Vous êtes ici

Abo

Conseil des Etats

La bouteille à l’encre

Le 2e tour de l’élection à la Chambre haute est très incertain. Si Regula Rytz (Les Verts), Hans Stöckli (PS) et Werner Salzmann (UDC) sont les mieux placés, Christa Markwalder (PLR) peut jouer les trouble-fêtes.

Ils sont quatre à se battre pour pouvoir siéger à la Chambre haute (de g. à dr.): Regula Rytz, Hans Stöckli, Werner Salzmann et Christa Markwalder. Archives

Par Philippe Oudot


Le 2e tour de l’élection au Conseil des Etats, qui aura lieu ce dimanche, s’annonce des plus passionnants et des plus incertains. Au premier tour, le 20 octobre dernier, aucun des 15candidats en lice n’ayant obtenu la majorité absolue, les deux sièges sont donc à repourvoir. Pour rappel, le sortant Hans Stöckli (PS, Bienne) était arrivé en tête, avec 122263voix, devant Regula Rytz (Les Verts, Berne, 119960), Werner Salzmann (UDC, Mülchi, 119630), Beatrice Simon (PBD, Seedorf, 82283) et Christa Markwalder (PLR, Berthoud, 61904), les autres suivant loin derrière.

Beatrice Simon ayant jeté l’éponge, les quatre autres se retrouvent donc dans l’arène. «Un tel duel gauche-droite avec quatre candidats est une première dans le canton de Berne», observe le mathématicien et observateur politique Marc-André Röthlisberger, expert politique pour Le JdJ. Ce dimanche, le scrutin se déroulera à la majorité simple. En clair, les deux candidats qui auront récolté le plus de voix seront élus.

Comme le montre le tableau ci-dessous, les trois premiers se sont retrouvés dans un mouchoir de poche au premier tour, Hans Stöckli engrangeant 20%des suffrages, talonné par Regula Rytz et Werner Salzmann, avec également pratiquement 20% des voix. Quant à Christa Markwalder, elle était nettement distancée, avec 10%des suffrages.

Gauche contre droite
En examinant les résultats de plus près, observe Marc-André Röthlisberger, on constate que les deux candidats rose-vert ont récolté ensemble environ 40%des suffrages, contre 30%pour leurs challengers de droite. «Les 30% de voixrestantes sont allées avant tout aux autres candidats du centre, principalement à Beatrice Simon (PBD), à Kathrin Bertschy (pvl)et à Marianne Streiff (PEV)».

Une des clés de ce 2e tour sera le taux de participation. Le 20 octobre dernier, il s’était élevé à 47% au niveau cantonal. Or, constate notre expert, on observe généralement un taux de participation plus faible au second tour. Cette année, il estime qu’il pourrait être inférieur à 40%. Autant dire que les candidats qui sauront mobiliser les électeurs au-delà du cercle de ceux qui leur sont traditionnellement acquis ont les meilleures chances d’être élus.

Stöckli à la peine
L’objectif est donc en particulier de séduire les 30% d’électeurs (plus de 187000) qui, au premier tour, ont voté pour des candidats du centre. Concernant le sortant Hans Stöckli, Marc-André Röthlisberger a comparé son score du 20 octobre au 1er tour à celui qu’il avait réalisé en 2015. Or, la tendance est négative. Au niveau cantonal, il n’a engrangé cette année que 20% des suffrages, contre 24% il y a quatre ans, soit un recul de 4%.

Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Tout d’abord le recul général du PS au profit des Verts, mais aussi sa position dans le dossier de l’A5, voire son engagement dans la candidature de Sion pour les Jeux olympiques, sans oublier le nombre plus élevé de candidats par rapport à 2015. Le recul est même plus marqué dans sa ville de Bienne (-5%) et dans l’arrondissement de Bienne (-5% également), alors qu’il est plus modeste dans le Jura bernois (-2%).

Pour notre interlocuteur, cela montre en tout cas que ce qu’on appelait la prime au sortant n’a plus cours, comme le démontre le résultat des élections de dimanche passé dans le canton de Fribourg. La jeune PLR de 31ans Johanna Gapany y a en effet éjecté le PDC sortant Beat Vonlanthen pour 138 voix, grâce à l’effet «jeune» et au soutien actif de l’UDC.

Cela dit, grâce à son positionnement de socialiste plutôt modéré et pragmatique, Hans Stöckli va très certainement améliorer son résultat au 2etour grâce à des reports de voix du centre. Marc-André Röthlisberger relève toutefois qu’il a besoin d’un sursaut et d’une forte mobilisation pour assurer sa réélection. Ses partisans l’ont d’ailleurs bien compris, eux qui multiplient dans la presse les appels à soutenir le sénateur sortant avec, notamment, l’appui de personnalités de centre droite.

