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Baoshida Swissmetal

Quatre mois pour s’en sortir

Surendettée, l’entreprise a obtenu un sursis concordataire jusqu’en avril. Le temps de trouver un nouvel acquéreur.

Xingjun Shang, ici avec le conseiller d’Etat Christoph Neuhaus, lors de l’inauguration de Baoshida Swissmetal, en juillet 2013. Depuis le 29 octobre, il se trouve en détention préventive. A-Stéphane Gerber

Par Philippe Oudot


six ans après son rachat, Baoshida Swissmetal est à nouveau à vendre. Mis au bénéfice d’un ajournement de faillite pour cause de surendettement, puis d’un sursis provisoire en octobre, le fabricant d’alliages cuivreux a obtenu un sursis concordataire jusqu’au 12 avril 2019 lors de l’audience présidée par le juge Gabriel Zürcher, qui s’est tenue hier au Tribunal régional du Jura bernois, à Moutier.

Une audience qui s’est déroulée en présence de Xingjun Shang, administrateur unique, en détention préventive depuis le 29octobre dernier, suite à l’ouverture d’une enquête pénale contre lui (voir encadré). Etaient également présents Me Andreas Bättig, commissaire au sursis, Claudio Penna, CEOde Baoshida Swissmetal, ainsi qu’un représentant de la China Development Bank, établissement créancier.

About de sous
Ala demande du juge, Andreas Bättig, dont le rôle est de préserver les intérêts de la société et des créanciers, a confirmé l’état de surendettement révélé cet été par l’organe de révision de l’entreprise. Ases yeux, le surendettement est tel que Baoshida Swissmetal ne dispose pas des moyens pour s’assainir elle-même sans l’apport de fonds extérieurs. Quant à l’état des liquidités, il l’a qualifié de «tendu, mais suffisant pour l’exploitation de la société» au cours des prochains mois, pour autant que les paiements des clients arrivent de manière ponctuelle.

Des clients qui, malgré les difficultés, continuent à préfinancer l’achat des matières premières pour permettre à l’entreprise de produire les alliages stratégiques dont ils ont besoin, a indiqué le CEOClaudio Penna. Cela a permis de stabiliser le chiffre d’affaires depuis octobre et une reprise au niveau de stocks. Et grâce à l’engagement des quelque 164collaborateurs (répartis à parts égales entre les sites de Reconvilier et de Dornach), il s’attend à une hausse du chiffre d’affaires en janvier. Malgré son manque de liquidités, l’entreprise est en mesure de payer les salaires, y compris le 13e, ainsi que les charges sociales.

Quant aux fournisseurs, «ils apportent un soutien prudemment positif, et personne n’a décidé d’arrêter de travailler avec nous». En réponse au juge Zürcher qui voulait savoir s’il y avait des repreneurs intéressés, Claudio Penna a répondu que oui, avec plusieurs offres indicatives qui seront affinées ces prochaines semaines lors de négociations détaillées. La situation pourrait se décanter d’ici à fin janvier, début février.

En route pour la vente
Dans ce contexte, Andreas Bättig a demandé au juge d’accorder à l’entreprise «un sursis concordataire de quatre mois en vue d’un concordat par abandon d’actifs». En clair, pour permettre la vente de l’entreprise. C’est d’ailleurs cette même procédure qui avait permis à Baoshida Holding de racheter Swissmetal Industries…

Lors de l’audience, Xingjun Shang s’est défendu de vouloir couler l’entreprise, assurant avoir investi 60mios de francs depuis le rachat – somme qui n’a pu être vérifiée, selon le juge. Xingjun Shang a en tout cas déclaré qu’il était venu en Suisse pour voir le commissaire et lui parler d’un repreneur chinois au moment de son arrestation. Il a aussi déploré le dégât d’image pour l’entreprise provoqué par son incarcération, saluant au passage «les efforts d’Andreas Bättig et de Claudio Penna pour stabiliser la situation afin de faciliter et d’accélérer le processus de vente».

Me Pierre Ducret, avocat de la China Development Bank, a rappelé qu’en 2016, Xingjun Shang avait contracté un emprunt au nom de Baoshida Swissmetal pour 15mios d’euros. Une somme dont Xingjun Shang s’était porté garant avec son épouse et la maison mère Baoshida Holding, dont il préside le conseil d’administration. La banque est toutefois prête à collaborer pour trouver une solution satisfaisante pour les  créanciers et les collaborateurs.

En expliquant sa décision d’accorder ce sursis de quatre mois qui, au besoin, peut être prolongé, Gabriel Zürcher a dit être convaincu que c’était le meilleur moyen de valoriser les actifs, car cela permet de poursuivre les activités dans l’attente d’une reprise. Sinon, la seule alternative serait la mise en faillite immédiate, ce qui entraînerait la fin des activités, la résiliation des contrats de travail, la vente des immeubles et des machines. Or, dans une faillite, «les prix obtenus sont bas, les biens étant parfois bradés», a rappelé le juge.

Dans le cadre de la procédure de vente, le choix se portera sur l’entreprise tierce qui offrira les meilleures perspectives pour les créanciers, mais également pour le maintien des emplois et la pérennité de l’entreprise.

 

Derrière les barreaux

Dans le cadre de la procédure, des éléments comptables laissant entendre que des actes contraires aux intérêts de la société ont été découverts, ce qui a conduit le juge à informer le Ministère public. Cela concerne notamment le prêt de 15mios d’euros accordé par la China Development Bank dont il n’y a aucune trace. Celui-ci a ouvert une enquête pénale et ordonné la détention de Xingjun Shang, arrêté le 29octobre dernier. Il est en effet soupçonné de gestion déloyale, de faux dans les titres et éventuellement d’escroquerie. L’administrateur unique Xingjun Shang ayant été privé de ses droits, le Tribunal a mis en place une équipe de direction avec Claudio Penna à sa tête, qui travaille sous le contrôle du commissaire au sursis Andreas Bättig. Elle est chargée d’assurer la poursuite des activités avec le personnel pour maintenir la confiance et la satisfaction des clients, en attendant le rachat.

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