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Elles boycottent des cours et finissent au tribunal

Le nouveau numéro de la revue Intervalles revient sur l’histoire des jeunes femmes s’étant indignées contre les cours ménagers obligatoire, en 1979.

Françoise Tanguy, Anne-Dominique Grosvernier, Danièle Tosato-Rigo et Eveline Pheulpin se sont retrouvées, 41 ans après, sur les marches du tribunal régional Jura bernois-Seeland. Yann Staffelbach

Par Jérôme Burgener

«C’est un grand plaisir de revenir ici et de retrouver celles avec qui j’ai combattu. D’autant plus que je ne les ai plus vues depuis longtemps», s’est réjoui Anne-Dominique Grosvernier, 41 ans après le verdict qui l’avait vu condamnée à une amende de 90francs en compagnie de ses camarades.


Leurs crimes? Avoir boycotté les cours ménagers obligatoires uniquement pour les femmes, lors de leur formation au gymnase de Bienne, en 1979. Françoise Tanguy était également contente d’être présente, hier, lors du vernissage du dernier numéro de la revue Intervalles qui s’intéresse à cette «grève des casseroles». Elle a tout de même confié ressentir une certaine amertume: «On peut dire que la situation n’a pas tant changé que ça, surtout après la baffe que les femmes se sont pris mercredi, avec l’augmentation de l’âge de la retraite à 65ans...»


Petit retour en arrière, en 1979. A cette époque, les gymnasiennes et les apprenties qui terminaient leur formation étaient obligées de suivre pendant plusieurs semaines un cours sur la tenue d’un ménage et sur la cuisine. Un groupe de Biennoises, constitué de Françoise Tanguy, Anne-Dominique Grosvernier, Danièle Tosato-Rigo et Eveline Pheulpin notamment en ont eu assez et ont décidé de boycotter, de ne plus suivre ces cours. «Nous avons alors reçu une convocation mais nous ne nous sommes pas présentées», a raconté Françoise Tanguy, poursuivant:«L’école nous a alors envoyé une amende. Nous avons décidé de ne pas la payer afin d’être convoquée au tribunal. Une opportunité parfaite pour avoir une tribune et exprimer nos revendications d’égalités.» Les boycotteuses voulaient simplement que les cours ménagers deviennent mixtes et facultatifs. Les boycotteuses n’étaient pas effrayées de se rendre au Tribunal régional Jura bernois-Seeland, ce 28 août 1980. «Nous attendions cette audience, nous avions préparé ce procès», a relaté Danièle Tosato-Rigo.


Les médias et le public
Par le biais de ce procès, de pétitions et de manifestations, les jeunes femmes s’étaient attiré l’attention du public. «On aurait dit le procès du siècle. Il y avait 200 personnes qui voulaient y assister. Nous n’arrivions pas à accéder à la salle», s’est souvenue une des boycotteuses.


L’affaire a également suscité l’intérêt des médias, régionaux et internationaux, comme s’est souvenue Françoise Tanguy: «Nos revendications, ainsi que les implications juridiques ont été relatées dans le New York Times ou sur la BBC.»


Au final, les jeunes femmes ont été condamnées à une amende de 90 francs. Quelques années après la condamnation, les autorités cantonales bernoises ont procédé à des modifications de la loi scolaire. A compter de 1984, il est inscrit que «A l’exception de quelques matières, l’organisation et les contenus de l’enseignement sont identiques en primaire et en secondaire et pour les élèves des deux sexes». Depuis les cours de cuisine sont dispensés à tous, dans le cadre de la scolarité obligatoire.
Le récit complet des boycotteuses est compilé dans un ouvrage de 96 pages.

intervalles.ch

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