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Reconvilier

L'incendiaire se déclare soulagé

Par la voix de son avocat, l'homme de 26 ans interpellé le 28 mars dernier dans le cadre des incendies intentionnels de la région de Reconvilier s'exprime sur ses actes.

Un homme dévoré par sa passion (image prétexte Keystone).

Question de la semaine

Selon vous, le pompier pyromane est pleinement responsable des actes qu'il a reconnu. Il doit "payer" en:





Michael Bassin

«Je suis vraiment désolé pour tout le mal que j’ai fait aux gens et je m’en excuse, ainsi qu’au corps des sapeurs-pompiers de La Birse. Et j’espère que la population me pardonnera un jour. Je voudrais surtout que ma famille ne soit pas harcelée par la population et qu’eux (ma famille, ndlr) puissent avoir une vie normale au village. Je vous assure que cela ne se produira plus jamais.» Les mots sont ceux de l’incendiaire de Reconvilier interpellé par la police. Ecrit sur une feuille, ce message qu’il souhaite aujourd’hui faire passer est lu par Me Vincent Kleiner, avocat commis d’office.

Actuellement en détention préventive, ce Suisse de 26 ans, marié et père de famille, domicilié à Reconvilier, alors sapeur-pompier volontaire au corps de La Birse, a avoué 15 incendies ou tentatives d’incendies. Des actes graves qui étaient motivés, dit-il à travers la voix de son avocat, par sa passion pour l’univers des pompiers. Et dans la logique qui est la sienne, il affirme n’avoir jamais voulu mettre qui que ce soit en danger.

Dévoré par sa passion
En se faisant finalement pincer par la police le vendredi 28 mars, l’incendiaire a été délesté d’un poids. C’est ce que relate Me Kleiner: «Il a exprimé un soulagement que tout ça s’arrête. Maintenant il va assumer sa responsabilité.» N’aurait-il pas pu mettre fin à cette triste trajectoire (qui a duré de mai 2012 à fin mars 2014) de lui-même? «Mon client n’a jamais eu le courage de se dénoncer. Il a senti qu’il aurait pu le faire, en parler à son médecin notamment, mais il n’a pas réussi à saisir ces occasions.»
Me Kleiner assure que son client n’est pas fasciné par le feu. «D’ailleurs, après avoir bouté le feu, il n’est jamais resté sur place pour admirer les flammes.» Aucun esprit de vengeance non plus selon l’avocat. «Jamais il n’a mis le feu pour s’en prendre à quelqu’un.» Si l’homme a commis ces actes, c’est, dit-il, pour pouvoir exercer sa passion, pour pratiquer les techniques d’intervention avec ceux qu’il tenait en haute estime. «Il considérait ses collègues comme des gens importants. Là, il se rend compte qu’il a cassé quelque chose», explique Me Kleiner.

Quinze incendies ou tentatives
Face à la police et à la justice, l’incendiaire a énuméré de lui-même les actes qu’il a perpétrés intentionnellement. «A mon sens, il a fait des aveux sincères et complets», juge Vincent Kleiner qui conteste ainsi la notion «d’aveux partiels» figurant dans le communiqué du Ministère public. «Il a avoué 15 tentatives d’incendies ou incendies. Qu’aurait-il à y gagner d’en cacher une ou deux?», se demande son défenseur. Parmi les sinistres admis figurent notamment les carcasses de voitures derrière chez Vox Dei, les maisons inhabitées à la rue du Moulin et à la Grand Rue, l’entrepôt Piazza La Fenêtre ou encore la loge de la bourgeoisie. L’homme affirme avoir agi seul.
Me Kleiner indique que son client a dès le début «contesté de manière catégorique» être l’auteur de l’important incendie de Vox Dei, de celui de la Vie des Crêts (maison avec des habitants) et des véhicules du SSEVT. Mercredi, le Ministère public informait qu’une réaction chimique était à l’origine du sinistre chez Vox Dei. Ce qui disculpe l’incendiaire pour ce cas précis.

Et la mise en danger?
Un point ne manquera vraisemblablement pas d’être au cœur de la procédure et des débats en audience: la notion de mise en danger de la vie d’autrui. «Mon client n’a jamais eu ni la volonté ni la conscience de mettre quiconque en danger. C’est pourquoi il a choisi des cibles précises, des bâtiments inhabités. Il ne voulait pas s’en prendre à l’être humain», plaide Me Kleiner. Et ses collègues pompiers dont il appréciait tant la compagnie, ne leur a-t-il pas fait courir un danger? «Dans la mesure où les bâtiments étaient inhabités, mon client estimait qu’il n’y avait aucun risque pour les pompiers. Car ceux-ci ne devaient pas rentrer dans l’édifice pour effectuer un quelconque sauvetage mais intervenir depuis l’extérieur uniquement.»
A ce stade, Me Kleiner en est convaincu: son client n’a jamais mis quiconque dans la confidence. «C’est moi, le vendredi matin, qui ai dû annoncer à son épouse le fait qu’il avait été interpellé et avait avoué. Elle tombait des nues.» Dans un deuxième temps, les «pourquoi» se sont bousculés dans son entourage. «Mon client bénéficie du soutien de sa famille proche et de son employeur. Le message est qu’il garde courage.»

Détention pas contestée
L’incendiaire se trouve actuellement en détention préventive, ceci pour éviter tout risque de collusion ou de récidive. «Mon client ne va pas contester cette décision», indique Me Kleiner. Dans deux mois au plus tard le dossier sera réexaminé par le Tribunal des mesures de contrainte (alors pour définir si la détention est renouvelée au cas où le Ministère public le demande). Et ainsi de suite jusqu’au procès. Trop de paramètres font défaut à ce jour pour savoir si la défense va, à un moment donné, demander une libération.
Interrogé sur l’état de son client, qui a désormais passé plusieurs nuits en prison, Me Kleiner estime que le travail commence à opérer. «J’ai vu beaucoup de larmes couler aujourd’hui», nous a dit l’avocat le jour où nous l’avons rencontré. Si l’incendiaire confie être soulagé, il se dit aussi inquiet quant aux suites judiciaires, personnelles et professionnelles qu’il doit affronter.

Besoin d’en parler à un spécialiste
Une expertise psychiatrique sera menée. «Mon client ne la conteste pas et s’y soumettra pleinement. Il se réjouit même que ça commence, qu’il puisse parler à un spécialiste. Il en éprouve le besoin.» La police a d’ores et déjà indiqué que l’enquête durera plusieurs mois. Difficile de dire quand le procès aura lieu.
S’agissant de la peine possible qu’encourt l’incendiaire, Me Kleiner refuse d’articuler une fourchette et s’en remet à l’article 221 du Code pénal. L’expertise psychiatrique sera par ailleurs déterminante pour définir si la responsabilité de son client est entière ou pas. L’avocat glisse que la peine se calculera «en années de prison ferme».

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