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Esprits de clochers (2)

A l’amende pour les avoir sonnées

Où Chaindon s’impose comme le Gléresse de la vallée de Tavannes et même plus loin

  • 1/14 L’église de Chaindon dans un paysage de neige. Une histoire extraordinaire et un aménagement intérieur qui l’est tout autant. (Peter Samuel Jaggi)
  • 2/14 L’église de Chaindon dans un paysage de neige. Une histoire extraordinaire et un aménagement intérieur qui l’est tout autant. (Peter Samuel Jaggi)
  • 3/14 L’église de Chaindon dans un paysage de neige. Une histoire extraordinaire et un aménagement intérieur qui l’est tout autant. (Peter Samuel Jaggi)
  • 4/14 Gaston Girard, Alfred Schiess et Pierre-Alain Némitz (de gauche à droite): fiers de faire découvrir le riche aménagement intérieur, œuvre du peintre Philippe Robert. (Peter Samuel Jaggi)
  • 5/14 Elles n’indiquent pas l’heure, mais entrent en action lors de diverses cérémonies, les trois cloches. (Peter Samuel Jaggi)
  • 6/14 Elles n’indiquent pas l’heure, mais entrent en action lors de diverses cérémonies, les trois cloches. (Peter Samuel Jaggi)
  • 7/14 Elles n’indiquent pas l’heure, mais entrent en action lors de diverses cérémonies, les trois cloches. (Peter Samuel Jaggi)
  • 8/14 Un monument aux morts unique dans le Jura bernois. (Peter Samuel Jaggi)
  • 9/14 Un monument aux morts unique dans le Jura bernois. (Peter Samuel Jaggi)
  • 10/14 L’ancien cimetière: un jardin littéralement extraordinaire. (Peter Samuel Jaggi)
  • 11/14 L’ancien cimetière: un jardin littéralement extraordinaire. (Peter Samuel Jaggi)
  • 12/14 (Peter Samuel Jaggi)
  • 13/14 (Peter Samuel Jaggi)
  • 14/14 (Peter Samuel Jaggi)
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Pierre-Alain Brenzikofer

Indubitablement, c’est d’une des plus belles églises du Jura bernois dont il sera question ici. «On la qualifie de Gléresse de la vallée de Tavannes», rigolent les trois pèlerins qui feront pour nous office de guides. Allusion à un temple aux raffinements multiples fort prisé des mariés pour ses charmes tant extérieurs qu’intérieurs. On vous les décrits d’ailleurs ci-dessous.
Difficile, dans ce contexte, de n’évoquer que ses trois cloches, certes rassurantes et musicales à souhait, mais qui ne figurent sûrement pas en tête des particularismes du site. Pour nous les sonner – au propre, on vous rassure –, trois érudits. Trois passionnés, aussi, qui n’en finissent pas de fouiller l’histoire riche en rebondissements du lieu. Série oblige, toutefois, on anglera sur les cloches.
Mais il est grand temps de présenter nos trois sonneurs. Gaston Girard, tout d’abord. Ci-devant président de la paroisse de Reconvilier. On l’avait connu en Roumanie en compagnie de ce vieux baroudeur humanitaire qu’est Daniel Schaer. A l’époque, l’homme était chargé de remettre quelques deniers – pas ceux de Judas, évidemment – à une lointaine paroisse protestante de Transylvanie.

Paroles de spécialistes

Modeste, et pour mieux nous servir, ce président a appelé à la rescousse deux spécialistes majeurs de Chaindon. Soit Alfred Schiess, ancien directeur de l’Ecole secondaire de Reconvilier, qui présida le comité de rénovation de l’église et de construction de l’annexe. Et aussi Pierre-Alain Némitz, ancien secrétaire municipal et passionné du lieu.
«Trois cloches pour vous mener à la découverte de nos trois cloches», se sont-ils exclamés avec humour. Dans le rôle du mauvais paroissien, le plumitif leur a naïvement demandé si elles sonnaient les heures et les demi-heures. Hilarité générale: eh non, Chaindon ne possède pas d’horloge, le collège primaire de Reconvilier en faisant office.
«S’il fallait monter jusqu’au hameau pour prendre connaissance de l’heure, ce serait un peu compliqué», nous a-t-on expliqué patiemment.

Pour qui sonnent-elles?

Gaston Girard, fièrement, nous les a fait retentir toutes les trois. Au risque d’ameuter les pompiers? A part ça, elles chantent à chaque midi, ainsi que le samedi soir à 18 heures. Et, bien évidemment, lors des cultes, mariages et autres enterrements. A certaines grandes occasions qui concernent toutes les églises de Suisse, celle de Chaindon participe forcément aux sonnailles.
Aujourd’hui, nos cloches sont actionnées par un mécanisme électrique datant des années 55-60. Avant, Alfred Schiess se souvient d’avoir tiré sur la corde. Une obligation pour les grands catéchumènes. Pierre-Alain Némitz, lui, était trop jeune et n’avait pas l’autorisation d’escalader le clocher. Avec d’autres «petits», il se chargeait de signaler au sonneur l’arrivée des cortèges funèbres. En ce temps-là, on suivait le corbillard en procession depuis le domicile du mort. Quant il habitait Loveresse, il fallait du temps...

