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Reconvilier

«Je suis prêt à aller jusqu’au bout»

La direction de Baoshida Swissmetal et l’industriel André Rezzonico lancent un vibrant appel à la China Developement Bank: elle doit enfin lever les gages – illicites – qu’elle détient sur les terrains et immeubles de l’usine de Reconvilier pour permettre de sauver l’entreprise.

André Rezzonico (2e depuis la gauche), avec l’équipe de direction de Baoshida Swissmetal (de g. à dr.): Thomas Chicoine, Claudio Penna, Giulio Caccioppoli, et Jean-Marc Juen. Stéphane Gerber

Par Philippe Oudot

La pression continue de monter sur la China Development Bank (CDB), qui refuse toujours de lever les gages qu’elle détient sur les bâtiments et les terrains de l’usine Baoshida Swissmetal, à Reconvilier (voir ci-dessous). Une levée indispensable pour permettre le rachat des actifs et le sauvetage de l’entreprise, en sursis concordataire. C’est ce qu’ont martelé hier André Rezzonico, président de Swiss Team, la société qui veut racheter les actifs de Baoshida Swissmetal, et son CEOClaudio Penna au cours d’une conférence de presse tenue dans les locaux de l’usine. Ce dernier était accompagné de son équipe de direction – Thomas Chicoine (ventes), Giulio Caccioppoli (production) et Jean-Marc Juen (qualité).

Comme l’a rappelé Claudio Penna, l’entreprise a connu une année extrêmement difficile l’an dernier:avis de surendettement en juillet, ajournement de faillite en octobre, sursis concordataire depuis décembre. «Malgré ces difficultés, la situation opérationnelle est positive. Nous avons eu un résultat équilibré en 2018, en nette amélioration par rapport à l’année précédente. Et c’est toujours le cas au 1er trimestre 2019.»

«Dur et compliqué»
Pour le CEO, cela n’a été possible qu’au prix d’un travail «dur et compliqué», grâce au soutien de ses clients, aux efforts et à l’engagement du team de direction et du personnel, et à la qualité des produits. Trois facteurs déterminants qui ont convaincu l’industriel André Rezzonico et ses deux partenaires de Swiss Team de s’engager pour sauver l’entreprise.

Hier ce dernier a assuré qu’il ferait tout pour sortir de l’impasse actuelle. «Je suis prêt à aller jusqu’au bout!» Et d’ajouter que Swiss Team entendait s’engager à long terme pour sauver l’entreprise. «Notre offre, acceptée par le juge et le commissaire au sursis, est aujourd’hui bloquée par l’obstination de la CDB. Elle prévoit le rachat des actifs pour 9mios, à la reprise de l’ensemble du personnel et à la poursuite des activités sur les deux sites de Reconvilier et Dornach. Aplus long terme, lorsque le contrat de bail de l’usine de Dornach arrivera à son terme, à l’horizon 2024-2026, nous allons regrouper l’ensemble des activités ici, à Reconvilier. Nous avons donc du temps devant nous pour préparer ce regroupement de façon intelligente et structurée», a expliqué André Rezzonico.

Et d’ajouter que la démarche de Swiss Team s’inscrivait à long terme et que ni lui ni ses partenaires n’attendaient de dividendes rapidement. «Nous voulons d’abord redonner une chance industrielle à Swissmetal dans le futur, et pour y parvenir, nous sommes disposés à procéder aux investissements nécessaires.»

Concrètement, André Rezzonico a précisé qu’il ferait confiance à l’équipe de direction et que lui-même n’aurait pas de rôle opérationnel. «Comme président du conseil d’administration, je me concentrerai sur la stratégie en apportant ma très connaissance du marché, en tant que plus gros client pour les alliages destinés à la connectique.»

Restaurer la confiance
Les prochaines étapes? D’abord, rencontrer le personnel «afin de regagner sa confiance avec des faits, pas avec des mots». Dans ce contexte, il a assuré que la nouvelle Swissmetal resterait membre de l’association faîtière Swissmem et qu’elle continuerait à appliquer la CCT.

La confiance, il faudra aussi la regagner auprès des clients, mise à mal par les épreuves traversées par l’entreprise. Enfin, «nous allons faire les investissements nécessaires pour assurer la production à long terme. En six ans, Baoshida n’a investi que 300000fr., une somme totalement dérisoire.» De son côté, Swiss Team a établi une planification financière, avec un fonds de roulement immédiat de 8 à 10 mios de francs pour financer l’achat de la matière, et des engagements de l’ordre de 3,5 mios de francs par année d’ici à 2023, aussi bien pour les investissements de croissance que ceux de remplacement.

 

Ces gages immobiliers qui posent problème

Pour que Swiss Team puisse aller de l’avant, la société doit d’abord obtenir la levée des gages que détient la China Development Bank. Or, a répété André Rezzonico, «ces gages sont illicites, et donc révocables. D’abord parce qu’ils ont non seulement été obtenus, mais en plus demandés, 20 mois après le décaissement d’un prêt de 16 mios sans que rien de tel n’ait été prévu dans le contrat original. De plus, lors de cette opération, la CDBavait parfaitement connaissance de l’état de surendettement de Baoshida Swissmetal.»

