Vous êtes ici

Abo

Bienne

Le délit de viol n’est pas retenu

Dans le procès en appel contre le maître d’apprentissage, le Tribunal de deuxième instance a rendu mardi un verdict moins sévère que le Tribunal régional Jura bernois-Seeland il y a deux ans.

La Cour suprême du canton de Berne s’est montrée plus clémente avec le prévenu. Archives

Par Deborah Balmer / Traduction Marcel Gasser

En appel, la Cour suprême a déclaré le prévenu coupable d’avoir abusé de la situation de détresse dans laquelle se trouvaient de jeunes apprenties pour abuser d’elles sexuellement. Il a agi de manière égoïste, avec insistance et sans égard pour les sentiments de ces jeunes filles. En leur accordant des aides financières, il les a rendues dépendantes de lui. Même s’il parle aujourd’hui de liaison ou de flirt consenti, dans un premier interrogatoire il avait lui-même parlé d’agressions. «Un chef occupe toujours une position dominante, même s’il veut être un supérieur cool. Le maître d’apprentissage biennois en a sciemment profité», a estimé le Tribunal, qui le condamne à une peine d’emprisonnement de 14 mois avec sursis, assortie d’une période probatoire de deux ans.

Il devra verser à l’une de ses victimes une indemnisation de 10000 francs, le même montant que celui décidé en première instance par le Tribunal régional. En 2019, celui-ci avait condamné le prévenu à 20 mois de privation de liberté avec sursis pour abus de détresse sur plusieurs apprenties. Un jugement contre lequel le Ministère public, l’avocat de la victime et même l’avocat du prévenu avaient fait appel.

Un délit entre quatre yeux

Le boulanger-confiseur qui, peu après le premier procès, s’était très officiellement retiré des activités d’exploitation de son entreprise, a accueilli mardi l’énoncé du jugement avec calme, les bras croisés. Son avocat biennois l’a immédiatement pris à part pour s’entretenir avec lui. Ils n’ont pas souhaité faire de déclaration. Rappelons que le défenseur du prévenu avait réclamé l’acquittement de son client, estimant qu’il fallait chercher dans la vengeance la raison éventuelle pour laquelle la victime essayait de nuire au prévenu.

Après l’apprentissage de la jeune fille, son patron avait en effet résilié son contrat de travail à durée indéterminée. Quoi qu’il en soit la Cour suprême, contrairement au Ministère public, n’a pas retenu contre le prévenu les délits de contrainte sexuelle et de viol. «Quand un délit est commis entre quatre yeux, il est très difficile pour un tribunal de porter un jugement, car c’est la parole de l’un contre celle de l’autre», a expliqué mardi la présidente du tribunal. En l’occurrence la jeune fille déclare qu’il y a eu relation sexuelle non consentie, l’homme que tout s’est toujours passé d’un commun accord, aussi bien le rapport sexuel chez elle, dans sa chambre, que le rapport oral dans les locaux de l’entreprise.

Réponses laconiques

Dans les délits où c’est la parole de l’un contre celle de l’autre, le tribunal est d’autant plus livré aux déclarations de la victime. Dans cette affaire, on comprend bien que la jeune femme soit traumatisée et qu’il lui soit pénible d’évoquer sans cesse le déroulement des faits. Mais le tribunal dépend justement des déclarations de la victime. Il faut absolument que celle-ci s’exprime, c’est elle qui était sur place.

Or, la Cour suprême déplore concrètement qu’aujourd’hui encore il lui manque la narration détaillée des faits et la description des sentiments et des pensées de la victime au moment où ces faits se sont déroulés. «Elle n’a fait que répondre aux questions ciblées qu’on lui posait, et même alors ses déclarations restaient laconiques, y compris sur les circonstances», a expliqué la juge. A quoi la représentante du Ministère public a répondu que c’était bien là la preuve que la victime ne souhaite nuire à personne. Si tel avait été son désir, elle aurait sciemment fait des déclarations détaillées et à charge. La Cour ne s’est pas laissée convaincre par cette argumentation.

Pas d’interdiction

Comme, dans cette affaire, les descriptions de la victime étaient en partie contradictoires et inconstantes, le tribunal a dû s’appuyer surtout sur les déclarations du maître d’apprentissage, dont les descriptions sont «crédibles». De plus, il a avoué les faits dès le début, ce qui parle en sa faveur. En revanche le tribunal a mis en doute la manière dont la jeune femme a présenté sa relation avec un témoin auditionné lundi.

Ce septuagénaire a en effet déclaré qu’il avait été son ami durant plusieurs années, une sorte de sugar daddy, et qu’ils avaient entretenu des relations sexuelles, ce que la plaignante a nié.

«Pourquoi conteste-t-elle cette relation?», s’est demandée la juge. La Cour suprême n’a pas non plus prononcé d’interdiction professionnelle contre le prévenu. Théoriquement, le boulanger-confiseur pourrait donc continuer de former des apprenties. La juge a estimé que les faits remontent à trop loin et qu’une telle interdiction serait aujourd’hui disproportionnée.

«Il s’est volontairement retiré de la gestion de son affaire et n’a plus rien à voir avec des apprenties», a-t-elle poursuivi, persuadée qu’il a tiré la leçon de ses frasques. En effet, d’une part sa famille a dû traverser de bien pénibles épreuves, d’autre part il aura à supporter une partie des frais de la procédure, et «ça va faire mal». De son côté, la représentante du Ministère public s’est déclarée satisfaite de ce jugement, contre lequel elle ne fera pas recours. «Je suis heureuse que le prévenu n’ait pas été entièrement acquitté», a-t-elle conclu.

Articles correspondant: Région »