Trop, c’est trop

A ce stade du récit, on ne résiste pas au plaisir de retranscrire une anecdote chère à nos érudits. Figurez-vous qu’en l’an de grâce 1764, la famille d’une défunte dame Tièche s’était authentiquement fait sonner les cloches pour les avoir trop utilisées pendant la cérémonie funèbre de la morte. Elle avait dû s’acquitter d’une amende de 20 livres bâloises. Pour avoir troublé la sérénité des vivants?
«Nous avons au moins la preuve qu’il y avait des cloches à l’époque», s’amusent nos spirituels guides. La première du trio proviendrait du Moyen Age, histoire d’user d’un flou artistique couvrant une longue période. Et, selon la légende, de l’église abbatiale de Bellelay. Mais rien n’est moins sûr. Les deux autres dateraient de 1730.
Précis comme il sied à des quêteurs de Vérité, nos interlocuteurs en connaissent les caractéristiques. La plus grande a un diamètre de 87 cm et pèse 1390 kg. Pour la moyenne, c’est de 78 cm et de 610 kg qu’il faut parler. La petiote, enfin, pèse 404 kg pour un diamètre de 71 cm. «Personne ne va contester ces chiffres», s’esclaffent ceux qui nous les ont donnés. Là-dessus, ils nous délivrent le message gravé dans le bronze: «Chrétiens que fait gémir le poids de la souffrance comme vous qui vivez heureux pleins d’espérance, quand ma voix retentit, écoutez son appel et venez en son temple louer l’Eternel!»

L’usure du temps

A part ça, nos trois amies ont été rénovées en 2012. Deux sur place, l’autre dans une fonderie en Autriche. On appelle cette opération recharger. Elle consiste à remettre du bronze après l’usure due au battant.
Bref, elles sonneront encore longtemps pour rythmer la vie des paroissiens et des autres. Elles avaient toutefois dû se taire  quand les Français et leur régime laïc avaient fondu sur la région.
Seules celles de Tavannes avaient retenti pour honorer le célèbre pasteur Frêne venu officier en l’église de ce village. Furibard, l’ecclésiastique avait tout de go refusé de dire le culte.
«Un bon serviteur du pouvoir», concluent avec ironie nos trois passeurs. Seigneur! encore une autre histoire...

 

L’œuvre du peintre biennois Philippe Robert

Hauts faits.  Forcément, l’histoire de Chaindon est d’une richesse impressionnante. De la première chapelle érigée entre 1141 et 1181, de ladite chapelle à l’église Saint-Léonard de Chaindon (son nom actuel), de la Réforme à la Révolution française, du passage de Farel à la séparation d’avec la paroisse de Tavannes, que de hauts faits et de rénovations! Du clocher-tour à l’édifice actuel, que de tranches de vie! Le soussigné, Tavannois revendiqué, a aussi appris sans trop de joie que les pierres du mythique château du Châtelet aujourd’hui disparu avaient sûrement dû servir à construire Chaindon...

La totale.  Erigé en 1739, l’édifice actuel a été restauré en 1992. Mais la rénovation la plus spectaculaire est due à l’œuvre du peintre biennois Philippe Robert, de la célèbre famille des peintres Robert. En 1925, il avait pris en charge la décoration intérieure de A à Z. Soit les magnifiques boiseries, les vitraux, les lustres, les fresques admirables, la peinture, les chaises du mariage et la table de communion! La fameuse salle d’attente de la gare de Bienne, c’était également lui...
On révélera aussi que Chaindon possède le service de communion œcuménique de l’Exposition nationale de 1964 à Lausanne. Deux pièces plus modernes sont dues à l’Atelier Oï de La Neuveville, dont un lutrin. «Nos vieux paroissiens jugent ces pièces un peu trop modernes», nous a confié Alfred Schiess.

EXTRAORDINAIRE.  On s’en voudrait enfin de ne pas signaler l’ancien cimetière sis à l’arrière du bâtiment. Un jardin extraordinaire, se serait exclamé l’inoubliable Charles Trenet.
Avec ses antiques pierres tombales, ses animaux de bronze et son aménagement bichonné, authentiquement un lieu de paix. Donc de vie!

 

Un monument unique dans le Jura bernois

Chaindon abrite le seul monument aux morts du Jura bernois rappelant la guerre de 14-18. Un monument toujours fleuri et répertoriant les noms des Italiens et Français établis dans la région partis défendre leur pays. Mais aussi ceux de légionnaires suisses issus de ce coin de terre ayant participé à la Grande Guerre. «Aux morts pour le droit», proclame la stèle. Gaston Girard, qui a assisté à un hommage rendu à ces disparus par une délégation française, est resté marqué par la dignité de ce cérémonial.

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