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Mondial

Bons baisers de Russie

De retour d’un reportage radio de la RTS, les Prévôtois Duja et Dimich font part de leurs observations sur les villes fréquentées par l’équipe de Suisse lors de la Coupe du monde de football.

Dimitri Vernier (à gauche) et Patrick Dujany devant le stade de Kaliningrad, construit sur un terrain marécageux. Photo: LDD

Par Laurent Meier

Subjugué par l’extraordinaire voyage accompli avec son camarade Dimitri Vernier, Duja a livré à la RTS l’équivalent de deux semaines de reportages, sous le titre de «Zapoï!» diffusés à la place de l’émission «Bille en tête» entre 9h30 et 10h chaque jour sur RTS La Première jusqu’au 29 juin. On se souvient encore des pitreries des junkies hilarants qu’étaient Roro et Fufu, à l’antenne de Couleur 3 dans la première moitié des années 2000. 

Une émission radio
Le reportage radio «Zapoï!» a conduit le duo à se reformer l’espace d’un périple de dix jours à travers la Russie, spécialement dans les villes où l’équipe de Suisse évolue. Une exploration transformatrice pour Duja, qui «fait totalement changer notre perception et la panoplie de clichés allant de pair avec ce pays si vaste.»

«Zapoï!» est un terme et une expression russe désignant l’excès d’alcool et l’abandon à la nuit et à l’aventure. «Comme de se retrouver en slip à Novossibirsk ou avec une chaussette à Irkoutsk, à des centaines de kilomètres du point de départ», explique Patrick Dujany, animateur à la RTS.

Branché libations nocturnes, goûtant aux festivités, l’animateur radio n’en a pas moins voulu jouer les explorateurs avec son ami d’enfance Dimitri Vernier, également de Moutier, ancien réalisateur à Couleur 3 puis journaliste à Canal 3, devenu restaurateur en Thaïlande. Dans la foulée de la Coupe du Monde en Russie, le duo a devancé l’équipe de Suisse en se rendant dans les villes où elle est amenée à jouer: Kaliningrad, Rostov, Nijni Novgorod et Moscou (Moscou si la Nati se qualifie plus loin). Un parcours extra-sportif à la rencontre des villes et de leurs habitants, de leur culture et de leur mode de vie. «Evidemment qu’en tant que fans de football, nous aurions beaucoup aimé vivre cette Coupe du Monde sur place, mais notre mandat consistait surtout à présenter les villes où joue l’équipe de Suisse. C’est une délégation du département des Sports de la RTS qui se charge de couvrir l’aspect footballistique», explique Dimitri Vernier.

Sous le charme
Duja est encore sous le charme: «J’y suis allé avec mon ressenti et ma subjectivité. J’ai éprouvé sur place énormément de choses. Ce fut une redécouverte de l’humanité au travers de l’âme russe. Il y a véritablement pour moi un avant et un après ce voyage. Je me sens différent.»

S’il dénombre volontiers les bars rock et metal de Nijni Novgorod, il se prend aussi à décrire Kaliningrad et ses marchés. «Des hypermarchés immenses couvrent l’étendue de la ville. Moi qui m’attendais à des files interminables pour un demi bout de saucisson et un sachet de farine, je me suis trompé. Il y a bien des queues dans les magasins ou au-devant des guichets – et il y a intérêt à s’y tenir – mais la richesse alimentaire est au bout. D’ailleurs, l’occasion nous a été donnée de manger divinement bien.»

En admiration devant la gastronomie, la beauté des femmes, le savoir-vivre russe, Duja et Dimitri Vernier le sont. Pour ce dernier, qui s’est rendu souvent en Russie et commence à la connaître, on se fait de fausses idées. «Evidemment, vu de Suisse, on a l’image d’un pays triste, moche, gris, dangereux, où l’on mange des patates à moitié cuites, et où il est interdit de s’amuser. Eh bien, c’est tout le contraire. Les villes et les paysages sont splendides, même si on ne peut pas faire de généralités, et que certaines cités industrielles sous la pluie au mois de février font évidemment moins rêver que la Polynésie. La nourriture est variée et délicieuse. On mange italien autant bien qu’en Italie, pareil pour les cuisines japonaises, indiennes ou thaïes. Les Russes ont un souci du détail, tant dans la présentation des assiettes que dans la décoration des restaurants. On est loin des cantines de l’époque soviétique. Ils ont su tourner la page, sans forcément faire table rase du passé.»

