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Horlogerie

La montre suisse reste une valeur sûre

La FH a dévoilé hier les résultats d’une étude sur la perception de la montre mécanique sur les principaux marchés de l’horlogerie suisse. Elle a aussi présenté ses nouveaux outils de lutte anti-contrefaçons et ses efforts pour mieux protéger le label Swiss made.

Le président Jean-Daniel Pasche s’est réjoui de voir que pour la branche horlogère, la reprise des exportations était plus forte qu’attendu en début d’année. Stéphane Gerber

 

Par Philippe Oudot

Quelque 150 personnes ont participé hier à la journée organisée par la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), à Delémont. L’occasion de faire le point sur l’actualité de la branche, de procéder à une analyse des marchés, d’évoquer la protection du Swiss made et la lutte anti-contrefaçons, mais aussi et surtout de présenter les résultats de l’étude réalisée sur la base d’un sondage de l’institut Link sur la perception de la montre mécanique dans les principaux marchés de l’industrie horlogère suisse.

Ce sondage a été effectué en avril dernier via internet dans huit pays – Suisse, Etats-Unis, Allemagne, France, Italie, Chine, Japon et Inde. L’échantillon était composé de 1000personnes par pays, âgées entre 18 et 79 ans, plus 200 autres des générations Y et Z, soit un total de 9600 personnes. C’est Philippe Pegoraro, chef du Service économique et statistique de la FH, qui a présenté cette étude.

Le questionnaire était structuré en quatre volets: connaissance et utilisation des montres; mesure du comporte-ment d’achat passé ou futur et motivations d’achat; analyse des préférences (critères d’achat et de non-achat); mesure de perception de la montre mécanique, et plus généralement des montres suisses.

Différences sensibles
D’abord, quelle que soit la tranche d’âge, la moitié des sondés disent porter une montre tous les jours, 30% de manière occasionnelle, et 20%, jamais, a relevé Philippe Pegoraro. Les montres suisses jouissent d’une forte notoriété et sont reconnues pour leur fiabilité. Globalement, dans les pays européens et en Chine, les participants au sondage sont familiers avec les montres mécaniques manuelles ou automatiques, alors que dans les autres pays, on est plutôt porté vers les montres électroniques. En particulier chez les jeunes.

Sans surprise, les Suisses et les Chinois sont ceux qui ont la plus grande connaissance en termes de différenciation entre les montres mécaniques et les montres à quartz. Notamment chez les plus âgés. «Cela ne signifie toutefois pas que les jeunes n’y connaissent rien. En effet, la moitié d’entre eux dit avoir des connaissances en la matière. On peut considérer que c’est peu, mais d’un autre côté, cela signifie qu’il y a un potentiel de croissance important!», a-t-il relevé.

Chinois fans du Swiss made
Interrogés sur leurs préférences quant à la provenance des montres, si tous mentionnent la Suisse et leur pays, Indiens et Japonais ont une nette prédilection pour leur production nationale, tout comme les Français et les Allemands, mais dans une moindre mesure. Les Italiens, quant à eux, avouent une légère préférence pour les montres Swiss made, alors que les Chinois les plébiscitent.

En ce qui concerne les critères d’achat, tous les participants citent le rapport qualité/prix, le haut niveau de qualité, ainsi qu’un verre résistant aux rayures. Les Chinois accordent également une grande importance à la dimension du savoir-faire artisanal, aux séries limitées, ainsi qu’au rôle des ambassadeurs des marques. Ces deux derniers critères jouent également un rôle pour les participants japonais et indiens.

S’agissant des intentions d’achat d’une montre mécanique dans les deux ans à venir, une petite moitié des sondés a répondu par l’affirmative, avec de très fortes différences selon les marchés. En Suisse, ils ne sont que 15%, contre 85% en Chine. Comme l’a relevé, non sans humour, Philippe Pegoraro, «soit les gens ont mal compris la question, soit les horlogers suisses ont du travail assuré pour les cinquante prochaines années!»

En Inde, on constate également un intérêt marqué pour l’achat prochain d’une montre. Quant aux critères de non-achat, les principaux arguments, indépendamment du pays, sont la non-nécessité et le prix élevé. S’y ajoute, aux Etats-Unis, un troisième, à savoir le manque d’intérêt pour les montres mécaniques.

Cette étude a aussi mis en évidence un autre élément: en Europe et aux Etats-Unis, les montres mécaniques sont principalement associées à la tradition, à la qualité et à la fiabilité. En Asie, les sondés ont une perception particulièrement forte de la fabrication artisanale. Par ailleurs, en Chine et en Inde, les montres mécaniques sont perçues à la fois comme innovantes et traditionnelles, alors qu’ailleurs, c’est surtout l’aspect traditionnel qui domine. En guise de conclusion, Philippe Pegoraro a constaté que les montres mécaniques étaient plutôt un objet des anciennes générations et qu’elles n’étaient en aucun cas obsolètes. Elles sont en outre perçues comme ayant une valeur d’investissement.

