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Réactions au rapport

Ils dénoncent un «faux dans les titres»

Le Groupe autonome au CJB estime que le Jura bernois ne gagne aucune nouvelle compétence

Marcel Winistoerfer, Jean-Pierre Aellen, Pierre Mercerat et Maurane Riesen (de g. à dr.) ont dénoncé hier des mesures qui n’apporteront, selon eux, aucune nouvelle compétence politique au Jura bernois. téphane gerber

Michael Bassin, Pierre-Alain Brenzikofer, Philippe Oudot

«Poudre aux yeux», «trompe l’œil», «faux dans les titres», «montagne accouchant d’une souris»: le Groupe autonome du Conseil du Jura bernois (CJB) tire à boulets rouges sur les décisions dévoilées hier concernant le statu quo+. Selon lui, le «+» dont il est question n’apportera strictement rien à la région.
Les autonomistes au CJB, ils sont cinq sur 24 élus, ont fait entendre leur voix hier en fin d’après-midi à Moutier. Une sorte de contre-conférence de presse à celle qui s’était tenue un peu plus tôt à Courtelary. «Vendue comme une véritable avancée en termes de compétences régionales dévolues au Jura bernois, la piste du statu quo+ ne constitue en réalité que de la poudre aux yeux», déplore Jean-Pierre Aellen affirmant ne pas pouvoir admettre que le Gouvernement bernois, le CJB, le CAF et la ville de Bienne «s’associent pour tromper la population de la sorte.» Et de dénoncer une «propagande politique et institutionnelle».

La vision de l’AIJ perdue

Sur le principe, le Groupe autonome dit être d’accord avec les propositions formulées. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il s’agit uniquement d’améliorations fonctionnelles, organisationnelles et procédurales, selon lui.
Ainsi, il y aurait tromperie sur la marchandise, selon les autonomistes. «En fait, ce statu quo+ est le renforcement du non-changement», soutient Maurane Riesen. Pour elle et ses collègues, ce qui est annoncé ne s’inscrit pas dans la vision du statu quo+ proposée par l’AIJ, qui consistait «à améliorer la situation actuelle, notamment par une simplification du paysage institutionnel du Jura bernois, par une réorganisation territoriale et par un renforcement de la collaboration interjurassienne.»
La minorité du CJB concède qu’il y a bien «des améliorations de fonctionnement destinées principalement à l’administration.» Mais selon elle, vouloir parler de «+» est totalement injustifié. Elle le répète à l’envi: les compétences actuelles du CJB (dans le sens de la capacité à décider, de prendre des engagements politiques et financiers) restent inchangées malgré les mesures annoncées. Et de citer quelques exemples.
S’agissant de la création d’un poste de délégué à la culture, il ne s’agit que d’un «déplacement de la ressource de Berne à La Neuveville» et non pas de l’avènement d’un vrai nouveau poste ni d’une nouvelle compétence attribuée au CJB. S’agissant de la création de relais francophones au sein des directions cantonales, «ceux-ci devraient déjà être actifs depuis bien longtemps» et n’apporteront qu’un «confort de travail pour le secrétariat du CJB».
S’agissant du projet de transferts ponctuels de compétences avec enveloppe financière au CJB pour des dossiers interjurassiens, transfrontaliers ou en lien avec l’identité ou l’espace BEJUNE, le Groupe autonome glisse qu’il s’agit «probablement de la seule nouvelle petite compétence». Une compétence «un peu illusoire», précise-t-il, eu égard au montant limité (50 000 francs pour 55 000 habitants) et au fait que l’élargissement des relations interjurassiennes n’est pas à l’ordre du jour.
S’agissant enfin des décisions concernant le CAF et la région biennoise, le Groupe autonome ne s’étend pas dessus, arguant que «le bilinguisme n’est pas une thématique propre au Jura bernois, qui reste une région francophone.»

Que des détails

«Alors que le Gouvernement bernois et les partis antiséparatistes promettaient monts et merveilles à la population pour s’opposer à un Jura réunifié, cette solution démontre que fondamentalement, seuls des détails changent, sans pour autant accorder plus de compétences décisionnelles réelles. Dans les discours de l’époque, cette loi sur le statut particulier devait tendre vers une autonomisation progressive du Jura bernois! On en est bien loin aujourd’hui!», soulignent les élus autonomistes qui auraient par exemple aimé que le CJB dispose d’enveloppes financières pour des domaines particuliers, dans celui des routes par exemple.
Et si, à l’époque, les élus autonomistes au CJB ne se sont pas battus pour développer outre-mesure le statu quo+, c’est parce que leur cheval de bataille était l’autre piste: la création d’un nouveau canton.

Rester ou non au CJB? la question qui divise

Les élus autonomistes estiment-ils avoir encore leur place au CJBaprès les critiques formulées à l’encontre du statu quo+ et puisqu’ils considèrent que le Conseil du Jura bernois n’a pas gagné un iota de compétence? Ceux présents hier à Moutier, membres du PSA et du PDC, indiquent que la question n’a pas été abordée dans leur formation au regard du rapport sur le statu quo+. Pas de réponses définitives hier, donc.
On le sait, le sujet divise fortement au sein de la famille jurassienne. Les Etats généraux du MAJ, en juin 2014, avaient montré des positions différentes. Hier, les membres du Groupe autonome ont cité deux arguments plaidant pour leur maintien: le vote de Moutier qui se profile et qui sera d’une manière ou d’une autre abordé au CJB;le fait qu’ils représentent une frange non négligeable de la population ayant voté pour eux. «Et puis, ce serait faire trop d’honneur au rapport que de démissionner en bloc», a glissé Jean-Pierre Aellen.

