation

L’assemblée générale ordinaire du numéro un mondial de l’horlogerie s’est déroulée hier comme sur des roulettes à Granges. Les actionnaires restent pleinement confiants, malgré un recul du chiffre d’affaires et du bénéfice.

Les actionnaires tiennent visiblement au maintien du vote à main levée: ils ont largement rejeté la proposition de vote électronique. Peter Samuel Jaggi
  • Vidéo
  • Audio

Philippe Oudot

La légendaire ponctualité des CFF n’est plus ce qu’elle était: c’est ce qu’a constaté hier Nayla Hayek, présidente du conseil d’administration du Swatch Group, à l’heure l’ouvrir l’assemblée générale ordinaire du numéro un mondial de l’horlogerie. «On nous a annoncé que les trains en provenance de Zurich avaient une heure de retard!»

D’où des rangs plus clairsemés qu’à l’accoutumée durant les premières minutes dans le Vélodrome de Granges qui accueillait la manifestation. Après l’arrivée des retardataires, l’assemblée s’est finalement tenue en présence de 3275 actionnaires.

La présidente a centré son discours sur la capacité d’innovation du groupe, soulignant que l’an dernier, «nous avons déposé près de 200 brevets – un nombre record». Mais si les brevets sont importants, «ce qui l’est plus encore, c’est qu’ils nous permettent de fabriquer des produits ici en Suisse, et quels produits!»

Elle a pris l’exemple du brevet CH638073, déposé par ETAen 1981. Une référence apparemment banale, mais qui est l’une des plus importantes patentes du Swatch Group. «Ce qui se cache derrière cette référence, c’est le mécanisme de commande pour montre à affichage analogique de la Swatch, qui a redonné espoir à l’industrie horlogère suisse et lui a insufflé une nouvelle vie!»

De Breguet à la T-Touch
Mais les brevets qui protègent la fameuse montre en plastique ne sont qu’un exemple parmi les 1800 familles de brevets qui protègent les inventions du géant horloger. Les premiers remontent au tout début du 19e siècle, avec Louis-Abraham Breguet, «l’un des plus grands inventeurs de l’industrie horlogère, si ce n’est le plus grand, dont le plus grand chef-d’œuvre est le tourbillon». Un dispositif pour lequel il obtint un brevet le 26 juin 1801, a rappelé la présidente.

Et de rappeler que les patentes du Swatch Group couvrent une foule de domaines, des composants en silicium au sertissage de pierres précieuses dans la glace saphir en passant par le mouvement totalement amagnétique d’Omega, le cadran de la T-Solar ou les alliages spéciaux pour les ressorts de barillet développés par Nivarox-Far.

Comme l’a encore souligné Nayla Hayek, tous ces brevets sont le fruit des efforts que le Swatch Group déploie en matière de recherche et d’innovation, qui lui permettent d’assurer son avenir en continuant de fabriquer ses produits en Suisse. En effet, a-t-elle relevé, «la plus importante valeur ajoutée d’une société se déploie surtout à l’endroit où recherche, développement et production œuvrent main dans la main».

Dans ce contexte, la présidente a assuré que, «comme par le passé, la réduction du personnel en temps de crise n’est pas à l’ordre du jour chez nous, alors que ça l’est chez certains concurrents. Nous sommes une famille et resserrons les rangs dans les moments difficiles».

Leader dans la miniaturisation
À l’heure où les innovations technologiques se multiplient toujours plus vite, la maîtrise de leur consommation énergétique joue un rôle toujours crucial. Et dans ce domaine, le Swatch Group occupe une position de leader, a affirmé le CEO Nick Hayek, grâce à ses compétences en matière de miniaturisation et à son savoir-faire en matière de microtechnique et de microélectronique.

Pour illustrer son propos, il a l’exemple de l’énergie fournie par une goutte d’eau qui coule d’un robinet. «La faible énergie qu’elle dégage correspond à celle dont une montre a besoin pour fonctionner durant 10 minutes», a-t-il indiqué.

En matière de microélectronique, le Swatch Group fait partie des leaders mondiaux, a-t-il poursuivi – et pas seulement pour le secteur horloger. Lors de sa récente visite en Allemagne, le président Obama a visité en compagnie de la chancelière Angela Merkel une usine d’ABB, qui fabrique un boîtier digital révolutionnaire. «Eh bien, celui-ci contient beaucoup de savoir-faire et de technologies développées par le Swatch Group!», s’est-il réjoui.

Et dans le domaine de la consommation énergétique, Nick Hayek a annoncé que la fabrique de piles Renata s’apprêtait à mettre sur le marché une batterie de nouvelle génération plus légère, plus écologique, qui offre une augmentation de rendement d’un tiers. De quoi affirmer haut et fort que «nous sommes la Silicon Valley de la microtechnique et de la microélectronique!»

