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Bienne

Exploration lunaire

Le NMB présente l’exposition «Croissants d’argile», en mettant en lumière ces mystérieux objets de culte de l’âge du Bronze.

Le Nouveau musée de Bienne a volontairement choisi une scénographie assez sombre et mystérieuse. Patrick Weyeneth - NMB
Julie Gaudio
 
Dans l’imaginaire collectif, l’archéologue est souvent perçu comme un dénicheur de trésors. Mais les objets trouvés ne livrent pas toujours leurs secrets au premier coup d’œil. Les croissants d’argile font partie de ceux-ci. Découverts pour la première fois en 1851, non loin de Berg am Irchel (Zurich), ces objets de la fin de l’âge de Bronze (1300-800 av. J.-C.) suscitent de vives interrogations. Les archéologues tentent, encore de nos jours, de deviner à quoi ils pouvaient servir. 
 
Ces énigmatiques objets en terre cuite sont aujourd’hui au centre d’une exposition itinérante suisse, qui se termine au Nouveau musée de Bienne (NMB). Dès aujourd’hui, et jusqu’au 12 juin 2022, les visiteurs peuvent réfléchir aux différentes interprétations que les archéologues ont fournies ces dernières 160 années. «Ferdinand Keller, préhistorien zurichois spécialiste des palafittes, a appelé ces objets ‹représentations lunaires›», explique Ludivine Marquis, conservatrice du département d’archéologie du NMB. «Le terme ‹croissant de lune› apparaît à la fin du 19esiècle, avec une connotation liée au culte de la corne de bœuf.» 
 
Toutes sortes de fonctions
 
Etonnamment, les croissants d’argile ne sont pas désignés de la même manière dans la langue de Goethe. «Je préfère presque le mot allemand, plus précis», sourit Ludivine Marquis. «‹Mondhörner› signifie littéralement ‹cornes de lune›, et décrit mieux la forme de ces objets, qui ne sont pas tous en argile. Certains sont en grès.»
 
Quel que soit le mot choisi, la fonction de ces croissants d’argile demeure assez floue. Objet religieux, appuie-tête, chenet – support en métal placé dans une cheminée sur lequel on dispose les bûches –, tuile faîtière, calendrier, etc. «D’après les dernières découvertes, qui remontent aux années 1970-80, la signification la plus évidente demeure celle d’une paire de cornes liée à une symbolique lunaire», précise Ludivine Marquis.
 
Datant de l’ère de Bronze, les croissants d’argile ont été découverts à travers toute l’Europe, de l’est de la France à l’ouest de la Hongrie, et principalement autour des Alpes. «En Suisse, on en dénombre environ 700», livre la conservatrice au NMB. «Les sites palafittiques en ont livrés en abondance, car ils assurent une excellente conservation. On peut citer par exemple Mörigen, au bord du lac de Bienne, ou Hauterive-Champréveyres, Cortaillod et Auvernier pour le lac de Neuchâtel. Des fragments ont également été trouvés à Nidau.»
 
Explorer les fantasmes
 
Peu représentés, ces objets demeurent mystérieux. Pour cette raison, ils sont exposés au NMB dans une salle assez sombre. «Nous avons souhaité donner un écrin à ces croissants d’argile, qui sont délicatement éclairés dans les vitrines», souligne Ludivine Marquis. Un plafond étoilé renvoie à leur forme lunaire. «En réalité, il a été installé pour une exposition précédente, mais nous l’avons trouvé très adéquat pour les croissants d’argile.»
 
Pour questionner le lien entre archéologie et mystère, Camille Aeschimann, anthropologue chez ArchaeoConcept, a imaginé un petit salon interactif à la fin de l’exposition. «Les visiteurs sont invités à échanger sur leur rapport à l’archéologie et sur ce que cette discipline leur évoque», révèle-t-elle. «Ils peuvent s’inspirer des témoignages recueillis qui s’affichent à l’écran, mais aussi des livres et DVD disposés dans la bibliothèque.»
 
Enfin, pour conclure la visite, des questions sont disposées dans un vase, et les réponses peuvent être inscrites sur un grand tableau ardoise à la sortie de l’exposition. Le public peut par exemple répondre à: «Quels sont les films ou les livres qui vous font penser à l’archéologie?» Pas la peine de chercher des références citant les croissants d’argile, tant il y en a peu. Mais «d’autres œuvres de la pop culture livrent des images, souvent fantasmées, de l’archéologie», conclut Ludivine Marquis.
 
Diverses activités sont organisées autour de l’exposition «Croissants d’argile»,  jusqu’au 12juin 2022. Renseignements sur nmbiel.ch

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