Vu de Moutier

Maxime Zuber  Le député-maire de Moutier s’attendait à ce résultat: «Quelques aménagements mineurs, essentiellement de niveau opérationnel, sont apportés au fonctionnement du CJB et de son administration. Mais appelons donc un chat un chat! Pour une fois, je suis d’accord avec Manfred Bühler qui avait récemment qualifié le statu quo+ de ‹hochet de plus pour amuser quelques politiciens du Jura bernois, une fois que l’enterrement de la Question jurassienne sous l’angle de la réunification aura enfin été officiellement célébré. (…) Si l’on veut plus de compétences, il faut avoir le courage de créer un nouvel Etat, il n’y a pas de place pour un statu quo+ dans la Constitution bernoise›. Avec la présentation d’aujourd’hui, on doit bien reconnaître que M. Bühler avait raison», assène Maxime Zuber. Il estime que ceux qui attendaient de ce statu quo+ qu’il renforce la région sur le plan politique resteront sur leur faim. «Une conclusion que ne manqueront pas de tirer de nombreux Prévôtois.»
 
Marcelle Forster
  Membre du CJB, la socialiste prévôtoise note qu’avec ce statu quo+, la population de Moutier dispose d’un document qui lui donne des garanties, notamment par rapport à son administration décentralisée de 200 emplois: «On reconnaît nos institutions, tout comme on nous affirme que cette administration ne s’en ira pas à Bienne. Ces garanties, le Jura pourra-t-il nous les offrir?» Cela dit, la politicienne admet que le problème est toujours le même, à savoir que les autonomistes auraient voulu obtenir un Etat dans l’Etat. Elle juge important que les Directions cantonales reconnaissent le CJB, admettent ses prérogatives et tiennent compte de ses requêtes: «Tout ce que le groupe de travail a demandé, il l’a obtenu. Bien sûr, il faudra passer à la mise en pratique, vaincre la résistance du personnel. Mais qu’on ne vienne pas dire qu’on ne nous a rien accordé. Ce n’est pas vrai. Nous avons des compétences dans certains domaines. D’autres ont été étendues.»

«Optimisation positive» ici, «confiture» par là

Manfred Bühler et Jean-Pierre Aellen, pas vraiment sur la même longueur d’ondes. A-SG

Manfred Bühler  Membre UDCdu CJB, Manfred Bühler se dit «très satisfait» des décisions prises. «Ça correspond très bien aux propositions et pistes esquissées à l’époque par le CJB. La plupart d’entre elles ont été reprises, soit complètement, soit partiellement.»
S’agissant des pistes abandonnées en cours de route (et de citer la demande de compétence de décision en matière de politique régionale), Manfred Bühler note qu’il en est très bien ainsi, puisque les inconvénients liés à cette nouvelle compétence auraient été trop importants pour le Jura bernois.
«Ce qui est proposé là est une optimisation du cadre actuel, ce qui me va bien. Si on voulait aller beaucoup plus loin, au-delà de la Constitution, alors on se dirigerait vers la création d’un Etat dans l’Etat, idée à laquelle je ne souscris pas.»

Dave von Kænel  Le président du PLR du Jura bernois se dit satisfait et constate que l’arrêté du Conseil exécutif s’inscrit dans la ligne décidée pour régler la Question jurassienne. «On ne s’attendait pas à quelque chose de révolutionnaire, et ça ne l’est pas. On avance pas à pas, conformément à la volonté des Jurassiens bernois, en donnant plus de poids au CJB, ce qui est logique. Quant à ce poste de délégué à la culture, il renforce les compétences du CJBdans l’attribution des subventions», observe-t-il. Il salue également le caractère évolutif de ce statu quo+, qui démontre que rien n’est figé. «Mais cela se fera pas à pas, à la vitesse bernoise.»

Jean-Pierre Graber  Pour le président de Force démocratique, le contenu de ce rapport ne constitue pas une surprise. Il juge normal qu’on accorde davantage de prérogatives en matière de langue et de culture au CJB. Il salue particulièrement la création d’un poste de délégué culturel propre au Jura bernois et qualifie de très positive la possibilité d’accorder ponctuellement des pouvoirs au CJB en matière de relations avec les cantons voisins comme transfrontalières.

Laurent Coste  Président du Mouvement autonomiste jurassien, le Prévôtois Laurent Coste n’est guère étonné par le contenu du rapport. «On pensait qu’il n’y aurait rien dans le +, eh bien, je constate que c’est le cas... nous avons  affaire à quelques aménagements seulement.»
Pense-t-il que les décisions prises par le gouvernement et rendues publiques hier influenceront, dans un sens ou dans l’autre, le vote à Moutier? «Non, l’influence sera négligeable, car ce qui a été présenté hier est presque un non-événement. Ceux qui pensaient que le Jura bernois a un bel avenir dans le canton de Berne ne vont pas changer d’avis, et ceux qui pensaient que l’avenir serait plus radieux avec le canton du Jura seront confortés dans leurs idées», dit Laurent Coste, par ailleurs conseiller de ville à Moutier.
Et de conclure: «Le contenu du statu quo+ est maigre... Alors, c’est comme lorsqu’on manque de beurre ou de confiture, on l’étale encore et encore pour tenter de couvrir la tartine.»

Tous les documents ayant trait au sujet à lire dans les attaches de cet article

A lire également «La montagne accouche d'une souris», communiqué et synthèse du rapport avec commentaires du Groupe autonome

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