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La vie loin de tout (3)

«Pour maintenir le Chasseral en vie»

Les frères Alexandre et André Frésard perpétuent le rêve fou de leurs parents: tenir, tout au long de l’année, un hôtel à 1600 mètres d’altitude. Une vie partagée entre l’acharnement de l’hiver et la beauté époustouflante des paysages.

  • 1/17 Les paysages glacés, inhospitaliers et parfois même violents du Chasseral. Très appréciés des sportifs comme des familles, il convient malgré tout de s'en méfier par mauvais temps. Photo:Adrian Vulic
  • 2/17 Il faut parfois 20 minutes le matin pour déblayer toute la neige que le vent a soufflé contre les entrées de l'Hôtel Chasseral! Photo:Adrian Vulic
  • 3/17 Les paysages glacés, inhospitaliers et parfois même violents du Chasseral. Très appréciés des sportifs comme des familles, il convient malgré tout de s'en méfier par mauvais temps. Photo:Adrian Vulic
  • 4/17 Les paysages glacés, inhospitaliers et parfois même violents du Chasseral. Très appréciés des sportifs comme des familles, il convient malgré tout de s'en méfier par mauvais temps. Photo:Adrian Vulic
  • 5/17 L'Hôtel Chasseral culmine à 1609 mètres d'altitude. Photo:Adrian Vulic
  • 6/17 Alexandre Frésard (à gauche) et André Frésard préparent quotidiennement de bons plats faits maisons pour leurs clients. Les ingrédients frais doivent être montés tous les matins en chenillette: une raison de plus d'apprécier ce que les deux gérants mettent dans votre assiette! Photo:Adrian Vulic
  • 7/17 Alexandre Frésard (à gauche) et André Frésard préparent quotidiennement de bons plats faits maisons pour leurs clients. Les ingrédients frais doivent être montés tous les matins en chenillette: une raison de plus d'apprécier ce que les deux gérants mettent dans votre assiette! Photo:Adrian Vulic
  • 8/17 Les caves de l'Hôtel Chasseral ont été remplies à ras bord lorsque les routes étaient encore praticables. De quoi fêter nouvel An en beauté! Photo:Adrian Vulic
  • 9/17 Les caves de l'Hôtel Chasseral ont été remplies à ras bord lorsque les routes étaient encore praticables. De quoi fêter nouvel An en beauté! Alexandre Frésard pose devant la réserve. Photo:Adrian Vulic
  • 10/17 Les caves de l'Hôtel Chasseral ont été remplies à ras bord lorsque les routes étaient encore praticables. De quoi fêter nouvel An en beauté! Photo:Adrian Vulic
  • 11/17 Les deux frères Frésard, André à gauche, Alexandre à droite, posent devant "La 1609". La bière, produite par André, a été baptisée en hommage à l'hôtel qu'il tient avec son frère, qui culmine à 1609 mètres d'altitude. Photo:Adrian Vulic
  • 12/17 La bière qu'André Frésard produit lui-même. Baptisée "La 1609" en hommage à l'hôtel qu'il tient avec son frère, qui culmine à 1609 mètres d'altitude. Photo:Adrian Vulic
  • 13/17 L'intérieur chaleureux de l'Hôtel tranche avec les paysages glacés et à vif qui entour la bâtisse. Photo:Adrian Vulic
  • 14/17 Parce que la chenillette ne suffirait, tout au long de l'année, à tenir la neige à distance de la route, les frères Frésard possède une déneigeuse de plus gros gabarit. Photo:Adrian Vulic
  • 15/17 L'Hôtel Chasseral, pourtant d'un gabarit imposant, disparaît presque sous la neige. Il est pourtant toujours visible, et de loin, grâce à l'énorme tour Swisscom qui se tient à quelques centaines de mètres. Photo:Adrian Vulic
  • 16/17 Les deux frères Frésard posent devant la chenillette qui, en hiver, relier l'Hôtel Chasseral à la civilisation. Photo:Adrian Vulic
  • 17/17 Une soirée certainement inoubliable attend les clients qui viendront passer la fête de la Saint Sylvestre entre les murs chauds de l'Hôtel. Photo:Adrian Vulic
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  • Dossier

