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Finances bernoises

Berne croule sous les millions

Le canton a bouclé son exercice 2018 avec un excédent de 261 mios. La directrice des Finances Beatrice Simon appelle toutefois à ne pas relâcher la discipline, car l’horizon reste sombre.

Pour Beatrice Simon, la création du Fonds pour les investissements stratégiques est indispensable. Archives

Par Philippe Oudot


Avec un solde positif de 261 mios de francs, le canton de Berne affiche le 2e meilleur résultat de ces 10 dernières années, après celui de 2009, qui avait bouclé avec un excédent de 268 mios. De quoi réjouir la directrice des Finances Beatrice Simon, qui présentait hier à la presse les comptes annuels de l’exercice 2018. «Ce résultat réjouissant s’explique par la bonne conjoncture économique, qui s’est traduite par une augmentation des recettes, mais aussi en raison de deux facteurs extraordinaires qui n’étaient pas prévus. D’abord, le dividende double versé par la Banque nationale suisse (BNS), et ensuite, la vente d’un terrain à la ville de Berne», a-t-elle souligné.

C’est Immanuel Gfeller, administrateur des finances suppléant, qui a présenté les chiffres plus en détail. Au niveau des recettes, le canton a encaissé 11,709 milliards de francs, alors qu’elles figuraient à hauteur de 11,280 milliards au budget. Côté dépenses, elles se sont élevées à 11,448 milliards (contre 11,171 milliards au budget). Après l’exercice 2017, qui avait affiché un léger excédent de dépenses de 5 mios, l’exercice 2018 boucle donc sur un solde positif de 261mios.

Projets en retard
S’agissant des investissements nets, ils sont inférieurs de 83mios au montant inscrit au budget (-27%): au lieu de 469mios, ils ne totalisent que 386mios. Une somme qui est de 148mios inférieure au niveau moyen des dix dernières années. Les principales raisons de cette baisse massive des investissements en sont des retards dans la réalisation de projets, mais aussi des transferts comptables du compte des investissements vers celui de résultats.

Quant au solde de financement, il s’est élevé à 277mios, contre 35mios prévus au budget. Atitre de comparaison, il était de 69mios en moyenne ces dernières années. Immanuel Gfeller a par ailleurs précisé que les investissements étaient non seulement entièrement autofinancés, mais que le degré d’autofinancement avait atteint 172%.

De gros écarts
L’administrateur des finances suppléant a aussi donné quelques explications quant aux grands écarts par rapport au budget. Grâce à la bonne conjoncture, le canton a engrangé 164mios de plus que le montant budgeté. Asavoir, 46mios au titre de l’impôt sur les personnes physiques, 32mios pour les personnes morales, 41mios de sources diverses (taxes immobilières, impôt sur les successions, etc.), 40mios, montant qui correspond à la part du canton aux recettes fédérales, ainsi que 4,6mios de taxes sur les véhicules. «Cette dernière s’explique par le nombre plus élevé d’automobiles, mais aussi parce que ces dernières sont toujours plus lourdes», a indiqué Immanuel Gfeller.

Pas de quoi jubiler
Si le Conseil exécutif se réjouit des bons résultats de cet exercice comptable, il ne jubile pas pour autant, a indiqué Beatrice Simon. «Sans les 118mios provenant du double dividende versé par la BNS et de la vente du terrain à la ville de Berne, le résultat aurait été très proche de celui figurant au budget.» Et de préciser que sur les 81mios supplémentaires versés par la BNS, 55 ont été directement affectés au compte de résultat. Quant au solde de 26mios, il a été alloué au Fonds des distributions du bénéfice de la BNS, qui a désormais atteint le plafond maximal autorisé, soit 250mios.

Tout en se refusant à peindre le diable sur la muraille, la grande argentière a affirmé que si la situation financière actuelle était bonne, elle risquait fort de se dégrader ces prochaines années. D’abord en raison de la réforme de la péréquation financière, car à partir de 2021, Berne pourrait perdre 100 à 150mios (sur le 1,2milliard qu’il touche aujourd’hui).

Investissements massifs
Ensuite, parce qu’à partir de 2022, le canton fera face à de gros besoins en investissements (de 500 à 700mios)pour financer divers projets, dont le Campus de la Haute Ecole spécialisée à Berne, le renforcement du site médical bernois, le campus de Berthoud ou encore l’extension de la gare de Berne.

Et c’est sans compter la hausse des dépenses à venir liée au gonflement prévu des effectifs de la police cantonale, la hausse des salaires du personnel enseignant, indispensable pour lutter contre la pénurie. S’y ajoute l’augmentation du montant alloué à la réduction des primes de l’assurance maladie, suite à un jugement du Tribunal fédéral. De surcroît, en raison de l’évolution démographique, les charges vont continuer de croître dans le domaine de la santé, des personnes âgées, ainsi que dans celui du social.

Comme l’a rappelé la ministre des Finances, la forte hausse des besoins d’investissements prévue à partir de 2022 correspond aussi au programme de législature du Conseil exécutif pour les années 2019 à 2022 et à sa volonté de miser sur des projets d’avenir. Cette volonté s’inscrit aussi dans la vision «Engagement2030» au travers de laquelle le gouvernement et le Grand Conseil veulent accroître le potentiel des ressources et la capacité économique du canton, a-t-elle rappelé.

Un Fonds indispensable
Pour pouvoir mener à bien tous ces projets, le gouvernement mise sur le Fonds de financement de projets d’investissement stratégiques qu’il entend mettre sur pied. Ce projet sera soumis au Grand Conseil lors de la session de septembre prochain. Pour Beatrice Simon, «les bons résultats de l’exercice 2018 offrent une chance de mettre en œuvre la vision ‹Engagement2030›».

Dans ce contexte, le Conseil exécutif propose au Grand Conseil d’affecter au futur Fonds le montant de 150mios prélevé sur l’excédent de l’exercice 2018.

Dans le même temps, a-t-elle précisé, le gouvernement est en train de passer en revue tous les projets pour déterminer ceux qui pourraient être reportés, voire supprimés, afin de réduire le pic des investissements attendus ces prochaines années.

Après un premier tour d’horizon, il apparaît d’ores et déjà impossible de mener à bien les grands projets prévus (campus de la Haute Ecole bernoise, renforcement du site médical, etc.) sans la création du Fonds envisagé. Le Conseil exécutif présentera les résultats de son analyse à fin août, lors de la présentation du budget 2020 et du plan financier 2021-2023.

 

Comptes 2018

– 11,448 Charges, en milliards de francs (11171 au budget).

– 11,709 Revenus, en milliards de francs (11280 au budget).

– 261 Compte de résultats (en mios de francs;108mios inscrits au budget, soit une amélioration de 152mios).

– 386 Investissements nets (en mios; 469mios inscrits au budget, soit une baisse des investissements de 83mios).

– 277 Solde de financement (en mios; 35mios inscrits au budget, soit un écart positif de 241mios).

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