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Tavannes

Des machines et des rats

Après le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, le Soudan, le Tchad, le Sénégal et quelques autres points chauds de la planète, l’entreprise Digger DTR a envoyé une de ses célèbres machines de déminage au Mozambique pour une nouvelle mission à but humanitaire. Des rats très particuliers sont de la partie...

Une machine Digger DTR.

Après le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, le Soudan, le Tchad, le Sénégal et quelques autres points chauds de la planète, l’entreprise Digger DTR a envoyé une de ses célèbres machines de déminage au Mozambique pour une nouvelle mission à but humanitaire. Cette Digger D3, robuste, fiable et efficiente, vogue actuellement quelque part sur l’océan en route pour Maputo. Là-bas en Afrique australe, la machine conçue à Tavannes s’alliera avec des démineurs locaux et une extraordinaire brigade de... rats de Gambie. Ces rongeurs, qui n’ont que peu à voir avec les rats d’égout, sont bien plus grands puisqu’ils peuvent peser jusqu’à 1,4 kilo. C’est tout de même assez léger pour ne pas risquer de faire sauter les mines qu’ils détectent. Dressés pour flairer l’explosif contenu dans les mines antipersonnel, le TNT, ces rats sont élevés par une ONG belge APOPO, basée en Tanzanie. Leur efficacité est remarquable et l’espoir est grand de voir leur association avec la machine Digger produire les meilleurs effets.

Digger n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de récolter des lauriers. Un rapport de l’ONG Handicap International démontre que l’utilisation d’une machine Digger en Casamance (partie sud du Sénégal, située au sud de la Gambie) réduisait de dix fois le prix du déminage. Pour rendre un mètre carré à la population, il faut compter 70 dollars en travaillant avec des démineurs humains mais seulement 7 dollars avec l’engin de Digger. En d’autres termes, une machine Digger fournit le même travail que 200 personnes formées au déminage.
Du coup, la mission sénégalaise, qui consistait à déminer 200 000 mètres carrés de terrain, a été achevée avec trois mois d’avance sur le calendrier initial, révèle dans son éditorial la 3e parution du bulletin trimestriel DNews, sous la plume de Charles Seilaz. «Le projet conduit au Mozambique sera particulièrement important», note, de son côté, Frédéric Guerne, l’infatigable fondateur de Digger. Comme partout ailleurs, il s’agit de rendre aux populations des terres que les parties prenantes au conflit qui s’est achevé dans les années nonante ont polluées de mines antipersonnel, ces invisibles engins qui continuent de mutiler des civils bien après la fin des conflits.
«Il s’agira aussi de démontrer symboliquement qu’un des pays les plus pauvres de la planète peut respecter ses engagements visant à rendre la terre aux paysans en conformité avec sa ratification du traité d’Ottawa. La Direction de la coopération et du développement et bien d’autres organismes sont partie prenante et souhaitent que d’ici à 2015, il n’y ait plus de mines sur le territoire mozambicain», explique Frédéric Guerne.
Concrètement sur le terrain, les modalités de la collaboration entre les rats et les machines n’est pas encore clairement établie. Il a d’abord été question que ces rongeurs au flair imparable soient utilisés pour chercher d’éventuelles mines oubliées derrière le passage de la machine. Une opération indispensable selon les règles en vigueur du déminage humanitaire, quand bien même la machine détruit pour ainsi dire à coup sûr la totalité des mines.

Mais il apparaît que les mines détruites par la Digger dégageront de fortes quantités de TNT explosées ou non, qui répandront leur odeur sur toute la zone, rendant impossible la détection fine par les rats renifleurs. Impossible donc de les utiliser pour les tâches de contrôle.
«En revanche, se réjouit Frédéric Guerne, ils pourront se montrer très efficaces dans la phase qualifiée de réduction de zone, soit l’identification des terrains sur lesquels se trouvent bel et bien des mines qu’il faudra retirer.»
Cette association de la haute technicité fournie par Digger et de la subtile utilisation du flair d’animaux bien dressés a de très bonnes chances de déboucher sur des résultats encore plus efficaces et d’accélérer à relativement peu de frais le laborieux processus du déminage humanitaire.
A Tavannes, Digger en est à sa quatorzième année d’existence, dont dix ans de présence sur le terrain. Son objectif n’a pas changé. Il s’agit de fournir la meilleure aide possible aux populations victimes des mines antipersonnel ou des sous-munitions, sans rechercher le profit. Après des débuts très laborieux dus aux différentes pistes qu’il a fallu explorer pour répondre à des exigences changeantes des organisations de déminage, Digger DTR produit désormais des machines d’une excellente fiabilité, les D3, qui succèdent aux D2 et au prototype initial D1. Pour la petite histoire, le logo de Digger représente un animal mythique (une sorte de tamanoir) occupé à flairer le sol. Si à l’époque Frédéric Guerne avait su avec qui il collaborerait quatorze ans plus tard, il aurait peut-être choisi le rat de Gambie pour symbole! /Blaise Droz

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