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La Neuveville

Les élèves, migrants d’un jour

Journée autour des migrations au collège du district

Né au Kurdistan irakien, Najat Koshnaw a raconté son histoire de migrant devant des élèves attentifs. Jeremy Jaquet

Jeremy Jaquet

Transposer la réalité des migrants à la sienne propre: c’est ce qu’a proposé hier l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), avec le soutien du Service de lutte contre le racisme, aux élèves du collège du district de La Neuveville. Matin et après-midi, ils ont abordé des thématiques, brûlantes s’il en est, autour de la triade que forment l’exil, l’asile et l’intégration. Sujets d’une actualité quotidienne, très souvent abordés à travers le prisme des médias, ils ont pu être appréhendés par les 120 élèves participant d’une manière moins cérébrale et plus concrète qu’habituellement, grâce aux différents ateliers proposés.

Parmi ceux-ci, les jeunes de La Neuveville et du Plateau de Diesse ont mené une réflexion par petits groupes quant aux questions «A qui accorder la protection de la Suisse?», ainsi que «Etre intégré, c’est quoi?». Leurs réponses ont été complétées par l’expérience de plusieurs adultes, anciens migrants ou non.

Dans la peau d’un réfugié
Le vécu d’un migrant est pour beaucoup une altérité méconnue. Pour tenter de comprendre les parcours qui mènent de l’exil à l’asile, OSAR a créé un jeu de simulation, «Passages», qui conditionne le participant dans une atmosphère qui se veut proche de celles qui entourent les migrants qui empruntent la route de l’exil. L’idée étant d’aborder le problème migratoire sous un autre angle et «avec les tripes», selon l’expression consacrée de Katy François, coordinatrice de ce projet.

Tout de suite, on les prévient qu’il leur est possible de stopper l’activité si celle-ci venait à être insoutenable...

Adossant un rôle fictif, les élèves du collège débutent leur périple les yeux bandés, dans la salle de gymnastique. Puis surviennent des bruits de feu, de fracas. Ça tire et ça crache. On doit fuir et prendre la route. Une route qui emmène les élèves à la rencontre de paramilitaires, qui gentiment illustrent la peur et les humiliations que peuvent exercer ces forces armées.

Les rires sont nerveux. Viennent ensuite les passeurs, guidant leurs jeunes «clients» dépouillés à travers les sous-sols du bâtiment, jusqu’à un camp de réfugiés. Là, ils sont choisis de manière totalement arbitraire. Les élèves s’offusquent, mais ici ce n’est qu’un jeu. Ailleurs, un fascisme ordinaire d’une plate banalité pour les migrants.

Humanités meurtries
Le jeu de rôle se conclut, les élèves reprennent leur souffle et leurs esprits. Au tour de Najat Koshnaw, né au Kurdistan irakien, de raconter son histoire, qui n’est en rien une fiction comme ce que viennent de vivre les élèves. «Le bruit de la guerre, chaque soir, était pour moi comme la berceuse d’une mère», se souvient-il.

Craignant pour sa vie, il décide de fuir, d’abord en Turquie, où il connaît la précarité de la clandestinité, puis tente de passer par trois fois en Grèce. La dernière tentative est la bonne. Il faut dire qu’elle aura coûté deux fois plus cher que les deux premières: 5000 dollars. Najat Koshnaw parviendra finalement au camp de Chiasso en avril 1998, où il sera frappé par les forces armées suisses, puis sera envoyé à Sion.

Le commencement d’une vie nouvelle, qui porte le sceau de l’incertitude, jusqu’à ce que son renvoi soit gelé par la guerre en Irak. Se confronter à ces humanités meurtries, c’est pour les élèves l’occasion de démythifier les lieux communs qui pullulent sur les sujets de migrants.

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