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Ouvrage

L’industrie régionale, un cas décolleté

Pour l’association des fabricants de la branche, le Prévôtois d’origine Edouard Huguelet signe «Le décolletage dans l’Arc jurassien».

Prise vers 1917, cette photo emblématique met en scène Jean Spozio (à g.), fondateur de l’Atelier Spozio Décolletage, à Moutier. Photo:Musée du tour automatique et d’histoire de Moutier

par Dan Steiner

«Top! Domaine de la fabrication qui consiste à produire des pièces de révolution plus ou moins complexes par enlèvement de matière à partir de barres de métal à l’aide d’outils coupants. Les pièces sont fabriquées en série sur des tours automatiques et sont produites les unes après les autres dans la barre, le but étant d’atteindre une productivité et une précision élevée.» Je suis...? Je suis...? Julien Lepers n’aurait certainement pas dit mieux qu’Edouard Huguelet. Etabli à Territet, commune de Montreux, depuis belle lurette, le Prévôtois d’origine signe en ce premier semestre «Le décolletage dans l’Arc jurassien», édité par l’Association des fabricants de décolletages et taillages (AFDT). Richement illustré, l’ouvrage de 80pages vient aujourd’hui pallier l’absence d’événements organisés généralement par l’AFDT, comme les Journées de la presse et celles des techniques et technologies de la branche, mais évidemment aussi le SIAMS (lire également ci-dessus).
Imaginée avant la pandémie, courant 2018, cette plaquette visait et vise donc toujours à faire connaître cette spécialité industrielle qui se concentre en bonne partie dans le Jura bernois. Une grande pourvoyeuse d’emplois dans le secteur secondaire, mais dont l’un des deux grands défis exposés par Edouard Huguelet consiste à assurer la relève.

A la portée de tout le monde
Disponible gratuitement auprès de l’association, qui l’a tiré à 1000exemplaires, ce livre synthétise, sur 80pages et de manière abordable – il est notamment muni d’un bref glossaire dans les dernières pages –, ce que sont le décolletage, l’horlogerie, les moyens de production et notamment l’évolution des tours automatiques, les matériaux et l’outillage ainsi que son avenir. Quelques bribes de son passé sont aussi exemplifiées par l’histoire des usines UltraSA(Court), Laubscher PräzisionAG (Täuffelen) et Lauener&CieSA (Boudry).
Voilà pour la table des matières. «Evidemment, il faut une petite culture du milieu, mais l’ouvrage reste à la portée de la plupart des gens», juge Edouard Huguelet. Déjà auteur de «Des machines et des hommes: quelques reflets de l’histoire de la machine-outil en Suisse romande», numéro spécial pour le 80e du Mensuel de l’industrie MSM, dans lequel il dévoile «quelques facettes de cette industrie au travers d’épopées souvent fertiles en rebondissements», il n’est pas le premier venu, tant s’en faut.

Huile, copeaux etbas salaires? Du passé
C’est en effet tout logiquement que l’AFDT s’est approchée de lui pour cette rédaction. Après ses écoles en Prévôté, il passe du tour automatique au câblage et à l’usinage – «du très petit au très lourd» – puis à l’automatisation. Dès 1980, il devient rédacteur en chef d’Industrie et technique – Revue technique suisse puis passe chez MSM, de 1986 à 2013. Il y restera 27ans en tant que rédacteur et rédacteur en chef, avant de terminer son pensum par quelques années à la Revue polytechnique.
En simple observateur désormais, néanmoins très attentif, il estime que la crise pandémique actuelle ne devrait pas trop mettre à mal le secteur. «Effectivement, la Suisse est dans de bonnes dispositions. Swissmem (réd: la faîtière de l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux) est dynamique et résiliente», rassure l’homme, né en 1940 et qui a également fait son trou chez Tavannes Machines et Léon CharpillozSA, à Bévilard.
Déjà esquissé plus haut, l’un des challenges est de continuer à intéresser les jeunes, dans une région qui, malgré tout, «s’est progressivement désindustrialisée». «Certains les dissuadent parfois, leur parlant de l’huile, des copeaux et de salaires bas. Mais c’est faux! C’était peut-être le cas avant, mais il y a des dizaines d’années», conclut-il. A l’AFDT, maintenant, de continuer de transmettre le message, dès que le présentiel aura repris le pas sur le numérique.

 

Vaste offensive promotionnelle prévue
Envoyé à toutes les entreprises romandes actives dans le décolletage, l’ouvrage d’Edouard Huguelet a rencontré un bon écho, assureFrancis Koller. Membre du conseil de direction de l’AFDT et ancien homme fort du SIAMS, il peut même fièrement affirmer que certains industriels ont appris quelque chose. «Eux qui ont généralement la tête dans le guidon, ils ont découvert d’autres facettes de leur monde, d’après les retours récoltés.» Imaginée comme une opération relationnelle, abordable et non agressive, cette initiative ne visait pas tant à les former. «Nous n’avions évidemment pas cette prétention», lâche Francis Koller. «Mais on se sent un peu seuls dans ces moments difficiles, et ce livre permet de montrer leur importance dans ce domaine. Nous avons essayé de donner des informations générales et positives au bon moment.»
Jusqu’ici basée sur l’événementiel, la communication de l’AFDT est amenée à évoluer dès ces prochaines semaines. «Je préférerai toujours rencontrer des gens et serrer des mains, or on ne peut plus repousser notre passage sur les réseaux sociaux.»Mais pas que. «Nous devons mettre en évidence l’Arc jurassien comme centre de compétences et permettre aux firmes de se présenter, dans plusieurs langues, notamment.» L’association va ainsi s’atteler à rendre sa plateforme plus interactive. Pas de luxe ni de bling-bling, mais un bon outil. Une avancée qui doit non seulement motiver les jeunes, mais également ceux qui vont les former. DSH

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