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Vote communaliste

Cinq communes, 17% de la population

Le délai permettant de déposer une requête relative à un rattachement au Jura arrive à échéance aujourd’hui

Voici comment se présente la situation sur le front des votes communalistes, deux ans après le 24 novembre 2013. Othmar Wolf

Michael Bassin Catherine Bürki

Le 24 novembre 2013, par 71,8% des voix, le Jura bernois refusait l’idée de créer un nouveau canton avec le Jura. Le «non» l’emportait dans toutes les communes, hormis à Moutier (55,4% de «oui») et à Belprahon (50%).

Mais le processus décidé offrait à toutes les communes un délai de deux ans pour demander à voter individuellement quant à un rattachement au canton du Jura. Ce délai arrive à échéance aujourd’hui.

Quelles communes voteront?

A l’heure de rédiger notre article hier, cinq demandes de vote communaliste (sur 40 communes que compte dorénavant le Jura bernois) étaient parvenues auprès de la Chancellerie d’Etat du canton. Il s’agit de Moutier, Belprahon, Grandval, Crémines et Sorvilier. Les quatre dernières localités citées ne veulent toutefois voter que si Moutier s’en va dans le canton voisin.

Théoriquement, une population 9128 personnes (dont 7629 à Moutier) pourrait donc rejoindre le Jura. Ce qui représente 17% de la population totale du Jura bernois (53318 habitants à fin 2014).

Contacté hier, le vice-chancelier Michel Walthert nous a confirmé ne pas avoir reçu d’autres requêtes depuis la dernière en date, soit celle de Sorvilier déposée le 5 novembre. Rappelant que les communes ont eu un délai de deux ans, il indique ne pas spécialement s’attendre à recevoir d’autres requêtes aujourd’hui. «J’imagine que les communes intéressées n’auraient pas attendu la toute dernière minute pour se manifester.»

Quand voteront-elles?

Les autorités municipales de Moutier ont d’ores et déjà arrêté la date du 18 juin 2017 pour leur vote communaliste. Aucun jour de votation n’a encore été articulé pour les quatre autres communes. Elles ont toutefois formellement demandé à pouvoir se prononcer après la cité prévôtoise et seulement si cette dernière choisit de rejoindre le Jura.

Soulignons qu’il reviendra au Grand Conseil de dire s’il accepte ou non cette demande. Lors de la session de janvier, il sera en effet appelé à statuer sur le projet de loi ad hoc (LAJB). Chargé de définir les modalités précises relatives à l’organisation des votes communalistes, le projet qui sera soumis aux députés prévoit justement d’organiser un vote en deux temps.

«Le Conseil exécutif ainsi que la Commission des institutions politiques et des relations extérieures du Grand Conseil ont choisi de suivre le souhait des communes et de retenir la variante de vote en deux temps pour le projet de loi», rappelle MichelWalthert.

Et d’expliquer que «si le texte est accepté tel quel, la commune de Moutier devra organiser sa votation dans un délai d’une année après l’entrée en vigueur de la LAJB. Belprahon, Grandval, Crémines et Sorvilier devront pour leur part toutes voter le même jour et dans un délai de trois mois après la cité prévôtoise».

A noter encore que la question qui sera alors soumise au peuple prévôtois est déjà connue: «Voulez-vous que la commune de Moutier rejoigne la république et canton du Jura?»

En deux temps, vraiment?

Quand bien même le Gouvernement bernois et la Commission des institutions politiques et des relations extérieures soutiennent un vote en deux temps, le Grand Conseil pourrait très bien décider que toutes les communes se prononcent le même jour. Par contre, les questions ne seraient pas identiques à Moutier et dans les quatre autres communes. Pour celles-ci, il serait question d’un départ uniquement si Moutier devait rejoindre le Jura.

Ce principe de vote simultané a été plébiscité en juin dernier par le Grand Conseil lors du vote sur la motion Bühler-Daetwyler-von Kaenel. Et hier, en conférence de presse, l’UDC a précisé que Roland Benoit (qui succédera à Manfred Bühler au Grand Conseil) défendra bel et bien ce principe de vote en un temps lors de la session de janvier (voir cet article).

