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Bienne: littérature

«Je peux m’inventer une vie»

Maude Sollberger s’est classée 2e ex æquo au prix du Schlössli. Portrait d’une fille bien dans sa pensée

Maude Sollberger aime écrire, se lacer dans le cours de l’existence. Avec la vieillesse, elle aime ce sentiment de continuité. Yves-André Donzé

Yves-André Donzé

Contexte: Trois lauréats ont été primés dans le cadre du concours d’écriture lancé par le Centre pour malades chroniques du Schlössli et destiné aux étudiants du Gymnase français. Le Journal du Jura publie le portrait des trois étudiants qui se sont partagé les premières places, ainsi que leur texte respectif.

La vielle femme de  sa nouvelle ne sait pas depuis quand et pourquoi elle ne pense plus. Ce qui est sûr, c’est que Maude Sollberger, de Reconvilier, l’auteure qui a inventé cette dame prenant de l’âge, se dit presque  étonnée de son propre texte. «Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on pense moins», s’indigne un peu la gymnasienne. Elle a gagné récemment le 2e prix du Schlössli, ex æquo avec Estelle Prongué, sur le thème de la vieillesse.

Le rythme de vie

Maude Sollberger a 19 ans et la matu  en poche. Bonne chose de faite. C’était une matu en option «musique». Parce qu’elle est  aussi musicienne la bougresse. Et son talent de pianiste, comme celui d’écriture, elle ne le tient pas sous le boisseau. Peu importe qu’elle ait souffert en maths à la matu. Elle sait bien que la musique, c’est des maths aussi. Des structures génératives, comme disent les profs. Ce qu’elle a aimé de cette vie gymnasiale, c’est le rythme de vie. Avec la musique, le piano classique, c’était plutôt du ternaire, au gymnase, à l’Ecole de musique du Jura bernois (MJB), à l’Ecole de musique de Bienne (EMB).

Avec Maude, tout semble facile. Spontanée, elle a l’écoute aussi active que la parole. Genre philosophe qui veut aller voir le dedans des choses. «Ce qui m’intéresse quand je fais un travail d’écriture, c’est de voir comment on arrive à produire du sens.  J’écris en prose, parfois je tâte de la poésie. J’aime regarder les gens  autour de moi. J’essaie plusieurs styles. Avec l’écriture, je peux m’inventer une vie», convainc Maude Sollberger. Au point d’aller se l’inventer bientôt en France et en Roumanie, comme animatrice pour l’organisation chrétienne Internship Junior.

C’est ici qu’elle annonce qu’elle va poursuivre son travail d’exploration des mots à l’Institut littéraire de Bienne. Puis aller décrocher un master en littérature à l’université. Puis... Enfin, elle se déclare en confiance totale face à l’avenir.
Pour le travail de matu, elle s’est passionnée pour les grands thèmes. «Je voulais romancer des récits bibliques. Celui d’Esther, jeune orpheline juive, devenue reine de Perse, me semblait très inspirant. Cela parle de beaucoup de choses actuelles», s’allume Maude Sollberger à qui l’interprétation des grands textes sacrés ne fait pas peur.

Huis clos et souffrance

Maude Sollberger met simplement des mots de tous les jours à des personnages de portée quasi mythique. «Il y a tant de thèmes qu’on peut développer: la perte des parents; une ascension fulgurante de cette orpheline juive; une judaïté cachée; le fait de devenir femme de roi pour sa beauté; cette reine qui sauve son peuple en empêchant un massacre des juifs de l’Empire. Esther est une femme de caractère!», développe Maude Sollberger, toute absorbée par sa pensée.

Elle parle alors de cet autre grand thème qu’elle a développé, celui de Joseph, fils de Jacob, emprisonné en Egypte avec l’échanson et le panetier du pharaon. «Avec ce texte, j’aime ce huis clos, ces combats intérieurs, ce qui se passe dans la tête des prisonniers et, tout au fond, cette souffrance extrême», explique l’herméneute en herbe.

Elle ne s’en cache pas: «Le bonheur, je le vois en Dieu, dans la puissance d’un orage d’été», sourit-elle  avec une grâce naturelle, dans une position de captation sensible de ce qui l’entoure: «C’est vrai que j’apprécie placer un accent philosophique sur la vie dans mes textes. Il faut dire que la pensée est en constante évolution. En fait, quand on se met à écrire, on essaie de mettre des mots sur quelque chose. On n’y arrive pas toujours. Mais, ce qui est beau dans l’acte d’écrire, c’est le silence, on s’y investit beaucoup plus que par la parole», précise la jeune écrivaine, qui connaît la portée des petits intervalles.

Comme en musique? Maude Sollberger affirme ne pas avoir exploré trop de choses. Tout au plus Schubert et Beethoven. Pour avoir une idée de la perfection.

Pour Maude Sollberger, «toucher au thème de la vieillesse, c’est s’inviter dans une vie pleine d’expériences. Les vieux, ils ont fait des trucs fous,  ils se montrent curieux, ils s’adaptent. Ce qui me séduit dans l’idée de la vieillesse, c’est que l’on peut se projeter. J’aime ce sentiment de continuité.»

«J’ai hâte d’entrer à l’Institut. Je vai pouvoir échanger avec des écrivains confirmés, et surtout,  tester des nouveaux chemins d’écriture», se réjouit Maude Sollberger. Dans ses lectures, Sylvie Germain figure parmi ses préférées. Et si Romain Gary l’est aussi, c’est parce qu’elle a aussi la vie devant elle.

 

La nouvelle complète «Compartiment feutré», par Maude Sollberger en attache pdf de cet article

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