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Enquête

Le FBI a «craqué» l’iPhone, sans Apple

L’iPhone du tueur de San Bernardino n’a pas résisté longtemps aux agents fédéraux qui ont finalement accédé à son contenu. La firme de Cupertino aimerait bien savoir comment.

Malgré une série de maladresses, le FBI a finalement pu accéder à l’iPhone d’un terroriste sans Apple, mais avec une mystérieuse aide extérieure. Keystone

Washington
Pierre-Yves Dugua

Le Figaro

Les mystérieux pirates informatiques qui ont approché le FBI la semaine dernière ont tenu leur promesse. La police fédérale américaine a annoncé lundi avoir réussi à accéder au contenu de l’iPhone utilisé par l’un des responsables de l’attentat de San Bernardino (Californie) grâce à une aide extérieure.

Ce succès lui permet de poursuivre son enquête sur les contacts qu’avait eus Syed Rizwan Farook, terroriste islamique, avant d’abattre 14 de ses collègues de bureau et d’en blesser 22 autres en décembre dernier.

Cette annonce vient conclure le conflit qui a opposé pendant un mois le FBI et Apple, fabricant du smartphone de Rizwan Farook. Le groupe américain faisait l’objet d’une injonction d’une juge fédérale, qui lui réclamait de collaborer avec les autorités.

Les données des iPhone sont en effet chiffrées, c’est-à-dire illisibles à toute personne ne possédant par le code de déverrouillage de l’appareil. Apple a bien pris soin de ne pas stocker les codes de ses utilisateurs sur ses serveurs, afin de ne pas être forcé à les céder à la justice. En outre, les iPhone sont également protégés par une fonctionnalité de sécurité supplémentaire (et facultative), qui efface toutes les informations personnelles si l’on y entre plus de dix codes erronés.

La juge réclamait donc à Apple un outil permettant d’accéder aux données chiffrées sans passer par l’entrée d’un code. Mais l’entreprise américaine a estimé que les autorités américaines outrepassaient leurs prérogatives en lui réclamant un droit d’accès à un iPhone. D’après elle, cela équivaudrait à créer une clé passe-partout, capable ensuite de forcer l’entrée de n’importe quel autre téléphone de sa marque.

Lundi, le FBI a finalement demandé la levée de cette injonction. Avec un certain sens de l’ironie, Apple s’est félicité de la nouvelle.

«Depuis le début nous avons refusé l’exigence du FBI consistant à demander à Apple de créer une porte dérobée pour pénétrer dans l’iPhone parce que nous pensions que c’était mal et que cela créerait un dangereux précédent… Du fait de l’abandon de la poursuite par le gouvernement, rien de cela ne s’est produit. Ces poursuites judiciaires n’auraient jamais dû être engagées», a affirmé la société californienne dans un communiqué.

Pour autant cette affaire, qui a permis de fédérer dans le camp d’Apple tous les géants de la haute technologie comme Google, Microsoft et Facebook, n’est pas terminée.

La question de l’inviolabilité des smartphones reste posée: les procureurs américains sont outrés que depuis septembre 2014 les terroristes et délinquants de toutes sortes, détenteurs d’iPhone, puissent communiquer sans craindre que leur téléphone, une fois saisi, puisse être exploité pour les incriminer.

C’est en effet à cette date qu’Apple a distribué un système d’exploitation, iOS 8, qui chiffre par défaut le contenu de ses smartphones.La levée des poursuites contre Apple laisse sans réponse le grand débat opposant le principe de la protection de la vie privée à celui du droit de l’État à enquêter pour combattre le terrorisme. Mais elle pose aussi un problème à Apple: l’entreprise demande désormais au FBI de lui expliquer comment l’iPhone de Syed Rizwan Farook a pu être déverrouillé.

Naturellement le FBI ne veut pas divulguer la méthode que lui ont fournie de mystérieux hackers. On sait simplement que ces derniers ne travaillent pas pour une agence gouvernementale. La police fédérale veut garder secrète la technologie qui lui a permis de prendre le contrôle d’un iPhone et qui pourrait être utilisée pour tous les autres.

De son côté, Apple aimerait bien la connaître afin de la combler lors de la prochaine mise à jour de son iOS. Le groupe américain, lui, a promis qu’il continuerait à «augmenter la sécurité de (ses) produits, car les attaques et les menaces qui pèsent sur (ses) données sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus sophistiquées».

Le FBI est allé très loin dans le cadre de sa procédure judiciaire, accusant par exemple Apple de faire de son refus de coopérer avec lui une méthode de marketing. «Cela reste une priorité pour le gouvernement de garantir que la police et la justice puissent obtenir des informations numériques cruciales pour protéger la sécurité nationale… nous continuerons d’user de toutes les options pour cette mission, y compris la recherche de la coopération des fabricants et l’appui de la créativité des secteurs publics et privés», a déclaré une porte-parole du département de la Justice. Ces options comprennent le recours système judiciaire, «lorsque la coopération échoue».

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