Vous êtes ici

Abo

Canton de Berne

Chemise brune? Non, chemise edelweiss

Contrairement à d’autres régions du pays, le port de la fameuse liquette n’est pas jugé provocateur par Leurs Excellences

Entre la chemise edelweiss et les pulls Lonsdale, quelle différence? LDD

Pierre-Alain Brenzikofer

En mars 2015, un établissement scolaire de Willisau, dans le canton de Lucerne, a froidement interdit à ses élèves le port de la chemise edelweiss. Motif:porter cette chemise de paysan serait un acte raciste et discriminatoire. Autre incident provoqué par ce vêtement? Dix élèves de l’école secondaire Berg, de Gossau, dans le canton de Zurich, sont arrivés en classe vêtus de la fameuse camisole. L’enseignante les a priés d’aller se rhabiller et leur a interdit le port de cette maudite lingerie, raciste selon elle.

Inutile de préciser qu’en rapportant ce qui précède, le député UDC de Weissenburg (santé!) Thomas Knutti s’est déclaré horrifié. Intransigeant avec les carnassiers comme il l’est avec les ennemis des traditions, il vient d’interpeller fermement l’Ours à ce propos. Ce dernier, qui ne se prend certes pas pour Karl Lagerfeld, a néanmoins tenu à minimiser cette intrigue vestimentaire.

Ce que Thomas Knutti ne dit pas ici, c’est que l’UDCa parfois récupéré cette chemisette à des fins électoralistes. Bon, Yves Nidegger ainsi grimé, ça ne la fait pas trop...

Patrie et Simmental

Thomas Knutti, lui, n’en démordait pas: «La patrie et ses traditions suscitent notre fierté. Chaque pays a ses traditions, la chemise edelweiss en est une chez nous. On nous demande d’accepter les autres cultures, mais la réciprocité doit aussi être vraie», assénait-il dans son interpellation. «Le port du foulard est admis, alors que celui de la chemise edelweiss serait jugé raciste et provocateur? Mais où allons-nous? Nous faut-il renier notre culture, nos valeurs et notre religion pour qu’on ne puisse pas nous reprocher d’être racistes?» insistait cet ardent patriote du Simmental.

A le lire, cette interdiction de la chemise dans d’autres cantons aurait choqué bien des élèves de celui de Berne. En guise de protestation, moult jeunes de l’école secondaire d’Erlenbach, toujours dans le Simmental, seraient venus en cours parés de cette rurale baby-doll.
Dans ce contexte d’effondrement des valeurs, Thomas Knutti avait forcément assiégé le gouvernement, curieux qu’il était de savoir si l’agressé pensait aussi que porter une telle tunique était un acte raciste. Et de demander là-dessus si notre edelweiss contrevenait au code vestimentaire en vigueur dans nos écoles, si son interdiction avait déjà été prononcée en terre bernoise, si les élèves pourraient au contraire continuer à la porter...

Pas raciste pour un sou

«Enfin, le Conseil exécutif est-il disposé à intervenir auprès des membres du corps enseignant pour leur demander de veiller au respect de nos traditions?» concluait le député.

Du côté du Rathaus, en affirmant bien haut que se parer d’une liquette edelweiss n’a rien d’un acte raciste, on rappelle surtout que le canton de Berne n’a édicté aucun code vestimentaire pour les établissements de la scolarité obligatoire. Ce sont les parents qui sont responsables de l’habillement des élèves, nous apprend-on. Les autorités scolaires communales ont toutefois la possibilité d’imposer des restrictions dans un règlement ou des directives, par exemple dans le but de préserver le mobilier (port de pantoufles) ou de sauvegarder la moralité des élèves.

«Les commissions scolaires et les directions d’école peuvent en outre restreindre la liberté des élèves en matière d’habillement, lorsque certaines tenues vestimentaires empêchent l’école d’assumer son mandat de formation...»
De toute façon, Leurs Excellences n’ont connaissance d’aucune interdiction de ce vêtemement sur leur vaste territoire. Heureux élèves, donc, qui ne seront pas obligés, comme les enfants des cités mentionnés par Zebda, de laisser tomber cette sacrée chemise.

Que font les profs?

Last but not least, le méfiant Thomas Knutti se demandait encore si le Conseil exécutif était disposé à intervenir auprès des membres du corps enseignant pour leur demander de veiller au respect de «nos traditions».

Eh bien, foi de plantigrade, les profs sont parfaitement conscients de l’importance desdites traditions, également des suisses: «Ils abordent cette question avec circonspection et sont habitués à composer avec différentes traditions ainsi qu’à mettre ces dernières en lumière sous divers angles. Les traditions tiennent une place importante dans les plans d’études pour la scolarité obligatoire.»

Pas nécessaire, donc, d’informer davantage tous ces bons profs.

Il y a de cela fort longtemps, on en connaît un qui n’osait arborer sa chemise à fleurs – d’autres espèces de fleurs, donc – que sous un col roulé. En ce temps-là, pourtant, il n’était encore question que du PAB...

Articles correspondant: Région »