Résultat époustouflant
Marc-André Röthlisberger s’est ainsi penché sur le score de Regula Rytz, de Werner Salzmann et de Christa Markwalder, qui étaient aussi en lice pour le Conseil national. S’agissant de la candidate écologiste, il qualifie d’ailleurs son score au premier tour d’«époustouflant». Avec 119 960 suffrages, elle a en effet engrangé près de 47000 voix de plus que sa collègue de parti Christine Häsler il y a quatre ans! «L’explication est toute simple: elle a bénéficié de la vague verte, féministe et plus jeune», observe l’analyste: «A mon avis, elle a une assez bonne probabilité d’être élue.»

Il note part ailleurs qu’avec un taux de participation sans doute plus faible qu’au 1er tour, le scrutin de dimanche sera aussi un test de résistance pour Les Verts. Et si Regula Rytz devait être élue, c’est la députée Natalie Imboden, première des viennent-ensuite, qui accéderait au Conseil national.

Que fera la campagne?
S’agissant de Werner Salzmann, notre expert constate qu’avec 20% des suffrages, le candidat UDC a réalisé un score moyen au 1er tour. S’il a fait le plein des voix parmi les électeurs de son parti, il n’a pas vraiment été soutenu par les partenaires bourgeois PLR et PBD. «Pour le 2e tour, la situation est simple: la mobilisation dans les campagnes sera décisive. Si les électeurs du PLRinscrivent le nom de Salzmann sur la 2e ligne de leur bulletin et que ceux du PBDne restent pas à la maison, l’agrarien a une réelle chance d’être élu», observe Marc-André Röthlisberger. Si tel devait être le cas, c’est le député Lars Guggisberg qui accéderait à la Chambre basse, Manfred Bühler devenant du coup premier des viennent-ensuite.

Surtout des voix du centre
Quant à Christa Markwalder, elle accuse certes un important retard à l’issue du premier tour, mais des quatre candidats, c’est elle qui devrait le plus améliorer son score. «Elle peut en effet attirer des voix du centre, en particulier du pvl et du PBD, mais sans doute moins du côté de l’UDC.» Pour de nombreux électeurs agrariens, son positionnement en faveur de l’Europe – elle fut présidente du NOMES (Nouveau mouvement européen suisse) est assurément rédhibitoire.

Selon notre expert, Christa Markwalder va certes prendre l’ascenseur, «mais elle a surtout le potentiel de nuire aux trois autres candidatures». Et si la stratégie du PLRdevait porter ses fruits et conduire à l’élection de sa candidate, c’est Sandra Hess, députée et mairesse de Nidau, qui ferait son entrée au Conseil national.

La deuxième ligne
L’élection de ce dimanche va non seulement se jouer sur la capacité des candidats et des partis à mobiliser leurs sympathisants, mais aussi à les inciter à remplir les deux lignes de leur bulletin de vote. En effet, explique Marc-André Röthlisberger, «si la première ligne va au candidat qui correspond le mieux à ses préférences, la 2e ligne est très souvent utilisée tactiquement, pour pousser telle ou telle personne, pour en éviter une autre, ou alors pour voter blanc. Or, quasiment un électeur sur trois n’utilise pas la 2e ligne. C’est en particulier le cas à droite, alors qu’à gauche, on vote de façon plus solide et compacte.»

Notre interlocuteur se garde bien de faire des pronostics, tant les jeux sont ouverts. Si tous les scénarios sont possibles, il considère toutefois que Regula Rytz, Hans Stöckli et Werner Salzmann sont les favoris, avec toutefois un léger avantage à la candidate des Verts. Selon ses projections, ils se tiennent dans un mouchoir de poche, avec plus ou moins 27%des suffrages chacun. Quant à Christa Markwalder, sauf coup de théâtre, elle ne devrait pas figurer dans le ticket gagnant, avec 19%des voix, voire un peu plus. Quant à la marge d’erreur, elle est d’environ 2,5%.

Faites vos jeux, rien ne va plus...
Dans ce contexte, Marc-André Röthlisberger considère que trois éléments principaux vont déterminer les résultats de l’élection de ce dimanche: d’abord, la capacité de mobilisation des partis au-delà de leur propre cercle. Ensuite, l’utilisation, ou non, de la deuxième ligne sur le bulletin de vote. Et finalement, cela dépendra de l’attitude des électeurs du centre, en particulier de ceux du PBD. Alors que leur parti avait conclu un apparentement avec les partis du centre pour les élections au Conseil national, vont-ils se rallier à la candidature de droite de Werner Salzmann pour éviter le double ticket rose-vert? Réponse dimanche en fin d’après-midi!

Articles correspondant: Région »