Sans être aussi affirmatif, le commissaire au sursis Andreas Bättig observe qu’«en raison des circonstances connues à ce jour, il y a lieu de croire que les gages obtenus par la CDB feront l’objet d’une action révocatoire selon la loi sur la faillite». Une interprétation contestée du côté de la CDB, où l’on rappelle que lesdits gages ont été inscrits en bonne et due forme au registre foncier et sont donc licites.

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras
Pour l’heure, la CDB refuse de lever ces fameux gages et rejette la proposition faite en mars dernier par Andreas Bättig. Le commissaire au sursis  avait en effet proposé à la banque de lever ses gages moyennant un paiement partiel d’environ 2mios, le solde de la créance étant colloqué en 3e classe. Une requête écartée par la CDB, qui exigeait de Swiss Team la reprise à sa charge de la totalité du solde de la dette.

Certes, a admis André Rezzonico, la CDBn’apprécie certainement pas d’avoir été roulée par Xinjung Shang, l’ancien administrateur unique de Baoshida Swissmetal à qui elle avait prêté 15mios d’euros et qui se trouve aujourd’hui en détention préventive pour gestion déloyale. «La banque a accordé un prêt et elle a perdu. Mais aujourd’hui, la CDBpeut s’en sortir avec les honneurs en levant ses gages pour sauver l’entreprise. Dans ce contexte, j’invite l’ambassadeur de Chine en Suisse à se montrer persuasif auprès de cette banque d’Etat pour qu’elle fasse preuve de professionnalisme et remette ces gages obtenus de façon illicite. Sinon, en cas de faillite, elle risque de tout perdre», martèle-t-il. De surcroît, poursuit-il, les autres créanciers, qui ont tous accepté la proposition de Swiss Team, pourraient bien se retourner contre la CDBet lui réclamer des dommages et intérêts. «Nous pourrions aussi le faire, mais j’espère bien ne pas en arriver là».

Pour l’heure, malgré l’intervention du canton de Berne, de la Confédération et de Swissmem auprès de l’ambassadeur de Chine, la CDBreste sourde aux appels. Les choses semblent toutefois quelque peu bouger – «je sens que ça frémit» –, car le dossier se trouve maintenant au siège de la CDB, à Pékin. Pour André Rezzonico, «la résolution de cette affaire offre une excellente occasion de démontrer de façon concrète la bonne qualité des relations entre la Chine et la Suisse…» pho

 

Un plan B en cas de faillite

Si André Rezzonico remue ciel et terre pour obtenir la levée de ces fameux gages immobiliers, il sait cependant que l’intransigeance de la CDB peut entraîner la faillite de BaoshidaSwissmetal. Il cherche bien sûr à éviter un tel scénario, mais cela ne signifierait pas forcément la mort de Swissmetal.

En effet, le cas échéant et d’entente avec le commissaire au sursis, il planche sur un scénario alternatif permettant la poursuite des activités industrielles, tout en respectant les règles du droit suisse en matière de faillite. «C’est une disposition juridique qui existe, mais qui est peu pratiquée. En général, quand une entreprise tombe en faillite, c’est qu’elle n’a plus de clients, plus de personnel, plus de compétences. Mais rien de tel dans le cas qui nous occupe, puisque l’entreprise a des clients et du personnel compétent et des résultats équilibrés! Son problème vient de l’ancien actionnaire, qui s’est montré incapable de mettre à disposition les moyens pour le financement des achats de matière!»

Dans ce contexte, poursuit-il, il faut tout faire pour que la production puisse continuer sans interruption. «Le but, c’est de sauver l’entreprise. Cela passe par la mort de Baoshida et la renaissance de Swissmetal», observe André Rezzonico. Il note toutefois qu’en cas de faillite, Swiss Team devra sans doute revoir le financement de son projet. D’autant que d’autres repreneurs potentiels pourraient alors se montrer intéressés. «Eh bien, on verra. Je souhaite vraiment mener mon projet à bien, mais ce qui compte avant tout, c’est d’assurer la pérennité de l’entreprise. Si un autre repreneur compétent, qui connaît ce secteur industriel, est prêt à se lancer, eh bien tant mieux…» pho

 

De bon augure 

Présent hier lors de la conférence de presse, le maire de Reconvilier Daniel Buchser se montrait prudemment positif, malgré les incertitudes qui pèsent toujours sur ce joyau industriel en difficulté.

«Nous sommes en contact avec la direction, qui nous informe de la situation.» Cela n’a pas toujours été le cas, les administrateurs chinois n’ayant pas la même mentalité ni la même culture qu’en Occident. Daniel Buchser rappelle en effet qu’en Asie, et en particulier dans l’Empire du Milieu, les interlocuteurs ne doivent jamais perdre la face, d’où l’importance de trouver une bonne solution.

Cela dit, si Swiss Team parvient à ses fins et que la nouvelle Swissmetal rapatrie toutes ses activités industrielles à Reconvilier à l’horizon 2026, «cela ne peut être que positif pour notre commune». pho

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