Vous êtes ici

Abo

Hockey sur glace

Un petit tour viril avec le cas Roussel

Le Français Antoine Roussel va faire mal aux Suisses dimanche aux championnats du monde

Antoine Roussel (ici face au gardien Reto Berra, dimanche passé à Lyon), un homme qui aime chatouiller ses adversaires. Keystone

Prague, Laurent Kleisl

Une teigne, un cauchemar, «Antoine, c’est le gars qu’on préfère avoir dans son équipe», assure l’attaquant tricolore Laurent Meunier. Antoine Roussel (25 ans) est né pour faire mal. Elément de l’offensive des Dallas Stars depuis 2012, le titan de Roubaix s’est taillé une réputation, non usurpée, de provocateur intense, agressif et bagarreur. Trois saisons en NHL ont assis son mythe.

En préparation le week-end dernier à Lyon, le Français a lancé les hostilités à l’échauffement. En face, les Suisses. Déjà. Des mots, un regard barbare et Andres Ambühl qui ramasse une volée de bois vert dans le rond central. A sa manière, il préparait le terrain pour le choc dominical (20h15) entre les Helvètes et les Français. «Je n’en ai pas fait plus que d’habitude», rétorque Roussel. «Je suis intense même en préparation. Je cherche toujours à faire réagir l’adversaire.»

Roussel est le leader charismatique d’une équipe de France en pleine renaissance. Associé à Stéphane Da Costa, qui flambe en KHL, et Julien Desrosiers, il mène un trio de format planétaire. «Antoine tire tout le monde vers le haut avec son énergie et son éthique de travail. Pour la France, c’est génial de compter sur un gars comme lui», souligne Meunier, employé des Straubing Tigers (DEL) au civil. «Mine de rien, Antoine sait ce qu’il fait. Avec l’expérience, tout ce qu’il entreprend est contrôlé. Il est intense sur et en dehors de la glace.»

«Envie de le suivre»

Dans le vestiaire, le cas Roussel ne cesse de tourner. «Antoine n’est pas le dernier pour les petites blagues ou pour chambrer ses coéquipiers. Mais sur la glace, il ne rigole pas!», coupe Desrosiers, attaquant franco-canadien qui passera de Rouen à Bordeaux cet été. «Il ne joue pas un rôle, il est comme ça, c’est sa nature. Antoine est un leader qui prêche par l’exemple. On a tous envie de le suivre.»

Ce jeu physique, Roussel l’a développé en Ligue de hockey junior majeur du Québec. Ou la virilité pour se fabriquer un nom. «Je n’étais pas aussi dur à mes débuts, je me suis fait une petite niche», sourit-il. «Mon agressivité, c’est ce qui me démarque de joueurs plus talentueux. En équipe de Suisse, ils sont nombreux à être plus habiles que moi, mais ils n’ont pas ma hargne.»

Ses qualités d’agitateur, Roussel les complète par un sens du jeu aiguisé. Un costaud adroit, ou de l’or en barre. Il y a 12 mois, il avait bouclé les Mondiaux à Minsk avec 11 points en huit matches, une place dans le All Star Team et une élimination française en quarts de finale.

L’eldorado helvétique

Dans le sillage de la carrière de Cristobal Huet, l’ange gardien du Lausanne HC, malgré l’émergence de Roussel, Pierre-Edouard Bellemare (Philadelphia Flyers, blessé), Stéphane De Costa (CSKA Moscou) et quelques autres, le hockey hexagonal ne parvient pas à sortir de l’anonymat. «Il y a d’abord un problème d’infrastructures», note Roussel. «Petit à petit, cela s’améliore avec la construction de patinoires de 3000 à 3500 places. La Ligue Magnus se professionnalise, mais le mouvement reste lent.»

Emmenés par la détermination dévastatrice de Roussel, les Français défieront la Suisse dimanche avec leur légendaire désir de rudoyer un voisin arrogant, fier du monde qui sépare la LNA et la Ligue Magnus.

«Lorsqu’un jeune Français décroche une licence suisse, il ose s’imaginer une carrière pro», note Roussel. «Au moment de choisir entre sport et études, cela peut être démotivant de se projeter en Ligue Magnus.» Un circuit au niveau d’une bonne LNB, où les indigènes peinent à toucher 40000 euros par saison. «Et encore, à ce niveau, c’est un bon salaire!», lâche-t-il. «Chez nous, l’école est souvent un meilleur choix d’avenir.»

Roussel guide une nation. Le 9 mai, il le fera face au Canada de l’ex-Biennois Tyler Seguin, son collègue aux Dallas Stars. Et s’il devait l’astiquer pour la grandeur de la France? Roussel sourit, puis baisse la tête. «Plus de questions, c’est terminé!»

Antoine Roussel en trois étapes

Genève-Servette «J’avais 14 ans et je me croyais assez bon pour rejoindre les juniors de Genève. Finalement, il y a eu un problème de licence ou je ne sais quoi. L’idée était de développer mes capacités dans un championnat juniors plus compétitif qu’en France. J’ai alors mis le cap sur Rouen. C’était bien aussi.»