S’ils savent bien que leur pouvoir d’achat leur donne des entrées qui ne sont pas pour tous les Russes, Dimich et Duja rencontrent cependant des gens de différentes conditions sociales, tous gentils, avenants, plein d’humour, l’air libre, fier de leur pays et connaisseurs de la Suisse. «Nous savions bien que les villes seraient maquillées par les autorités, afin de montrer leur plus beau visage. Je ne suis sans doute pas allé dans les villes et les quartiers les plus pauvres et cela reste subjectif, mais il y a quand même des signaux. Des collègues m’ont dit que j’étais naïf, qu’ils m’avaient lavé le cerveau: la Russie est une dictature bourrée de misère sociale… Désolé… je ne peux pas le confirmer!»

Une «démocrature»
«Au bout de quatre villes, j’ai constaté qu’il n’y a pas de tristesse ou de malheur particulier chez les gens. Ni de signes visibles de dictature. Alors nous sommes-nous fait avoir? La majorité des gens sont cools. Comme ailleurs, il n’y a que quelques salopards qui gâchent le vivre-ensemble!», clame le révérend metal de l’émission Rhinoféroce, sur Couleur 3.

Pas dupe pour autant, Duja se dit conscient de l’étreinte du pouvoir en matière de liberté d’expression, «cet éteignoir qu’on écrase sur les opposants de toute nature» lui font dire que la Russie ressemble furieusement à ce qu’il appelle une «démocrature», entre démocratie et dictature.

D’après lui, les Russes ont gardé de bons réflexes collectifs, une âme, un état d’esprit solidaire, les quelques effets positifs d’années sous le communisme? Ce que confirme le russophile Dimitri Vernier: «Il y a le respect de l’autre, personne ne dépasse dans une file d’attente, par exemple. Les femmes s’habillent encore en femmes! Haut-talons, jupes courtes et maquillage sont totalement dans les mœurs, même pour sortir son chien ou aller acheter son pain le matin. Et aucun homme ne fera de remarque désobligeante si une femme est vêtue de la sorte, puisque c’est la norme. En Russie, il y a des femmes magnifiques, qui savent se mettre en valeur, et c’est aussi une des fiertés de ce pays. D’ailleurs, sans être forcément nationalistes, les Russes sont très patriotes et fiers de leur pays, de manière générale.»

Alors que retenir, en somme, de ces dix jours passés là-bas? Pour l’ancien technicien de la 3, dix jours, dix mois ou dix ans ne suffiront jamais à découvrir toutes les facettes de ce pays et de ses habitants. «J’ai pour ma part besoin régulièrement de ma dose de Russie. Une bonne partie de mon âme est en dépôt à Moscou, et je retournerai y vivre tôt ou tard, même si je sais pertinemment que je ne comprendrai jamais toutes les subtilités. ‹La Russie est un rébus entouré de mystère, placé à l’intérieur d’une énigme› comme le disait si justement Winston Churchill.»

Les deux Prévôtois avec Karl Marx. LDD

 

La première fois le nez dans le foot, c’était…
On a tous une anecdote, un souvenir lié au Mondial de foot. Duja se souvient de son premier album Panini en 1978, commencé dans la pizzeria de Las Vegas, à Moutier, que tenaient ses parents: «Je collais tout, n’importe où et de traviole. En 1982, j’ai pleuré pour la France de Platini en échec injuste contre les casques à boulons de Hrubesch. Cette édition marque mes premiers pas en tant que micro-trotteur. Mon papa, l’Oscar, m’avait offert un petit enregistreur Philips à touche rouge avec un micro en plastique tout pourri. Je suis allé au Centre italien Le Circolo à midi et la première réponse de ma carrière fut balancée par un client excédé. Vous pensez quoi du Mundial? Laisse-moi manger, j’ai faim, m’a-t-il répondu. Ça m’a coupé l’appétit du micro-trottoir durant un moment!»

Pour Dimich, les premiers souvenirs liés à une Coupe du Monde remontent au Mundial de 1982, en Espagne: «Les coups francs surpuissants du Brésilien Eder, les dribbles époustouflants de son coéquipier Zico, l’élégance de leur capitaine Socrates, et surtout la violente collision entre le portier allemand Schumacher et le français Battiston... La RFA, qui s’est inclinée en finale contre l’Italie de Zoff et Rossi, possédait d’ailleurs une superbe équipe, avec Breitner, Stielike, Littbarski, Matthäus, Hrubesch et Rummenigge, notamment.» Et Dimitri Vernier de poursuivre: «Mais l’événement le plus surréaliste reste la descente sur la pelouse du cheikh du Koweït lors de la rencontre de son pays face aux Bleus. Il avait réussi à convaincre l’arbitre d’annuler un but de Giresse parce que les défenseurs koweïtiens avaient été prétendument perturbés par un coup de sifflet venu des tribunes!»

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