Texte et photos
Adrian Vulic

Le Jdj à l’aventure
Comment vit-on quand on habite loin de tout? Qui plus est quand l’hiver s’installe et que la neige s’en mêle? Le Journal du Jura est parti à la rencontre d’habitants du Jura bernois qui résident à distance des commerces, des écoles, des cabinets de médecin, des transports en commun… Au fil de la semaine, découvrez des aventuriers, des férus de liberté ou des reclus volontaires à la recherche d’une forme de tranquillité ou d’isolement. Des débrouillards, assurément.

 

Nous sommes nombreux à nous plaindre de l’hiver, des petits désagréments qu’il peut causer: doigts gelés, nez qui coule ou encore journées trop brèves. Mais admettons que la majorité d’entre nous n’a, pour survivre à la mauvaise saison, qu’à enfiler quelques vêtements bien chauds, penser à emporter des mouchoirs et attendre sereinement que la planète penche à nouveau du bon côté.

Rien à voir avec ce que vivent au quotidien Alexandre et André Frésard, ces deux frères hors du commun.  Parce qu’à la montagne, un hiver, ça se prépare, et la survie jusqu’à la belle saison, elle, se mérite. Car si l’hiver commence le 21 décembre pour les personnes rattachées aux voies usuelles de la civilisation, sur le Chasseral, la mauvaise saison, il faut se préparer à l’affronter dès le mois d’octobre.

A pied ou en chenillette
«Grandir sur la montagne, dans la nature, comme ça a été notre cas à mon frère et moi, ça rend écolo. Ça ne m’a donc pas fait plaisir de devoir acheter un énorme 4x4, mais malheureusement on n’avait pas vraiment le choix», explique Alexandre Frésard. Effectivement, puisque le sentier qui  lie le village de Nods à la première étape du chemin est un long lacet couvert de blanc, probablement impitoyable par mauvais temps. Au milieu de la forêt, un panneau interdit de gravir plus loin la route en voiture. Seuls les frères Frésard et les collaborateurs de la tour Swisscom, qui se tient à environ un kilomètre de l’hôtel, ont le droit d’aller plus loin en véhicule motorisé. Les touristes, quant à eux, doivent abandonner leur voiture sur un petit parking situé au milieu de la forêt et continuer à pied.

Parvenus à une sorte de hangar entouré de neige, passagers et équipement sont embarqués dans une chenillette, une sorte de petit wagonnet à chenilles (voir photo ci-dessous). A l’arrière sont déposés les légumes frais qui serviront à la confection de la soupe du jour.

«Le chemin qui monte depuis l’extrémité du village jusqu’à l’hôtel, c’est nous mêmes qui le faisons. On se fait une responsabilité de l’entretenir, déjà pour nos voisins de la tour Swisscom, et surtout pour que les personnes qui passent par là en raquettes ou en luge puissent profiter d’une voie plus sûre», explique André Frésard au volant de son petit tank rouge, bousculant au passage avec le nez de l’engin les tas de neige récalcitrants qui se sont formés durant la nuit.

L’ascension, à pied, est certainement fatigante. Mais elle présente plusieurs avantages. Le chemin déblayé est praticable également par des enfants et des personnes moins sportives, et, surtout, peut être parcouru, à la descente, en bob ou en luge. Une belle expérience que les familles affectionnent particulièrement.

«C’est toujours touchant de voir une famille entrer dans l’hôtel en plein hiver. En général, les enfants sont tout excités parce qu’ils ont l’impression d’avoir escaladé l’Everest. Il y a aussi le papa qui suit, tout rouge et essoufflé, parce qu’il  a tiré les luges jusqu’en haut. C’est une belle sortie à faire en famille, qui marque les enfants et qui ne coûte finalement presque rien», rappelle Alexandre Frésard.

