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Beachvolley

Pas question de lâcher le bikini

Depuis 2012, les joueuses ne sont plus obligées de porter un maillot deux pièces. Mais elles continuent pourtant de le plébisciter. Ex-joueuse de haut niveau, Nicole Schnyder-Benoit nous dit pourquoi.

Simone Kuhn (à gauche) et Nicole Schnyder-Benoit étaient devenues championnes d’Europe en 2004, avant de participer aux JO (photo Keystone)

Christian Kobi

Jeux olympiques d’Athènes, en 2004. Le point d’orgue de la carrière de Nicole Schnyder-Benoit, la beachvolleyeuse née à Macolin en 1973 qui vit aujourd’hui à La Neuveville. Sur la zone côtière de Faliro, la banlieue de la capitale grecque où se tient le tournoi de «beach», le mercure avoisine les 40 degrés. «Pour nous, à cette époque, la tenue n’était absolument pas un sujet de discussion», se souvient l’ex-partenaire de Simone Kuhn. «Lorsqu’il fait chaud, il est plus agréable d’avoir moins de vêtements sur soi. Et notre sport vient et se pratique plutôt dans les pays chauds. En ce sens, le bikini est le plus approprié et le plus pratique.»

A l’entraînement, loin des intrusives caméras de télévision, loin de la foule, loin des sponsors, Nicole Schnyder-Benoit et ses partenaires de jeu adoptent d’ailleurs une tenue identique. «Tout simplement parce que c’est le code vestimentaire de ce sport, au même titre que peut l’être la jupe pour le tennis ou le polo pour le golf. On grandit avec ça, pour nous c’est normal», répond-elle.

A une seule reprise, durant sa carrière, la Biennoise a demandé une dérogation pour contourner le port obligatoire du bikini. «C’était aux championnats d’Europe, en 2004, juste avant les Jeux olympiques. Il pleuvait, il faisait 12 degrés, tous les spectateurs étaient habillés chaudement et nous, nous avions peur de nous blesser. Notre demande a été acceptée.» Au bout, un titre, son plus important, celui de championne d’Europe. En legging.

Tenue sexy plus imposée
Huit ans après cet épisode, après plus d’une décennie de diktat d’un bikini dont la largeur maximale devait être de 7 cm, une petite révolution a secoué le monde du beachvolley. En 2012, juste avant les JO de Londres, la Fédération internationale de beachvolley(FIBV) a en effet assoupli ses règles: depuis cette date, les joueuses peuvent porter un legging long ou un bermuda descendant jusqu’à 3 cm au-dessous du genou, et revêtir un t-shirt, à manches courtes ou longues. «Franchement, je n’étais pas au courant de ce changement», avoue Nicole Schnyder-Benoit, qui a mis fin à sa carrière à la fin de l’année 2004 mais qui est toujours active dans le monde du volleyball, à Volley Espoirs Bienne notamment.

Une demi-surprise. Car en pratique, ce changement de code vestimentaire, instauré pour promouvoir la discipline dans l’ensemble des pays, y compris les plus conservateurs, n’a eu que peu de répercussions. Si quelques nations en ont profité pour faire leur apparition sur la scène internationale (Arabie Saoudite, Iran,...), les joueuses occidentales ont continué de plébisciter le bikini. «Je ne connais pas de joueuses que ça dérange. Etre en bikini, c’est plus confortable pour jouer dans le sable», déclarait la Seelandaise Nadime Zumkehr juste avant de prendre sa retraite, en 2016. Simple. Limpide.

Charge contre les danseuses
En dépit de cet assouplissement resté sans grande conséquence, le beachvolley conserve donc son image de sport «sexy». «Je ne vois rien de mal à cela», rétorque Nicole Schnyder-Benoit. «Il faut être fière de son corps, ne pas avoir peur de le montrer. Après tout, nous n’avons rien à cacher. Les hommes le font aussi, comme nous ils aiment bien montrer qu’ils ont passé du temps à la salle de musculation», poursuit l’ancienne adepte de gymnastique artistique, passée ensuite par l’athlétisme, le volleyball en salle puis le beachvolley.

De son point de vue, d’ailleurs, les spectateurs ne vont pas au stade pour voir des corps, mais pour la beauté du sport. «Si on parle autant de beachvolley en Suisse, c’est parce que nous avons toujours eu d’excellents athlètes et réussi de bons résultats au niveau international. La tenue est une simple affaire de mode, qui a évolué et évoluera encore avec le temps», est-elle convaincue.

Et qu’importe, d’après elle, si les hommes concourent aujourd’hui en short et en débardeur. «Car eux aussi ont des restrictions au niveau de la taille des shorts ou des manches», précise celle pour qui le débat se situe ailleurs. «Si on veut trouver quelque chose de sexiste dans le beachvolley, c’est au niveau des danseuses qui se produisent durant les pauses qu’il faut chercher. Elles sont là uniquement pour montrer leur corps au public. Il n’y a pas vraiment de performance là derrière...»

