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Logopédie

Les logopédistes tirent la sonnette d’alarme

Dans la Berne francophone, la prise en charge des troubles du langage des petits enfants et des plus de 16 ans est menacée par la révision de la loi sur la scolarité obligatoire.

Les logopédistes indépendants craignent de disparaître au profit des services publics, laissant les jeunes non-scolarisés sur le carreau. LDD

Mia Demmler

A quatre ans, Léo* (nom connu de la rédaction) ne parvenait pas à prononcer certains sons. Inquiets, ses parents ont décidé de consulter un logopédiste sur conseil du pédiatre. Ils se sont tournés vers le privé, leur fils n’étant pas encore scolarisé. Léo a rapidement bénéficié du soutien d’une logopédiste indépendante à Tavannes, à raison de deux heures par semaine, financées par le canton de Berne. Son petit frère, confronté à différents troubles du langage, a pu également être pris en charge avant d’entrer à l’école. «Ce suivi rapide et efficace a été un soulagement», raconte la mère. D’autant plus que les études montrent l’efficacité des interventions précoces. Il suffit de penser au bégaiement ou à la dyslexie pour percevoir les conséquences que peuvent avoir des troubles du langage sur l’estime de soi, la scolarisation ou l’intégration professionnelle.

Or, le système de prise en charge pourrait pourtant bientôt changer. En cause: la révision de la loi sur la scolarité obligatoire, soumise en seconde lecture au Grand Conseil lors de la session de juin. Ce texte prévoit notamment de regrouper la scolarisation spécialisée et l’enseignement ordinaire à la Direction de l’instruction publique. Le but du canton de Berne est de garantir aux élèves nécessitant des besoins éducatifs particuliers une formation adaptée et suffisante.

Avec le futur système, les enfants et les jeunes en âge de scolarité ayant des troubles du langage seront suivis dans des services de logopédie publics. Mais la loi ne tient pas compte des enfants en âge préscolaire ou des jeunes qui sortent de l’école. Or, leur prise en charge ne sera peut-être plus assurée dans notre région, car les cabinets indépendants, privés de neuf dixièmes de leurs patients, ne seront plus viables.

D’habitude discrètes, la section bernoise de l’Association Romande des logopédistes diplômés (ARLD) et son homologue réunissant les indépendants n’ont pas hésité à monter au créneau. Les deux associations ont publié une lettre ouverte aux membres du Grand Conseil. Pour elles, c’est inéluctable: si elle n’est pas corrigée, cette révision risque d’avoir des conséquences graves sur la prise en charge des francophones.

Nombreuses inquiétudes

Le libre choix d’un thérapeute, principe important pour le patient et sa famille, pourrait se trouver mis à mal. Nombre d’autres doutes demeurent, par exemple quant à la prise en charge de troubles du langage qui n’ont pas de lien direct avec la scolarité.

«Le délai d’attente pour les enfants nécessitant de l’aide va certainement se prolonger lorsque les services publics devront assumer tous les 4 à 16 ans», renchérit Aline Surdez Bolzli, logopédiste à Tavannes. En outre, les séances dans les services publics sont moins fréquentes: une fois par semaine, contre deux fois dans les cabinets d’indépendants si nécessaire. Elles sont aussi moins longues (45 minutes contre 60).

Avec une entrée en vigueur prévue l’an prochain, la réforme du système laissera peu de temps aux communes pour mettre en place les infrastructures nécessaires, qui plus est en plein marasme financier lié au Covid-19. Quant aux logopédistes indépendants, ils pourraient bien jeter l’éponge faute de patients. En 2020, ils ont pourtant accompagné plus de 500 enfants, dont 88% en âge de scolarité.

«Il paraît essentiel que le canton offre un projet tenant compte des enfants de 0 à 20ans et mette l’accent sur la prévention», souligne Joëlle Aebersold, co-présidente de l’ARLD Berne. D’ailleurs, tous les autres cantons romands ont choisi cette approche dans leur loi scolaire, plutôt que de se limiter à considérer les enfants de 4 à 16 ans.

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