Québec «En 2006, mes parents ont tout plaqué pour s’installer au Canada. Ils rêvaient de s’occuper d’un ‹bed and breakfast› au Québec. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée! A un moment donné, toute la famille était éparpillée. Mon père gérait son établissement au Mont-Tremblant, ma sœur était à Montréal, ma mère étudiait à Québec et moi, je jouais en juniors à Chicoutimi.»

Dallas «Comme aucun club de NHL ne m’a repêché, après mes classes en juniors, j’ai pu cogner à la porte de plusieurs équipes. J’ai un peu bourlingué, ce qui forge le caractère, jusqu’à avoir une touche en 2012 avec les Vancouver Canucks. Finalement, ce sont les Dallas Stars qui me voulaient le plus.»

La Suisse effectue ses derniers réglages avant son entrée en lice samedi

Félicien Du Bois (à droite), ici en discussion avec le coach Glen Hanlon et Roman Josi, formera une paire de défense avec Mark Streit. Keystone

Mieux que Lyon  La Suisse a disputé son deuxième entraînement hier matin à Prague. L’entraîneur Glen Hanlon s’est dit satisfait de la bonne tenue de cette séance matinale tout en attendant l’arrivée de Kevin Fiala.

Le décor ne trahit aucun doute. La majestueuse O2 Arena pragoise invite au hockey sur glace. Et ce n’est pas la Suisse qui va s’en plaindre après avoir connu quelques petits soucis du côté de Lyon. «La glace est très bonne», assène d’emblée Morris Trachsler. «Cela fait plaisir.» Les joueurs sont appliqués, même Roman Josi, arrivé seulement la veille. Seul Kevin Fiala manque à l’appel. «Il doit être à Prague depuis quelques minutes», précise Hanlon.

Le successeur de Sean Simpson arbore un joli sourire et se laisse aller à quelques plaisanteries avant d’entrer dans le vif du sujet: «L’entraînement était vraiment très bon. Comparé à ceux que nous avons eus en France, je suis vraiment content. Sans doute est-ce dû au fait que les finalistes du championnat et les renforts NHL ont eu un peu plus de temps pour récupérer.»

Touchée par le décès accidentel de l’ancien international Duri Camichel et du coach personnel Harry Andereggen, l’équipe de Suisse avait tenu à s’entraîner mercredi. Interrogé à ce propos, Hanlon a avoué: «Je ne connaissais pas ces deux hommes. Je sais qu’au sein de l’équipe plusieurs joueurs étaient proches d’eux, comme Mark Streit et Damien Brunner, et que d’autres ne les avaient jamais rencontrés. Mais j’ai trouvé qu’ils ont tous fait preuve d’une grande force mentale pour se donner à fond durant 45 minutes d’entraînement.»

Du bois avec Streit  Dernier sélectionné, Kevin Fiala n’a pas encore eu la chance de pouvoir griffer la glace avec ses coéquipiers. Hanlon ignore où il va le faire évoluer: «J’ai vu jouer Nashville plusieurs fois et le système me semble assez identique au nôtre. Mais il a disputé plus de 20 parties avec Milwaukee en AHL et je vais lui demander de me dessiner leur plan de jeu afin de pouvoir l’intégrer au mieux. Il me donnera une confirmation à l’issue de l’entraînement de vendredi.»

Etincelant avec le champion Davos, Félicien Du Bois a pu soigner son bobo à l’épaule en prenant une semaine de pause.

Le Neuchâtelois est aujourd’hui le partenaire de Mark Streit sur l’un des deux premiers blocs de défense. «Je n’ai joué qu’un seul match (réd: la victoire 3-2 à Grenoble contre la France) et j’essaie d’apprendre au plus vite le système», explique le Neuchâtelois, meilleur défenseur du dernier championnat. «Mais cela reste le même sport, il y a seulement de petits ajustements à faire. Quant au fait de jouer avec Streit, c’est assez amusant de se dire que toute la saison j’ai évolué avec un gamin de 18 ans et que je me retrouve avec un joueur de 37 ans. On peut croire que c’est deux extrêmes, mais on laisse parler l’instinct. Je ne vais pas commencer à tout changer parce que je forme une paire défensive avec Streit. Il est certainement davantage porté vers l’offensive que mon partenaire en club, mais je vais m’adapter.»

Hanlon a choisi de n’aligner que sept défenseurs et 13 attaquants contre l’Autriche samedi à 12h15 pour le premier match de la sélection helvétique. Son choix ne sera dévoilé qu’au terme de l’entraînement de vendredi: «Je préfère jouer avec sept arrières afin de pouvoir donner à Josi ses 26 minutes et à Streit ses 22-23 minutes. Ce sont deux joueurs qui ont besoin de beaucoup de glace pour être performants.» Heureusement que les deux Bernois savent gérer la pression inhérente à leur statut. (SI)

Articles correspondant: Actualités »