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«Le PSA est voué à disparaître»

Pour les béotiens, la coprésidence du Parti socialiste autonome (PSA) est composée de Maurane Riesen et... Maurane Riesen. Dans l’ombre, Pierre Coullery est l’autre visage de cette direction bicéphale. Le juriste prévôtois de 47 ans commente l’actualité politique, toujours chaude, du Jura bernois.

Pour Pierre Coullery, coprésident du PSA, la gauche du Jura bernois va tôt ou tard finir par s’unir. (Stéphane Gerber)

Laurent Kleisl

Pour qui aime les jeux politiques, le Jura bernois est un laboratoire d’une richesse exceptionnelle. Le vote de Moutier entériné, la course au Conseil exécutif, dont les élections se tiendront en mars prochain, ravive les passions. La dernière en date? L’annonce par le PSA de la candidature de Peter Gasser pour contrer Pierre Alain Schnegg, UDC et archifavori à sa propre succession.

Pierre Coullery, la candidature de Peter Gasser n’est-elle pas qu’un acte de cosmétique politique?
Non, on ne peut pas dire ça! Il n’y avait aucun candidat face à Pierre Alain Schnegg, dont le siège était acquis en vertu du statut particulier. Avec les décisions prises par le PSJB et Les Verts de ne pas lancer respectivement Hervé Gullotti et Moussia de Watteville, des décisions en lien avec la stratégie de la gauche du canton de Berne, le PSA s’est dit qu’il fallait contrer Pierre Alain Schnegg, qu’il fallait présenter quelqu’un qui représente la gauche dans la région et qui mette en avant nos idées.

Président PSJB du Grand Conseil, Hervé Gullotti a déclaré au JdJ que la candidature de Peter Gasser avait «comme un relent de guerre froide»…
Un relent de guerre froide, c’est très exagéré. L’optique du PSA sur l’avenir de la région n’est pas forcément celle du PSJB. Reste que notre objectif est de travailler et collaborer avec la gauche du Jura bernois et de faire en sorte qu’elle gagne du poids par rapport, notamment, à l’UDC.

La présence du PSA dans la course au Conseil exécutif ne va-t-elle pas plomber la candidature d’Erich Fehr, le maire socialiste de Bienne?
Je ne pense pas. Le PSA doit encore discuter avec Erich Fehr, que nous allons bientôt rencontrer afin de parler du soutien officiel que l’on pourrait lui apporter. Nous n’avons pas encore pris de décision à ce sujet. Certains éléments doivent être clarifiés, notamment par rapport au transfert de Moutier et par rapport à l’attitude d’autres conseillers d’Etat sur le dossier. 

Pierre Alain Schnegg…
Pour ne pas le nommer. On peut attendre une autre attitude de la part d’un conseiller d’Etat proche de notre région. Nous devons d’abord discuter avec Erich Fehr avant d’en dire davantage à ce sujet.

Le PSA a-t-il informé Erich Fehr avant l’officialisation de la candidature de Peter Gasser?
Non. Il existe plusieurs forces de gauche dans la région et chacune gère ses listes de manière autonome. 

Un ticket Schnegg - Fehr au Conseil exécutif le printemps prochain ne serait-il pas un atout pour le Jura bernois?
Le PSA n’a rien contre Erich Fehr. On peut apprécier sa personne et son action. A titre personnel, s’il est élu au Conseil exécutif, j’en serai le premier satisfait. Un ticket Schnegg - Fehr, pourquoi pas. Mais Peter Gasser n’a rien d’un candidat alibi. Il a de l’expérience, des compétences et est très présent dans la région. Après, face à Monsieur Schnegg, UDC et sortant, on sait que nos chances sont faibles.

Avec le prochain transfert de Moutier dans le canton du Jura, le job du PSA ne serait-il pas désormais de défendre la minorité francophone du canton de Berne plutôt que de la diviser?
Défendre la minorité francophone... Il y a des orientations politiques qui ne sont pas les mêmes, il n’y a qu’à voir les résultats du vote sur le mariage pour tous dans le Jura bernois. Ces résultats m’ont un peu étonné, ils montrent quelque chose. Il y a des forces sociales et progressistes qui existent dans la région, c’est celles-là que l’on souhaite développer.

Avec le prochain transfert de Moutier dans le Jura, le PSA n’est-il pas voué à disparaître?
Tout à fait. Personnellement, je le dis clairement: dans sa forme actuelle, le PSA est voué à disparaître. C’est joué, c’est réglé. Il faut accepter les résultats des votes populaires, tant à Moutier pour les antiséparatistes que dans le reste du Jura bernois pour les séparatistes. Entre Moutier et le Jura bernois, la destinée n’est pas la même. Le PSA, en tant que structure, va continuer à exister jusqu’au transfert de Moutier dans le Jura. Par contre, nous devons maintenir une présence de la gauche dans le reste du Jura Sud.