Et de révéler que dans le domaine des batteries autonomes de longue durée, le Swatch Group allait signer tout prochainement un contrat avec un grand nom de l’industrie automobile.

La faute du franc fort

RECUL Directeur des finances, Thierry Kenel a présenté les grandes lignes des résultats financiers. Pour la première fois depuis 2009, le chiffre d’affaires a reculé de 3%, à 8,451 milliards de francs. Corrigé des effets de change, le recul n’aurait été que de 0,9%. Exprimé en euros, le chiffre d’affaires aurait même progressé de 10,3%. En fait, a relevé Thierry Kenel, la surévaluation du franc pénalise lourdement les résultats du groupe: depuis 2010, le manque d’encaissement dû aux pertes de conversion s’est élevé à quatre milliards, ce qui correspond à six mois de chiffre d’affaires.

TROIS TIERS Le résultat opérationnel s’est élevé à 1,451 milliard(-17,2%), alors que bénéfice net a reculé de 21%, à 1,119milliard. S’agissant des principaux marchés, ils se répartissent à raison d’un tiers pour l’Europe (y compris la Suisse), un tiers pour la Grande Chine (Chine continentale, Hong Kong, Taïwan et Macao), le solde se répartissant essentiellement entre le reste de l’Asie, le Moyen-Orient et l’Amérique. Si les ventes ont reculé de 3% dans le secteur principal des montres et bijoux, la baisse est moindre (-1,4%)dans celui des systèmes électroniques, et cela malgré la forte concurrence dans le segment des biens de consommation et des objets connectés.

INVESTISSEMENTS Comme l’a souligné Thierry Kenel, en dépit d’une année plus difficile, le Swatch Group a continué d’investir autant que ces dernières années: pas moins de 727 millions, dont 317 mios sous forme de machines et d’équipements techniques. A titre d’exemples, il a cité la nouvelle salle blanche de Nivarox-Far, le centre pour ses apprentis à La Chaux-de-Fonds, ainsi qu’une centaine de nouvelles boutiques dans le monde.

À quand enfin le vote électronique?

MAIN LEVÉE La question du vote électronique s’est invitée lors des débats sur le rapport annuel. Pour la première fois cette année, les actionnaires avaient reçu à l’entrée un boîtier pour le vote électronique. Toutefois, comme à l’accoutumée, la présidente Nayla Hayek a proposé de maintenir le mode de votation habituel, à main levée, «comme dans une Landsgemeinde». Un actionnaire s’est dit pour le moins étonné de voir le Swatch Group, qui revendique fièrement les technologies qu’il fabrique, vouloir s’en tenir à ce mode de vote à l’ancienne. Ases yeux, vu que l’appareil a été distribué aux actionnaires, «il serait stupide de ne pas s’en servir, car nous avons le droit d’avoir des résultats plus précis qu’un vote à main levée». Et d’ajouter, d’une part, que toutes les sociétés cotées en Bourse proposent le vote électronique et, d’autre part, qu’on ne peut comparer une assemblée des actionnaires à une Landsgemeinde. Tout en soulignant que les votes à main levée comportaient un caractère émotionnel et étaient une tradition au sein du Swatch Group, Nayla Hayek a néanmoins soumis la proposition au vote. Avec un résultat sans appel:67% des votants ont soutenu le vote à main levée.

SWISSNESS Interpellé à propos des conséquences de l’introduction du Swissness dans la législation suisse, Nick Hayek a souligné que cet instrument allait permettre de renforcer la confiance des consommateurs dans le Swiss made «qui, partout dans le monde, est synonyme de qualité, de fiabilité et de précision». Rappelant que le Swatch Group avait toujours soutenu le renforcement des critères, il a souligné que c’était parfaitement possible, même pour l’entrée de gamme, en témoigne la Swatch, «produite à 95% en Suisse». Et si, en raison du franc fort, la tentation de produire ailleurs augmente, il a mis en garde contre cet appel, soulignant que pour l’horlogerie, «agir ainsi serait scier la branche sur laquelle elle est assise».

POLITIQUE DE PRIX RAISONNABLE Un actionnaire a demandé pourquoi le Swatch Group avait une politique de prix aussi restrictive à long terme, et n’adaptait pas ses prix. Contrairement à d’autres, a expliqué le CEO, le géant horloger n’a pas pour politique de maximiser son chiffre d’affaires en effectuant des corrections de prix pour faire face aux fluctuations des taux de change. «C’est une politique dangereuse, car on risque de perdre des parts de marché», a-t-il souligné. Et la présidente d’ajouter que les adaptations de prix, à la hausse comme à la baisse, sont contre-productifs: «Prenez un client qui achète une Omega et qui, quelque temps plus tard, découvre que le prix de sa montre a baissé de 10%.Le résultat, c’est qu’il sera forcément en colère contre la marque!» £ pho

Articles correspondant: Economie »