Les agrariens rappellent à ce titre que le Conseil fédéral a d’ailleurs affirmé, en réponse à une interpellation de Jean-Pierre Graber, qu’il ne voyait pas d’obstacle à un scrutin de ce type.

Notons que l’Exécutif prévôtois a, lui, d’ores et déjà prévenu qu’il était prêt à porter l’affaire devant le Tribunal fédéral si les modalités du vote lui disconviennent.

Le nombre de communes est-il définitif?

Si seules cinq communes ont choisi d’opter pour le vote communaliste, force est de constater que la question a été discutée, et parfois avec vigueur, dans plusieurs autres localités de la couronne prévôtoise.

Une pétition réclamant un vote a notamment émergé à Eschert et Perrefitte. Inquiets de se voir séparés de Moutier, les auteurs de la missive à Perrefitte ont notamment revendiqué qu’une possibilité de voter leur soit de nouveau offerte en cas de départ de la voisine prévôtoise.


Est-ce alors possible? «La Déclaration d’intention qu’ont signée les Gouvernements jurassien et bernois le 20 février 2012 est claire. Les communes qui souhaitent se prononcer sur leur appartenance cantonale avaient un délai de deux ans pour le faire. Le 24 novembre 2015 est donc la date fatidique, ça s’arrête là», tranche Michel Walthert.

Quant au fameux article 53 de la Constitution fédérale – lequel rend possible et règle la procédure dans le cas où un canton choisit d’ouvrir la porte pour permettre à une commune de changer d’appartenance cantonale –, il ne devrait selon lui n’être d’aucun secours. «Cet article n’entre pas en ligne de compte dans le cadre du processus communaliste, assure-t-il.

De plus, il n’en découle aucun droit pour les communes. Pour que cet article soit applicable, il faut que le canton accepte d’établir une nouvelle base légale.» Et de rappeler que le Conseil exécutif a déjà fait savoir – à l’occasion de sa réponse à une motion déposée par la députée PSA Irma Hirschi – qu’il ne voyait aucune raison d’établir une nouvelle disposition cantonale allant en ce sens.

A l’inverse toutefois, le vice-chancelier signale qu’il sera possible d’annuler une demande de vote. «Selon la LAJB, Moutier pourra retirer sa demande jusqu’à 12 semaines avant son vote. Les quatre autres communes auront, elles, jusqu’à quatre semaines avant le scrutin pour le faire.»

La question d’un retrait pourrait éventuellement se poser à Crémines, dont la majorité à l’exécutif – alors favorable à une demande de vote – a changé de camp depuis les élections du 15 novembre dernier. A voir, donc, ce qui se passera en 2016. Du côté des trois autres localités, un retournement de situation paraît peu probable.

Quelle sera la suite du processus?

Maintenant que le délai du 24novembre est échu, il conviendra d’attendre que le Grand Conseil se prononce sur la LAJB en janvier ou mars prochain (première et seconde lecture). Si la loi est acceptée – peu importe que soit retenue la variante du vote en deux temps ou simultané – il reviendra aux communes concernées et aux Gouvernements bernois et jurassiens de mettre en place les votations.

«Comme le prévoyait la feuille de route signée en février dernier, un expert neutre devra être nommé pour répondre à toute une série de questions. Son nom sera connu d’ici la fin de l’année», mentionne notamment le vice-chancelier.

Par la suite, si une ou plusieurs des cinq communes venaient à accepter son rattachement au canton du Jura, un concordat intercantonal devrait être élaboré pour régler les modalités du transfert et la modification du territoire cantonal. «A terme, le concordat devrait encore être soumis aux corps électoraux des deux cantons», précise Michel Walthert. «Enfin, si les votes communalistes étaient tous négatifs, la Question jurassienne serait considérée comme définitivement réglée», conclut le vice-chancelier.

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