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Baoshida Swissmetal

Pas question de tergiverser

André Rezzonico met la pression pour pousser la China Development Bank à lever ses gages, afin de permettre le sauvetage de l’entreprise.

Le sauvetage de Baoshida Swissmetal se joue ces prochains jours. Stéphane Gerber

Par Philippe Oudot

Président de Swiss Team, la société qui veut sauver et racheter Baoshida Swissmetal (BSM), André Rezzonico commence à perdre patience. Par le biais d’un communiqué envoyé hier, il entend mettre la pression sur l’ambassadeur de Chine en Suisse, afin qu’il intervienne auprès de la China Development Bank (CDB), principal créancier (voir «Ça bouge du côté de l’économie et de la politique»). L’intransigeance de cette banque d’Etat risque en effet d’entraîner la faillite de BSM, dont le sursis concordataire court jusqu’au 22 mai prochain.

André Rezzonico rappelle que son offre de rachat a été acceptée par tous les créanciers, à l’exception de la CDB. C’était le 18 avril dernier. Le rachat et la reprise des deux sites de Reconvilier et de Dornach, et des 160employés est donc suspendue à la décision de la China Development Bankde lever ses gages immobiliers. Elle les avait obtenus en juillet 2018 de la part de Xingjun Shang, l’ancien administrateur unique de BSM, et portait sur les terrains et les bâtiments de l’usine de Reconvilier, pour un montant de 21mios de francs.

Gages illicites
Or, dénonce le boss de Swiss Team, ces gages ont été obtenus de manière illicite et sont donc révocables en justice, conformément aux dispositions de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. En effet, la CDBles a fait inscrire 20 mois après l’attribution d’un prêt de 16 mios d’euros octroyé par la banque. Une somme dont l’entreprise n’a jamais vu la couleur, et qui aurait été transférée en Chine. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à l’arrestation de Xingjun Shang, le 1er novembre 2018. Depuis, l’homme est en détention préventive pour gestion déloyale…

Or, poursuit André Rezzonico, la convention de prêt en question ne prévoyait pas l’octroi de tels gages. Qui plus est, la CDB n’avait demandé comme garantie que les engagements conjoints et solidaires de Xingjun Shang, de son épouse, et de la maison mère Baoshida, et cela alors même qu’elle avait connaissance de l’état de surendettement de Baoshida Swissmetal. La preuve? Tout juste trois semaines après l’inscription des gages au registre foncier, Baoshida Swissmetal déposait son bilan…

Perche tendue
Sachant que ces gages sont illicites, et donc que la China Development Bank risque de tout perdre, Andreas Bättig, commissaire au sursis, avait tendu une perche à l’établissement. Il lui proposait un paiement partiel d’environ 2mios, ainsi que la collocation du solde de la créance, soit environ 16mios de francs), en 3e classe. La CDBavait certes accepté le paiement partiel, mais exigeait que Swiss Team reprenne à sa charge le solde de la dette. Une requête tout simplement inacceptable, comme nous l’avait déjà confié André Rezzonico: «Nous sommes prêts à investir pour reprendre les actifs et sauver l’entreprise, mais certainement pas pour éponger la dette bancaire de la CDB.»

 

Ça bouge du côté de l’économie et de la politique

Depuis le 18 avril, date à laquelle la banque chinoise avait communiqué son refus de lever ses gages, la situation reste bloquée. Or, le temps presse. D’une part, parce que le sursis concordataire arrive à échéance le 22mai, et d’autre part, parce que l’incertitude actuelle mine la confiance des clients et risque de les inciter à aller voir ailleurs.

Mais les choses bougent en coulisses. Profitant de la visite d’Etat en Chine du président de la Confédération Ueli Maurer, André Rezzonico avait adressé une lettre à ses services pour les inciter à intervenir en haut lieu afin de raisonner la CDB. Si la question n’a pas été officiellement abordée lors de cette visite, un porte-parole du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche assure qu’«une série d’actions est actuellement en cours afin d’essayer de résoudre au mieux cette question».

Derrière cette langue de bois, Le JdJ a appris de source bien informée que la question avait été discutée jusqu’au niveau du conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du département. Directeur de l’Economie publique du canton de Berne, Christoph Ammann est quant à lui déjà intervenu auprès de l’ambassadeur de Chine en Suisse, afin de le sensibiliser à la mission de sauvetage engagée.

De son côté, André Rezzonico a reçu le soutien de Swissmem, l’association faîtière de l’industrie des machines, qui est elle aussi intervenue auprès de l’ambassade de Chine. «Aujourd’hui, le temps est compté. Il est donc urgent d’interpeller les autorités chinoises pour qu’elles agissent auprès de cette banque d’Etat qu’est la CDB», martèle-t-il. «Je compte sur le Conseil fédéral, afin qu’il démontre la qualité des relations entre la Suisse et la Chine en réglant les problèmes concrets lorsqu’ils surviennent.»

Par ailleurs, André Rezzonico estime qu’il faut prendre au mot l’ambassadeur de Chine, lui qui se plaignait de l’image souvent négative de son pays dans les médias. «Si le Gouvernement chinois ne prend pas rapidement les dispositions nécessaires pour que la CDB se conforme à l’ordre juridique suisse et rende les gages demandés et obtenus illicitement, il portera la responsabilité politique de la probable mise en faillite de BSM. Il ne s’agira plus alors de simples ‹préjugés› envers la Chine, mais de faits qui seront longs, très longs à oublier», clame-t-il.

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