 

La contrefaçon sur internet en ligne de mire

La FHs’est dotée d’un nouvel outil pour lutter contre les contrefaçons vendues sur le Net. Delphine Sarbach, juriste à la cellule internet, a souligné qu’avec la pandémie, les ventes en ligne avaient explosé, et donc aussi les ventes de contrefaçons. Si, pour la FH, la lutte sur internet n’est pas nouvelle – elle a démarré en 2005 – elle est désormais entrée dans une nouvelle dimension. Baptisé AdIntelligence, «c’est un outil sur mesure, personnalisable et évolutif, développé à l’interne, qui permet d’automatiser les recherches et d’être plus efficace.» Une automatisation qui a aussi permis de gagner beaucoup de temps.

Aujourd’hui, quelque 110 plateformes sont surveillées à l’aide de ce logiciel, qu’il s’agisse de sites spécialisés, d’Instagram ou de Facebook. Doté de filtres permettant des recherches par prix, par catégories, etc., cet instrument permet de détecter et de classifier les contrefaçons. Atitre d’exemple, elle a mentionné le site «mercado livre», qui proposait une Richard Mille – montre très haut de gamme, mais évidemment fausse –, vendue à 1799 dollars!

Le logiciel permet aussi de repérer les contrefaçons sur les différents sites et de convertir en dollars leurs prix exprimés en monnaies locales. Il enregistre également divers codes, adresses URL et autres informations pour confondre le vendeur et détecter, le cas échéant, s’il s’agit d’un récidiviste. Autant d’éléments qui, conservés, constituent des moyens de preuve.

«En une seule année, AdIntelligence a déjà permis d’analyser plus de 1,1 million d’articles», s’est félicitée Delphine Sarbach, soulignant que les prestations étaient très appréciées des marques.

 

Le Swiss made, garantie d’une plus-value

Chef de la division juridique de la FH, Yves Bugmann a quant à lui insisté sur la valeur ajoutée que constitue le label Swiss made, synonyme de fiabilité et de haute qualité, en particulier pour l’horlogerie. Selon une étude de l’Université de Saint-Gall, les consommateurs coréens seraient prêts à payer un produit estampillé Swiss made jusqu’à deux fois son prix! «Une réputation qui a aussi son revers, car elle attire les fraudeurs», a-t-il relevé. D’où la nécessité de soigner ce label qui protège la provenance géographique du produit.

En Suisse, lorsqu’il y a doute, la FHprocède à un achat test pour analyser le produit, ses composants, leur provenance. Il a cité quelques exemples de fraude. Comme cette société qui commercialisait des montres prétendument Swiss made, flanquées d’une croix suisse. Mise en demeure, elle a corrigé en utilisant une croix de Malte, avec l’appellation «Supreme made». Constatant qu’elle continuait de tricher lors d’un 2e achat test, la FHa déposé une plainte pénale. Yves Bugmann a aussi cité une autre société vendant des montres Swiss made alors que les composants en kit venaient directement de Chine pour être assemblés en Suisse.

Al’étranger, les interventions sont plus compliquées, mais aussi possibles. Pour vendre de vulgaires tocantes, la société Agelocer y faisait figurer le label Swiss made avec, en sus l’inscription «Lucerne», mot quasi magique en Chine. Non sans mal, l’intervention de la FHa permis le retrait des pièces litigieuses. D’ailleurs, a indiqué Yves Bugmann, lors d’une récente rencontre du groupe horloger Suisse-Chine, la FHa remis aux autorités chinoises la liste de 20 sociétés qui violent ouvertement les dispositions légales.

 

Reprise plus forte qu’attendu

Après la pluie vient le beau temps. Un proverbe qui colle bien à l’évolution des exportations horlogères. Chef de la Division économique de la FH, Maurice Altermatt s’est félicité du rebond enregistré depuis le début de l’année, «plus rapide et plus fort qu’attendu». Au troisième trimestre, la hausse des exportations, en valeur, a dépassé les 20%par rapport à la même période de 2020, et même de 4% celles de 2019. Une tendance de fond tirée en particulier par les Etats-Unis et la Chine. La digitalisation, l’évolution au niveau de la distribution et le développement du marché de seconde main y ont contribué. Une croissance portée par les montres en métaux précieux et en acier dans le haut de gamme. Si ces chiffres, en valeur, sont réjouissants, ils le sont beaucoup moins en termes de volume: en septembre, par exemple, le nombre de pièces exportées a diminué de 300000 unités, à 1,5mio de pièces.

Alors que le contexte global reste marqué par les incertitudes liées à l’évolution de la pandémie, Maurice Altermatt a constaté que les accords de libre-échange, qui doivent favoriser les exportations, ne sont pas toujours respectés. S’ils ont permis de multiplier par trois celles à destination du Mexique et qu’elles ont permis de réduire d’un demi-milliard de francs les taxes avec la Chine en six ans et demi, c’est loin d’être le cas avec d’autres pays, notamment dans ceux du Golfe persique. La faute à l’impréparation des autorités douanières.

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