Un climat de 3000 mètres
La vue depuis l’emplacement de l’hôtel vaut tous les efforts qu’a exigés son accès. Les Alpes pointent, incroyablement nettes et précises, au-dessus d’une mer de brouillard qui semble être absorbée par la vallée à mesure que le jour avance. «Par beau temps, on a vue sur les trois lacs. On peut même apercevoir le Mont-Blanc ou le Säntis. La moitié de la Suisse est visible depuis l’hôtel», explique André Frésard.

Il ne faut pas s’y tromper, pourtant: les paysages peuvent être aussi dangereux qu’ils sont séduisants. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer les pics de neige verticaux que le vent et le froid ont sculpté sur tous les poteaux. Les deux frères s’évertuent d’ailleurs à faire de la prévention depuis leur restaurant, distribuant informations et consignes à leurs clients.

«Beaucoup se laissent surprendre par la météo. Parce que l’hôtel est à 1609m, ils s’imaginent gravir une grosse colline. En réalité on a, au sommet du Chasseral, un climat de montagne de plus de 3000m. Avec cela, des vents qui peuvent largement dépasser les 200km/h et une météo qui est parfois l’inverse de celle de la vallée. Il faut vraiment s’informer de la météo en haut du Chasseral avant de monter», explique Alexandre Frésard. Plusieurs fois par année, malheureusement, les deux frères sont alertés par les secours, et viennent en aide à des aventuriers pris par la tempête, la neige et le froid.

Une nature séduisante, mais à laquelle il ne faut pas se fier, et qui parvient encore à se jouer des deux gérants.

«Il arrive qu’il y ait tellement de vent et de neige que l’on peine à trouver l’hôtel en chenillette. On zigzague un peu autour et on tâtonne avant de l’atteindre», ajoute, en rigolant, André Frésard.

Première chose que les gérants de l’hôtel doivent faire, lorsque  l’été se met à décliner: remplir les citernes de mazout. Une fois que les routes sont enneigées, c’est trop tard.  Ensuite, faire les stocks. Tout ce qui n’est pas périssable, incluant les boissons et les vins, est monté en voiture et précieusement entreposé dans les caves de l’hôtel. Il serait impossible, en effet, de monter quotidiennement en chenillette les ressources nécessaires pour faire tourner l’hôtel.

Passer en «mode hiver»
Lorsque les préparations sont faites, que l’hiver se déchaîne, Alexandre, André et l’épouse de ce dernier se retrouvent en petit comité, et font, à eux trois, tourner les cuisines et les chambres. C’est le début du «mode hiver», comme ils l’appellent.

«Durant l’hiver, comme il y a moins de monde, on en profite pour faire des réparations, repeindre,  rénover tout ce qui peut ou doit l’être. Nous sommes obligés d’être assez débrouillards, parce que faire monter un technicien jusqu’ici, c’est vraiment toute une affaire».

Si le restaurant de l’hôtel accueille en moyenne une soixantaine de personnes par jour, et que l’emplacement est aussi connu dans la région qu’il est prisé des sportifs, le grand moment de l’établissement, en hiver, reste néanmoins la fête de la Saint-Sylvestre. Existe-t-il plus belle façon de commencer l’année qu’en trinquant au sommet d’une montagne enneigée, protégé du froid par une bâtisse chaleureuse? «C’est magnifique de fêter la nouvelle année de cette façon. Comme monter jusqu’à l’hôtel exige un certain effort physique, les clients ont vraiment l’impression de mériter leur repas et leur verre de vin. Ils peuvent ensuite, au choix, passer la nuit à l’hôtel, ou redescendre la piste dans l’atmosphère de la nuit», expliquent les deux frères passionnés.

Sans doute est-ce pour ces instants de tradition et de poésie que les deux frères s’obstinent, envers et contre tout, à maintenir l’hôtel ouvert en dehors de l’été. «Parfois, les gens ne se rendent pas compte du travail qu’il y a derrière chaque plat, chaque café que l’on sert. L’hiver, ce n’est pas vraiment notre saison: on rentre dans nos frais mais sans faire de bénéfice. On fait tout ça uniquement pour maintenir le Chasseral en vie en hiver», conclut Alexandre Frésard.

 

Contact et réservation:  www.chasseral-hotel.ch

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