Vous êtes ici

Abo

Drame de Reconvilier

La «légende» mise en pièces

Le procureur s’est employé à montrer que la version livrée par le prévenu était impossible. Pour ce meurtre entaché de «barbarie», il requiert 15 ans de prison.

L’audience se poursuit aujourd’hui au Tribunal de Moutier avec la plaidoirie de l’avocat de la seconde partie plaignante, ainsi que celle du défenseur d’office du prévenu. Michael Bassin

Michael Bassin

Rebelote pour le deuxième jour d’audience: le prévenu a continué de répondre de manière laconique aux questions. Un exemple parmi d’autres? Cuisiné à propos de l’identité d’une femme avec qui il a échangé 889 messages (!), le trentenaire a dit ne plus vraiment se souvenir. Tout au plus a-t-il lâché du bout des lèvres qu’il s’agit d’une Kényane répondant au nom de Somme. Maigre, bien maigre.

A part ça, le prévenu a maintenu la version selon laquelle lui et la victime, «amoureux», avaient décidé de se suicider en ce 25 janvier 2017. Et qu’ils se sont mutuellement donné des coups de couteau. Une sorte d’épilogue à la Roméo et Juliette. Dans le même temps, l’accusé a reconnu avoir «perdu le contrôle». De quoi? Comment? Des d’interrogations qui resteront en suspens. Au grand dam de la famille de la victime.

Appel glaçant à la police

Le procureur, lui, avait beaucoup de choses à dire. Au cours d’un réquisitoire fouillé de 2h30, Raphaël Arn a marqué les esprits dès les premières secondes, en diffusant la bande-son d’un appel téléphonique. C’était celui de la belle-sœur de la victime appelant la police à l’aide. Quelques secondes glaçantes, puisque la femme s’est trouvée en liaison téléphonique avec l’appartement où se déroulait le meurtre. Selon le procureur, cet appel constitue un élément décisif du dossier, puisqu’il contribue à montrer qu’il ne s’agit en aucun cas d’une tentative de double suicide.

Le représentant du Ministère public s’est ensuite employé à expliquer en quoi la version du prévenu, issue de la reconstitution des faits, était totalement impossible. Il a montré les incohérences et les illogismes de cette «légende». Mais il a aussi démontré qu’elle ne peut coller avec des éléments factuels du dossier. La voix parfois tremblotante d’émotion, se basant sur les conclusions de l’Institut de médecine légale, Raphaël Arn a par exemple illustré, en rejouant la scène avec une stagiaire, pourquoi les coups de couteau ne pouvaient pas avoir été administrés à la victime selon les dires du Marines.

Pour le Ministère public, il est évident que le prévenu «a menti, qu’il a tenu moult versions impossibles et qu’il n’a jamais convenu de mourir avec la Kényane». A ses yeux, l’Américain a perdu le contrôle lorsqu’il a appris que cette dernière avait un autre amant. Alors qu’il la séquestrait, la perspective d’une intervention prochaine de la police a été l’élément déclencheur qui l’a fait disjoncter.

Etranglement barbare

Pour le procureur, il s’agit clairement d’un assassinat, dans la mesure où le prévenu a fait preuve d’un «mépris total» pour la vie humaine. Selon le Ministère public, l’Américain a tué «de manière gratuite», a fait preuve de «barbarie» en l’étranglant afin de la faire taire, et a ensuite modifié la scène de crime pour faire croire à un autre déroulement des faits. Raphaël Arn n’a, par contre, pas retenu la préméditation. Rappelons que, selon le Code pénal, il y a assassinat si le meurtre a été commis avec une absence particulière de scrupules, notamment si le mobile, le but ou la façon d’agir est particulièrement odieux.

Le procureur a requis 15 ans de prison pour assassinat et séquestration, une peine que le mari de la victime aurait espérée supérieure. En raison des troubles mis en exergue par l’expertise psychiatrique, il a par ailleurs demandé au tribunal d’ordonner une mesure institutionnelle afin de tenter de soigner le prévenu, si possible en milieu fermé. Enfin, il a constaté que tous les éléments sont réunis pour l’expulsion.

Il lui reproche sa lâcheté

Me Yves Reich, l’avocat du mari de la victime, a abondé en tout point avec ce réquisitoire. A un détail près. Selon lui, il ne s’agit pas d’une journée qui a mal tourné, mais plutôt d’une descente aux enfers de plusieurs mois. Il a dépeint une situation «d’emprise» où le prévenu, telle une araignée, a tissé sa toile dans laquelle la victime a fini par se faire prendre. Il a aussi reproché au prévenu d’avoir fait preuve de «lâcheté» en refusant d’expliquer comment les choses se sont vraiment passées et en refusant de porter seul la responsabilité de cette triste issue. Quant aux excuses formulées, elles ne sont, selon Me Reich, «qu’un exercice d’auto-apitoiement».

L’audience se poursuit aujourd’hui avec la plaidoirie de l’avocat des parents de la victime, ainsi que celle du défenseur d’office du prévenu.

Articles correspondant: Région »