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Agriculture

2016, «année de foin, année de rien»

Nous ne sommes pas encore à la fin de l’été, quelques pommes doivent encore être récoltées et les vendanges n’auront lieu qu’au début du mois d’octobre. Mais il n’est pas trop tôt pour tirer un bilan des différents domaines agricoles

Le printemps a été particulièrement pluvieux, ce qui a retardé la sortie du bétail. Et l’a contraint à chercher des coins à l’abri des intempéries. Keystone

Dan Steiner

Tous les corps de métiers actifs dans l’agriculture –«l’ensemble des activités développées par l’homme, dans un milieu socio-économique donné, pour obtenir les produits végétaux et animaux qui lui sont utiles», selon Larousse– n’ont pas encore tiré de bilan définitif de leur millésime2016. Il n’est toutefois pas trop tôt pour s’enquérir auprès des agriculteurs, maraîchers ou encore vignerons si cette année augure des récoltes suffisantes à l’économie de leur branche. Et de qualité.

De concert, les professionnels questionnés parviennent toutefois à une conclusion unanime: 2016 ne sera pas une catastrophe, mais sera à n’en pas douter une année spéciale. «En avril, nous avons connu une belle floraison», indique Victor Egger, responsable de la section arboriculture au sein de la Fondation rurale interjurassienne (FRI). «Beaucoup de pluies sont ensuite tombées en mai et juin. Par contre, les deux derniers mois sont très secs», déplore l’horticulteur et ingénieur en protection de l’environnement. Le monde (idéal) à l’envers, en quelque sorte.

Tour d’horizon plus détaillé des différents domaines agricoles aux implications directes dans et pour le Jura bernois.

MALADIE A cause du printemps humide, les maladies fongiques ont proliféré. Comme le mildiou, qui s’est attaqué aux vignes ou aux tomates.

Agriculture
Le constat a été avancé ci-dessus et l’agriculture, pour sa partie céréalière et bovine, ne déroge pas à la «règle 2016». «Le printemps a été ‹mouillé› et le bétail n’a pas pu être lâché assez vite», regrette le Courtisan Bernard Leuenberger, le président de la Chambre d’agriculture du Jura bernois. Résultat, des récoltes de céréales fourragères et panifiables tardives, parfois malades à cause de l’humidité.
Si les quantités seront conformes aux normes, la qualité ne sera pas au rendez-vous. «Le rendement sera moins bon que les dernières années, car le poids à l’hectolitre sera réduit.» Environ d’un tiers. Et qui dit temps pluvieux, dit plus de foin. Mais «année de foin, an£née de rien», conclut Bernard Leuenberger, citant le vieil adage paysan.

Arboriculture
Principal problème des abondantes précipitations printanières, le vol des insectes. Malgré une floraison abondante, ces derniers n’ont pas bénéficié des conditions météo adéquates pour la fécondation des fruits, explique Victor Egger.
Mais les arboriculteurs fruitiers ont également connu d’autres difficultés. Les fruits à pépins, comme les pommes, ont été les victimes des maladies fongiques, comme la tavelure. La mouche suzukii (voir encadré) a également fait des dégâts. L’été sec a lui engendré un déficit d’eau chez les pommiers qui ont «lâché» leurs fruits, devenus trop lourds.
Evoquant l’alternance entre les années pour certaines cultures, comme les damassons par exemple, Victor Egger estime que 2016 ne devrait pas être trop mauvaise, malgré tout. «Pour les pommes, il reste un mois pour que quelques ondées occasionnent de bonnes récoltes cet automne.» Ce ne sera par contre assurément pas une année à cerises...

PÉNURIE Mauvaise année pour les cultures de pommes de terre. Les grandes entreprises du secteur ont même dû les importer pour leur chips.

