Vous êtes ici

Abo

La vie loin de tout (5)

«J’ai perdu quelques relations»

Valérie Lou a sans doute eu pas loin de mille vies. Chanteuse, employée de poste, animatrice radio et on en passe, elle habite depuis cinq ans dans un ancien rucher sur le Plateau de Diesse. Sans eau ni électricité.

  • 1/4 Chez Valérie Lou, il faut chauffer au bois et s’éclairer à la bougie. Mais la vie en pleine nature et la vue qui lui est offerte tous les jours sur le Plateau de Diesse et les Alpes n’ont pas de prix à ses yeux. Photo:Julien Baumann
  • 2/4 Chez Valérie Lou, il faut chauffer au bois et s’éclairer à la bougie. Mais la vie en pleine nature et la vue qui lui est offerte tous les jours sur le Plateau de Diesse et les Alpes n’ont pas de prix à ses yeux. Photo:Julien Baumann
  • 3/4 Chez Valérie Lou, il faut chauffer au bois et s’éclairer à la bougie. Mais la vie en pleine nature et la vue qui lui est offerte tous les jours sur le Plateau de Diesse et les Alpes n’ont pas de prix à ses yeux. Photo:Julien Baumann
  • 4/4 Chez Valérie Lou, il faut chauffer au bois et s’éclairer à la bougie. Mais la vie en pleine nature et la vue qui lui est offerte tous les jours sur le Plateau de Diesse et les Alpes n’ont pas de prix à ses yeux. Photo:Julien Baumann
zurück
  • Dossier

Julien Baumann

Le Jdj à l'aventure
Comment vit-on quand on habite loin de tout? Qui plus est quand l’hiver s’installe et que la neige s’en mêle? Le Journal du Jura est parti à la rencontre d’habitants du Jura bernois qui résident à distance des commerces, des écoles, des cabinets de médecin, des transports en commun… Au fil de la semaine, découvrez des aventuriers, des férus de liberté ou des reclus volontaires à la recherche d’une forme de tranquillité ou d’isolement. Des débrouillards, assurément.

Deux piolets, une lampe frontale et une pelle. Voici le matériel que Valérie Lou a toujours à portée de main pour rentrer ou sortir de chez elle en hiver. Les nuits sont longues et le chemin d’environ 200 mètres qui mènent de la place de parc à son chalet au-dessus de Lamboing n’est pas déblayé par la commune. Cet attirail de spéléologue, Valérie Lou en a particulièrement besoin lorsqu’elle doit lever le camp à 4h du matin pour animer les matinales radio de Canal 3, à Bienne. «Parfois, on entend de ces bruits la nuit, on préfère passer tout droit», commente-t-elle en observant, sur le sentier qui mène chez elle, des traces d’animaux dans la neige.

Depuis cinq ans, cette quinquagénaire qui n’a pas froid aux yeux habite dans un ancien rucher surplombant le Plateau de Diesse, au pied du Mont Sujet. A l’intérieur, elle s’est aménagée un petit cocon bien douillet. La déco et la vue panoramique sur les Alpes font vite oublier l’exiguïté des lieux et l’absence d’eau et d’électricité.

«Tu as la lumière!»
«En été, c’est génial. La vie est très simple. Durant la mauvaise saison, c’est un peu plus compliqué», concède-t-elle. Dans sa petite bicoque, Valérie Lou se chauffe au bois et au gaz. Elle dispose de quelques lampes à batteries solaires. Sinon, c’est le système D.

«Je connais les douches de tous les campings alentours.» Et pour aller au petit coin? «J’ai des toilettes sèches. On économise de l’eau potable, mais ça pose des problèmes au niveau social. Certaines personnes que j’invite sont tellement gênées. J’ai perdu quelques relations à cause de ça.» A l’origine de cette vie au confort pour le moins limité se trouve un malentendu administratif. Une fois propriétaire et installée dans son chalet, Valérie Lou a demandé aux autorités communales si elle pouvait être raccordée aux réseaux d’eau et d’électricité.

Une requête acceptée sans broncher par les responsables concernés, d’autant plus que techniquement l’opération n’est pas compliquée: le rucher se trouve à quelques dizaines de mètres d’un quartier résidentiel. «Mais le canton a refusé, car je suis en zone agricole», explique-t-elle. Les contraintes liées à ce mode de vie ont tout de même poussé l’animatrice radio à se trouver un refuge plus commode pour passer l’hiver. «Pour mes cinquante ans, je me suis payé un mobile home au camping de Prêles. J’y ai déjà installé mes chats.»

Elle dit vouloir franchir le pas bientôt. «Peut-être que ce sera déjà ce week-end.» Juste le temps de prendre ses marques et de s’habituer à des standards de confort qu’elle a presque oubliés. «Je suis déjà allée passer deux ou trois nuits dans mon mobile home. Le soir, tu te dis: mais, tu peux allumer, t’as la lumière!» Un chez-soi bien chauffé et disposant de toilettes dignes de ce nom n’est tout de même pas un luxe, admet-elle. «La nuit c’est plus simple.»

Retour à la musique?
Valérie Lou ne considère pas qu’elle est coupée du monde. Elle dispose d’une connexion au réseau de téléphone mobile et a bricolé un petit support pour y poser son smartphone. «C’est ma petite télé», nous montre-t-elle fièrement. «Je fais tout comme si j’habitais en ville», poursuit-elle. Sauf que c’est quand même l’envie d’évasion et de grands espaces qui l’ont poussée à acheter cet ancien rucher. «J’avais besoin d’horizon.»

Au-delà du petit prix qui lui est proposé pour cette propriété, une anecdote surréaliste a achevé de la convaincre: «Je jure que je n’invente rien! J’étais ici et j’ai vu passer des dromadaires car il y a le zoo pas loin. Et au même moment, j’ai entendu du cor des Alpes. Je me suis dit qu’il fallait que j’habite ici.»

En l’écoutant parler, on se dit que Valérie Lou doit avoir plus d’une histoire farfelue à raconter. Elle admet volontiers avoir eu mille vies. Vaudoise d’origine, elle a longtemps travaillé pour la Poste à mi-temps afin de financer sa passion pour la musique. Elle est passée de journaliste dans un journal local à présentatrice des nouvelles à Telebielingue et a aussi écumé les brocantes d’ici et d’ailleurs durant de longues années.

Aujourd’hui, elle dit avoir de nouveau un peu de temps à consacrer à la chanson. Bientôt un nouvel album? Il faudra attendre le prochain chapitre pour obtenir une réponse car il est temps pour nous de quitter le petit chalet de Lamboing pour rejoindre la civilisation. Le ciel est clair et clément. Nous n’aurons donc besoin ni de piolets, ni de lampe frontale pour rejoindre la route.

Articles correspondant: Région »