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Nidau

Un avis de résiliation sème le trouble

Les locataires de jardins familiaux ont reçu l’ordre péremptoire de quitter leur parcelle à fin novembre. Certains s’y opposent, arguant que la résiliation s’est faite au mépris de la loi.

Dimitri et Micheline Tzouros, à gauche, avec quelques locataires des jardins familiaux qui dénoncent la procédure de résiliation des baux. Tous devraient avoir évacué leur coin de paradis d’ici le 30 novembre au plus tard. PHOTO: Peter Samuel Jaggi

par Nicole Hager

Dimitri Tzouros, 87 ans, hésite entre abattement et combativité. Depuis près de 40 ans, il cultive une parcelle de terrain appartenant à l’entreprise Mikron Management SA, aménagée entre la route cantonale menant à Ipsach et la ligne du BTI. Ce lopin de terre, où prospèrent avec vitalité tomate, salades, basilic et fleurs de toutes les couleurs, il vient y faire un tour quotidiennement, été comme hiver. C’est sa bouffée d’oxygène, une sortie bienfaisante tant pour la tête que le corps, son espace de convivialité. «C’est une partie de notre vie», résume son épouse Micheline.
Au mois de mai, une mauvaise nouvelle est venue semer le trouble dans ce coin de paradis. Un des représentants de la commission des jardins, chargée de la gestion des parcelles de terrain, en a fait le tour afin de porter à la connaissance des locataires une lettre les informant de la résiliation de leur contrat de bail. La société Mikron a décidé de mettre la zone à disposition de Aare Seeland mobil dans le cadre du renouvellement d’une partie de la ligne de chemin de fer qui relie Bienne à Anet. Les travaux devraient démarrer dès l’obtention du feu vert de la Confédération. Dans la mesure du possible, ils seront menés de front avec la remise à neuf de l’arrêt Nidau Beunden, tout proche, qui débute cet automne.
Ce qui chiffonne certains des cultivateurs amateurs, c’est la manière de procéder. Le représentant de la commission des jardins a exigé des locataires que ceux-ci signent un accusé de réception annexé au courrier en leur indiquant notamment qu’ils n’avaient pas le choix. Sur les conseils d’une proche, juriste de son état, le couple Tzouros a refusé de parapher le document qui les engage à libérer leur parcelle d’ici l’automne. D’autres locataires ont également refusé de signer, certains sur recommandation de leur avocat. «Il nous a conseillé de ne pas bouger tant que nous n’avons pas reçu une lettre en bonne et due forme», explique Marisa Mazza, de Bienne.

Contourner la loi
La juriste qui s’est penchée sur l’avis de résiliation adressé aux locataires de ces jardins familiaux en est convaincue: «Pour moi, il s’agit d’une convention déguisée, une manière de contourner les délais de résiliation. En procédant ainsi, on ne respecte pas la législation et on s’évite d’éventuelles procédures de recours fastidieuses et les retards coûteux qui vont avec.»
Dimitri et Micheline Tzouros sont conscients qu’il leur faudra se séparer de leur jardin si un projet de construction est envisagé. Le couple souhaite toutefois que ses droits soient respectés et qu’il puisse éventuellement examiner la possibilité de s’opposer à cette résiliation. Il a en ce sens envoyé un courrier recommandé notifiant que l’avis reçu à ce jour n’est pas valable. Une quinzaine d’autres locataires ont contresigné le document. Parmi eux, on compte de nombreux anciens employés de Mikron, aujourd’hui retraités. Animés par la déception, ils se demandent pourquoi les travaux concentrés sur le bord des voies nécessitent que l’ensemble des 80 parcelles soient désaffectées. «Ne serait-il pas envisageable d’en maintenir une bonne partie?»
Chez Mikron, où il nous est précisé que la résiliation des baux est gérée par la commission des jardins, on convient que les travaux projetés ne nécessiteront l’usage que d’un tiers de la surface totale des jardins familiaux, dont une partie appartient déjà à Aare Seeland Mobil. Quant au reste du périmètre, l’entreprise entend l’exploiter, ainsi que le bâtiment qui le borde, inoccupé actuellement. «Nous recherchons des opportunités de développement pour l’ensemble du site», nous déclare le directeur financier du groupe, Javier Perez-Freije.

D’autres solutions?
Certains locataires des parcelles à évacuer de Nidau ont entrepris des démarches pour obtenir un autre bout de terrain à cultiver. Sans succès pour l’instant. Suite à la période exceptionnelle liée au Covid-19, les parcelles de jardins familiaux sont très recherchées. A son âge, Dimitri Tzouros n’envisage pas de se lancer dans un nouveau projet, ailleurs. Il parcourt du regard son îlot de verdure. Que fera-t-il de ses journées s’il doit abandonner ses cultures?

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