Maraîchage
Ni vraiment une à persil, il faut dire. «En juillet, nous avons dû l’importer d’Italie et les épinards des Pays-Bas. C’était du jamais vu», avoue Patrick Feuz, commerçant et négociant en fruits t légumes. Il précise que les légumes en terre, à cause des pluies tombées dans le Seeland ou le Chablais, sont restés dans l’eau trop longtemps. Sans parler des tracteurs, empêchés d’évoluer dans ce sol trop meuble. Carottes, pommes de terre nouvelles, oignons ou céleris-raves ont donc fait trempette un peu trop longtemps ce printemps.
«Pour les salades, il est vrai que c’était la catastrophe. Nous avons connu des hauts et des bas, mais l’un dans l’autre, nous sommes dans la cible», tempère pour sa part Manuel Chalverat. Le responsable de l’exploitation des cultures spéciales à la FRI observe par contre que le printemps pluvieux a empêché les attaques de pucerons. Un mal pour un bien, parfois.

Viticulture
Les viticulteurs seelandais ont, eux par contre, à cause de la météo, quelques jours de retard sur le timing habituel, calculé sur les dix dernières années. Rien avoir toutefois avec le millésime 2015. «Les vendanges étaient les plus précoces que j’ai connues depuis 30ans que je suis dans le métier», raconte Beat Giauque. L’encaveur de Cerlier – il possède 2,5ha– et ses homologues avaient bouclé l’affaire à la mi-septembre déjà. «Cette année, ce ne sera pas avant le 5octobre», estime l’un des membres de la Fédérations des vignerons du lac de Bienne.
Il y a cinq à six semaines, Beat Giauque a dû faire face à la pression du mildiou. Heureusement, peu de gel ce printemps lui permet d’anticiper des bonnes récoltes. Au niveau de la quantité. Pour la qualité, il faudra attendre.
Son seul souci réside encore dans les attaques des fameuses drosophiles suzukii, contre qui aucun traitement fiable n’existe à l’heure actuelle. Au moins, la grêle ne devrait pas tomber cette année, si tard en été. Déjà un risque en moins.

Floriculture
Du côté des fleurs, pour finir, le constat ne varie pas d’un iota. Il aurait en effet été étonnant que la pluviométrie printanière haute et estivale faible eût été bénéfique pour la floriculture. «Il est vrai que cette année a été un peu plus difficile», concède Heidi Binggeli, fleuriste à Saint-Imier. «Plus de pluie a engendré plus de maladies. Les fleurs coupées étaient donc moins jolies, plus petites.»
La responsable de La Clairière ajoute que l’hiver long que la région a connu a prétérité son activité. «La demande était moins forte et nous sommes directement passés aux fleurs d’été.» Peu de bouquets de printemps ont ainsi été confectionnés en 2016. Manuel Chalverat, de la FRI, abonde en déclarant que la Fondation a dû ouvrir deux semaines de plus que d’habitude. «Les fleurs ne faisaient envie à personne. Mais à 10% près, l’année a été correcte.» Sur l’ensemble des cultures de 2016 «plouf» devient donc «ouf».

SUZUKII Quand les drosophiles suzukii sont dans les parages, on peut s’attendre à ce que le ver soit dans le fruit...  Photos Keystone

 

Sournoises suzukii

L’ennemi est petit, presque invisible, mais il crée de gros dégâts. Découverte en Suisse en 2011, la mouche  suzukii a mis un an pour trouver le chemin du Jura bernois. Bien que le secteur agricole ne rechigne pas à avoir recours à la chimie pour traiter les cultures, celle-ci ne peut rien. Pour l’instant. «Il y en a bien qui existent», révèle le vigneron Beat Giauque. «Mais comme on ne sait pas encore comment il réagit, on ne l’utilise pas.»

«Un des grands dangers est qu’elle se multiplie de façon explosive», lit-on dans une newsletter spécialement consacrée à cette drosophile par l’Agroscope de la Confédération. Une fois les œufs pondus dans la chair d’un fruit, celui-ci pourrit. Des mesures –outre la rigueur de l’hiver– peuvent toutefois limiter les dégâts: ramasser les fruits (mûrs et sur le sol), installer des filets, éviter l’herbe haute ou encore refroidir les fruits après la récolte (3°C).

 

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