Jeu, set et match. Au filet, Nicole Schnyder-Benoit n’a rien perdu de sa verve.
 

Des tenues pour combler un manque de visibité
Dans le beachvolley comme dans tant d’autres sports, les femmes ont longtemps souffert d’un manque de visibilité par rapport à leurs homologues masculins. Les premières compétitions féminines ont eu lieu en 1993, sept ans après les hommes, et l’obligation de porter un bikini instaurée en 1999 était une façon de vendre le beachvolley aux chaînes de télévision et aux sponsors. Si la réticence a été forte chez les fédérations au départ, les joueuses se sont pliées aux exigences, évitant ainsi les amendes. «En Suisse, on pouvait s’habiller comme on voulait. Mais au niveau international, on a très vite senti que les joueuses n’avaient pas leur mot à dire», concède Nicole Schnyder-Benoit, la Biennoise championne d’Europe en 2004.

Les médias, eux, ont très vite compris que le bikini des volleyeuses attirait l’audience, ce qui se ressent dans la différence de traitement entre hommes et femmes. Une étude réalisée durant les JO d’Athènes en 2004 montrait ainsi que respectivement 20 et 17% des images diffusées lors des épreuves de beach-volley féminin étaient des plans serrés sur la poitrine ou sur le fessier. «Je n’ai jamais eu le sentiment d’être trop dénudée, ni mal à l’aise, sur un terrain», coupe la résidante de La Neuveville. «En compétition, on est focalisé sur le sport et sur rien d’autre.»

Sa seule mauvaise expérience avec un objectif intrusif, Nicole Schnyder-Benoit l’a vécue lors d’un entraînement au Japon. «Un type était venu avec une caméra énorme dans le stade, il filmait je ne sais quoi mais c’était louche. On a alors pris une bouteille d’eau et on l’a giclé. Autant dire qu’on ne l’a plus revu par la suite…» Une humide mais bienvenue remise à l’ordre.
 

A Cannes, les fesses de la discorde sur une affiche

L’affiche avait provoqué un véritable tollé. En octobre 2015, le RC Cannes faisait la promotion de sa prochaine rencontre en mettant en scène l’une de ses joueuses, la Serbe Sanja Bursac, le fessier bien en évidence dans une tenue moulante. Cliché jugé sexy pour les uns, carrément sexiste pour les autres qui n’ont pas compris pourquoi le corps féminin servait ainsi d’objet pour la promotion d’un match. «Moi, ça ne me choque pas du tout», avait assuré l’auteure de l’affiche, une ancienne joueuse du club en charge de la communication. «J’ai voulu revenir aux anciennes tenues portées par les volleyeuses, qui étaient en culottes. Ça donne une image sexy et glamour des sportives...»

Questionnée à ce sujet, l’ancienne directrice marketing du HCBienne, Pascale Berclaz, qui travaille aujourd’hui dans le secteur du tourisme, abonde dans le même sens. «Pour moi, il n’y a aucun problème tant qu’il n’y a pas de connotation sexuelle. Un beau corps, qu’il soit féminin ou masculin, a tout à fait sa place sur une affiche, pour autant qu’on traite les deux sexes de la même manière», juge-t-elle. «Et cela se fait aussi avec les hommes, que l’on voit parfois torse nu», précise-t-elle non sans penser à l’attaquant finlandais du HCBienne Toni Rajala, que l’on a pu voir un peu partout en ville faire la promotion d’un produit de douche dans le plus simple appareil, un petit linge autour de la taille.

A chacun de fixer ses limites
Mais jusqu’où peut-on aller dans l’exploitation marketing du corps humain? Où se situe la limite? «On peut attirer l’attention, mais cela ne doit pas être provocateur», estime Laura Unternährer, volleyeuse de Reconvilier qui vient de passer huit saisons à Volero, sept à Zurich et une en France. «C’est à chacun de fixer ses propres limites. C’est notre corps, c’est à nous de dire si on n’est pas d’accord.»

Dans le volley en salle, les pubs sur le fessier, notamment, sont légion. Un endroit qui attire l’œil, paraît-il, comme le nombril. «Le sport, à ce niveau, c’est du show business, de l’émotionnel. Cela ne me choque pas qu’on place des pubs à ces endroits-là», commente Pascale Berclaz. Les codes, en revanche, sont différents lorsqu’on quitte le monde du sport. «Il serait par exemple choquant de mettre en avant le physique d’une personne si on cherche à vendre des médicaments, une assurance ou un produit bancaire», avertit Pascale Berclaz.

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