Il y a le PSJB!
Avec le PSJB, il faut l’accepter, il réside des inimitiés entre des gens qui ont du mal à travailler ensemble. Et on ne va pas se mentir, la Question jurassienne n’est plus porteuse dans le Sud. Il existe de plus en plus de gens qui souhaitent s’investir à gauche, mais ni au PSA ni au PSJB. C’est pour cette raison que nous lançons une autre liste pour représenter le mouvement socialiste. A un moment donné, les partis de gauche vont finir par se réunir dans le Jura bernois.

Le Parlement jurassien a voté une motion exigeant l’accueil de Moutier le 1er janvier 2024. Est-ce réaliste?
Difficile à dire. Pour Moutier, c’est souhaitable, car l’incertitude n’amène rien de bon. Il n’y a qu’à voir la démission des 13 élus pro-bernois du Conseil de ville. On se retrouve avec une possible élection libre, dont on ne connaît pas encore le calendrier. Je dis bravo à Francis Pellaton, le seul qui soit resté. 

Comprenez-vous la décision des 13 élus démissionnaires?
Non, je ne la comprends pas. Si les séparatistes avaient perdu lors du vote de Moutier, le résultat aurait été très dur à avaler. Peut-être même qu’à titre individuel, des conseillers PSA auraient démissionné. Toutefois, il n’y aurait pas eu un départ en bloc de l’Entente jurassienne. Le peuple nous a élus et nous a accordé sa confiance. Au Conseil de ville de Moutier et en commissions, on ne parle pas que de la Question jurassienne. De nombreux dossiers sont traités, des dossiers sur lesquels les élus antiséparatistes doivent pouvoir se faire entendre et défendre leurs électeurs, qui représentent entre 40 et 45% de la population. Se désengager, au niveau démocratique, ce n’est pas correct. 

Le canton du Jura estime à 30 millions son déficit pour 2022 et entre 20 et 40 millions pour les années suivantes. Moutier prévoit une perte de 1,34 million pour 2021. Les retrouvailles vont-elles se fêter au vin qui pique?
(il sourit) Au début, oui, ça va un peu piquer! La situation financière de Moutier n’est pas bonne. Le canton du Jura doit également trouver des solutions pour accéder à l’équilibre financier. Je ne m’attends pas à des miracles, Moutier va continuer à être déficitaire même si, par rapport au canton de Berne, le Jura se décharge moins sur les communes. Je le dis sans ambages, à un moment donné, nous devrons prendre des décisions peu porteuses politiquement. On devra sans doute passer par une augmentation d’impôts et couper dans certaines prestations.

Pour la Confédération et les cantons concernés, le départ de Moutier règle définitivement la Question jurassienne. L’acceptez-vous?
Institutionnellement, la question est réglée. Ensuite, personne ne sait si elle ne sera pas relancée dans 20 ou 30 ans. Il en va ainsi pour toutes les questions identitaires liées à un territoire. Dans l’immédiat, il s’agit de gérer le transfert de Moutier. Il y a aussi le cas de Belprahon, qu’on ne doit pas oublier, même si ce n’est pas une priorité.

Etes-vous prêt à rejoindre un canton du Jura dont la Constitution aura été délestée de ses articles 138 et 139?
Ces articles ont surtout une portée symbolique. Les radier ne va rien changer pour les Jurassiens, pour qui ils continueront à exister.

 

D’une coprésidence à l’autre

Juriste de formation, Pierre Coullery (47 ans) distille son art à Neuchâtel, depuis 15 ans, en qualité de secrétaire général de la CCT Santé 21. En plus de partager le trône du PSA avec Maurane Riesen  – le duo a succédé à Valentin Zuber en décembre 2019 –, ce Prévôtois pur sucre occupe également la coprésidence d’ESPAS, en collaboration avec Andréas Imboden. «Comme ESPAS dispense ses prestations de soins à domicile autant à Moutier que dans les communes environnantes, de nombreux éléments seront à discuter dans le cadre du transfert de Moutier», souligne-t-il. Pierre Coullery siège au Conseil de ville de Moutier depuis le début de la législature en cours, son premier mandat électif. «Si je me suis mis sur une liste, c’est principalement en raison de la Question jurassienne», indique-t-il. «Comme je suis de gauche, je ne pouvais que rejoindre le PSA pour mes débuts en politique.» Célibataire, Pierre Coullery se dit grand partisan du FC Sochaux et fidèle du HC Ajoie.

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